Puisque Karl Lagerfeld inspire le monde de la mode, nous avons décidé de soumettre nos créatrices favorites à ses mantras. Profonds, futiles, dingues ou drôles, les propos du Kaiser ne laissent personne indifférent. Cette semaine, Marguerite Bartherotte, à la tête de la marque G.Kero, répond à l’interview “Karl vous parle”.
Marguerite Bartherotte, l’énergie créatrice derrière la marque G.Kero, est à l’image des personnages qu’elle peint pour ses collections. Haute en couleur. C’est ponctué d’éclats de rire, d’imitations et d’anecdotes délicieuses, que la jeune femme, qui ne souhaite pas donner son âge, déroule le film de son histoire, jusqu’à la sortie en boutique de la première collection G.Kero en 2013. Issue d’une fratrie de sept enfants, Marguerite Bartherotte a grandi dans le sud-ouest de la France, pas loin du Cap Ferret. Dès l’âge de trois ans, elle se met à dessiner. “Les murs de la maison étaient tapissés de dessins, de tableaux, de photographies de ma mère”, se souvient-t-elle. Alors que la mère prenait des photos, la petite fille les reproduisait ensuite en dessin. À l’aube de l’âge adulte, elle découvre la couleur et la matière textile dans l’arrière-boutique de ses deux tantes belges, Diane et Evelyne Declerq. “Il y avait des pelotes de laine qui pendaient partout, raconte-t-elle, elles m’ont ouvert les yeux sur le beau et l’original.”
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“Il y a une légèreté qui me plaît beaucoup dans l’idée de peindre un sujet qui va être sur quelqu’un.”
L’histoire de G.Kero débute sur une idée de Philippe Bartherotte, frère aîné de Marguerite. Ce dernier, installé au Brésil, lui demande un jour un dessin pour mettre sur un tee-shirt. Elle est alors étudiante à La Cambre à Bruxelles -après être passée par l’Atelier de Sèvres– et elle y découvre le dessin animé, “quelque chose d’extrêmement divertissant, mais qui ne [lui] convenait pas”. Pendant trois ans, la créatrice peint sur commande des tee-shirts. “J’avais enfin trouvé ce qui me plaisait”, se remémore-t-elle. Et d’ajouter: “Il y a une légèreté qui me plaît beaucoup dans l’idée de peindre un sujet qui va être sur quelqu’un.” Son frère revient du Brésil avec une idée: créer officiellement la marque G.Kero. Un troisième associé, Arnaud Champeil, apporte les “ronds” nécessaires à la création de l’entreprise. Depuis, le pinceau a passé la main à l’impression numérique. “G.Kero, c’est ma vision de la beauté”, résume la créatrice. Et c’est aussi le diminutif de Gisèle Kérozène, l’un des personnages du film éponyme du réalisateur Jan Kounen. En parallèle du développement de sa marque, Marguerite Bartherotte compose avec le duo électro parisien Polo & Pan, qui vient de signer le fond sonore d’une pub Apple Watch.
Les pièces des collections G.Kero sont disponibles en édition limitée et chaque dessin est numéroté: “Nous souhaitons rester dans cet aspect luxe.” Tout est fabriqué dans de petits ateliers au Portugal et en Chine et la marque est aujourd’hui en vente dans une trentaine de pays. Avant de se soumettre aux citations de Kaiser, Marguerite Bartherotte confie adorer Karl Lagerfeld qui, selon elle, manie l’art du mot juste comme personne.
“Je hais les montres, c’est la raison pour laquelle je suis toujours en retard.”
Karl en retard? Je n’y crois pas.
“Je trouve les tatouages horribles. C’est comme vivre dans une robe Pucci 24 heures sur 24.”
Cette phrase est géniale, je n’aurais pas dit mieux! Son franc-parler relève presque de la poésie. Je hais aussi les tatouages et, pour le paraphraser, pour moi, c’est comme vivre dans une robe Desigual 24 heures sur 24.
“Pensez rose, ne le portez pas!”
Je ne suis pas d’accord. Le rose pâle est très beau au teint, même lorsque tu as une mine à dégueuler.
“Les pantalons de jogging sont un signe de défaite. Vous avez perdu le contrôle de votre vie, donc vous sortez en jogging.”
Je suis complètement d’accord. C’est un manque d’élégance. Encore plus lorsque le genou est imprimé au genou justement, mais sous la hauteur réglementaire, ce qui a pour effet de te raccourcir les jarrets. On observe le même phénomène au postérieur. Je dirais plutôt: “Les pantalons de jogging sont un signe de défaite. Vous avez perdu le contrôle de vos genoux et de vos fesses.”
G.Kero
“Si tu pisses partout, t’es pas Chanel du tout!”
Si tu te chies dans le froc, autrement dit, si tu as peur d’oser, de porter un truc original, tu n’es pas G.Kero du tout. Il ne faut pas avoir peur de porter des couleurs, de voir les choses en grand. Bon, je reconnais que j’aurais pu trouver mieux comme comparaison mais c’est l’idée! (Rires.)
“Il faut porter une fourrure comme un vulgaire tricot.”
Il ne faut pas la porter comme une poule de luxe. C’est ça qu’il veut dire. Il vaut mieux la porter à la Kurt Cobain ou à la Freddie Mercury lorsqu’il chante Killer Queen. Il porte une fourrure avec un pantalon moulant. Il était mignon avec ses cheveux longs, avant que la moustache ne vienne tout gâcher.
“Le vêtement ne doit pas t’aller, c’est toi qui dois aller au vêtement.”
C’est de la provocation, une tirade de couturier arrogant. Et en amour, ça donnerait quoi? ‘Le mec ne doit pas t’aller, c’est toi qui dois aller au mec.’ C’est totalement absurde. Pour moi, c’est l’inverse. C’est le vêtement qui doit s’adapter et non pas l’inverse, sinon tu as vraiment l’air d’un con!
G.Kero
“Je suis une sorte de nymphomane de la mode qui n’atteint jamais l’orgasme.”
Le pauvre! (Rires.)
“Si vous me demandiez ce que j’aurais préféré inventer dans la mode, je vous répondrais la chemise blanche. Pour moi, une chemise, c’est la base de tout. Tout le reste passe après.”
Si tu fais un concert et que tu veux que la scène soit intéressante d’un point de vue graphique, tu ne mets pas de chemise blanche, sinon tu as l’air de Jérôme de la compta. Tout est une histoire de contexte. Heureusement, sinon qu’est-ce qu’on se ferait chier! Sur scène, je préfère de loin Klaus Nomi à Jérôme de la compta. Pour moi, la base de la mode, c’est comprendre son contexte.
Propos recueillis par Léandra Ricou
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