Cher Bruno Duvic, chère France Inter,
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Comme fidèles auditrices de votre station et de votre émission, notre surprise a été grande d’entendre ce matin Aldo Naouri, pédiatre à ses heures perdues, nous “éclairer” sur le thème de l’émission: Le dollar et le plumard: le couple et l’argent. Si, déjà, le sujet fleurait bon les années 50, c’était compter sans les déclarations de votre invité.
En effet, avant 1965 et l’autorisation pour les femmes d’ouvrir leur compte en banque ou de travailler sans l’autorisation de leur mari, ses paroles auraient probablement trouvé un écho favorable. Mais là, nous sommes restées pantoises… Pourtant, Aldo Naouri n’en est pas à ses premiers propos contestables, entre son appel au viol de mars 2013, ou ses délires sur le pouvoir supposé des femmes et des mères. Evidemment, il persiste et signe dans votre émission, en incitant les femmes à ne pas travailler, pour que leur gentil mari et “prince charmant” s’occupe d’elles.
Contrairement aux idées reçues et à ce que répète Aldo Naouri, les femmes ont toujours travaillé.
Selon Aldo Naouri, les femmes ont “par définition de la valeur” et “les hommes n’ont par définition aucune valeur”, ou encore, les femmes sont “désirables” et les hommes “désirants”. Sa logique est simple: les femmes restent des objets à acheter et les hommes des sujets. D’ailleurs, Aldo Naouri développe: “Dans les unions, il y a toujours quelque chose de l’ordre de: ‘je paie pour avoir ce que je veux’. Les hommes cherchent à avoir beaucoup d’argent pour pouvoir choisir dans le lot des femmes, et devenir, en quelque sorte, des individus qui ont le droit à la parole”. Car pour lui, “celui qui désire est en position d’avoir à tenter de convaincre l’autre, et donc à payer (…) Tout ceci est absolument joint au plus vieux métier du monde. Pourquoi le plus vieux métier du monde se fait-il dans ce sens là?”. Sous couvert de recherche pseudo-scientifique, Aldo Naouri reprend un vieux poncif qui veut que la femme reste la propriété de l’homme.
Non seulement, cela ressemble au discours de Marine Le Pen qui, rappelons-le, pendant la présidentielle de 2012, voulait renvoyer les femmes au foyer en leur donnant un salaire pour rester à la maison. Surtout, c’est complètement déconnecté de la réalité. Cela reprend bien sûr tous les clichés du “donnant/recevant”, de la femme passive et de l’homme actif, de la reine du foyer et de l’homme de Cro-magnon qui rapporte à manger. Quand on sait qu’en France, les plus pauvres et les plus précaires sont d’abord des femmes, souvent des familles monoparentales, cela fait froid dans le dos.
Car, contrairement aux idées reçues et à ce que répète Aldo Naouri, les femmes ont toujours travaillé. Leur travail n’était juste pas reconnu ou rémunéré… Sortons donc de ce mythe idiot de l’homme qui doit subvenir aux besoins de la famille, et dont il est le chef. Car cet argument a servi, notamment au XIXème siècle, à justifier, entre autres, les inégalités salariales. On payait moins les femmes, car elles n’avaient pas besoin de travailler, puisque le salaire de l’homme était soit-disant celui du chef de famille. Tant pis pour les veuves et les célibataires, qui avaient du mal à survivre. Alors, cher Bruno Duvic, comment ne pas exprimer notre indignation quand on entend ce genre d’argumentaires. Vous le pressentez d’ailleurs en déclarant: “Cela va faire hurler les auditeurs”, sans pour autant apporter la moindre contradiction.
Le problème en 2015 reste les inégalités salariales et le plafond de verre. Ne nous trompons donc pas de combat.
Une question, par ailleurs, nous brûle les lèvres: en quoi Aldo Naouri était-il le seul à mériter votre invitation, si ce n’est pour faire la promotion de son livre? Est-il vraiment un spécialiste du couple? En 2015, on se permet d’en douter. Surtout, pourquoi ne pas inviter des jeunes, mais aussi des femmes à ses côtés (si vous tenez vraiment à sa présence), pour lui donner la contradiction. Le groupe Egalis a, par exemple, sélectionné pour vous une série d’expertes qui auraient pu être présentes. Car le problème du couple et de l’argent n’est pas que les femmes gagnent plus que leur compagnon. Selon une étude de l’INSEE de mars 2014, dans les trois quarts des couples, les hommes gagnent plus que leur compagne, avec un écart moyen de 10 000 euros par an. Le problème en 2015 reste les inégalités salariales et le plafond de verre. Ne nous trompons donc pas de combat.
Aujourd’hui France Inter a une femme, Laurence Bloch, à sa direction. Depuis deux ans, elle s’efforce, dit-elle, d’apporter plus de “parité”, notamment à la matinale avec la météo de Marie-Pierre Planchon, une chronique environnement de Nathalie Fontrel, une revue de presse présentée par Hélène Jouan, une interview de Léa Salamé, une chronique à 7h24 de Rebecca Manzoni, ou une pastille humoristique à 8h de Charline Vanhoenacker, sans oublier L’Instant M avec Sonia Devillers. Peut-être que la chaîne devrait maintenant s’interroger sur la qualité de ses invités. À défaut d’être féministe, France Inter, peut-être pourriez-vous éviter de solliciter des misogynes rétrogrades. Merci d’avance.
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