Les livres recommandés par la rédaction pour passer un été relax et élégant, sans vous griller les neurones.
Comme nous, vous avez déjà lu et relu Guerre et Paix dans ses versions russes, estoniennes et ouïghoures. Depuis vos sept ans, vous pouvez citer dans leur ordre anté-chronologique et en verlan les volumes de À la recherche du temps perdu (d’ailleurs, puisqu’on est entre nous, disons plutôt “La Recherche” tout court, ok?). Comme nous, vous avez dévoré L’Assommoir -ce titre, quand même! Ils étaient vraiment nuls en marketing à l’époque…- et, dès que vous croquez dans un Magnum aux amandes, vous repensez avec émoi à la Critique de la raison pure, dont vous n’aviez fait qu’une bouchée l’été de vos 17 ans.
Mais voilà, présentement, vous êtes comme nous: fatiguée. Vous êtes une lectrice exigeante et, en août, vous voulez vous reposer, intelligemment certes, mais vous reposer quand même. Au diable Léon, Marcel, Émile et Manu, vous voulez lire des trucs vraiment kiffants et, si possible, pas trop idiots. Ah, et puis, si possible aussi, faire un peu de place aux femmes écrivains dans votre valise. Bonne nouvelle, la rédaction de Cheek s’est pliée en quatre pour satisfaire tous ces désirs, aussi foufous soient-ils. Voici quelques unes de nos recommandations pour passer un été relax et intelligent, sans vous griller les neurones.
Charlotte Lazimi: Le Premier qui voit la mer, de Zakia et Célia Heron (Versilio)
Le pitch: Leïla raconte son enfance et sa vie de femme en Algérie. On découvre d’abord à travers ses yeux de fillette la guerre d’Algérie. On suit ensuite son émancipation et sa lutte contre l’intégrisme religieux qui gagne son pays.
Pourquoi je le recommande: C’est un livre sensible écrit à quatre mains entre une mère et sa fille. Il est question d’identité, d’héritage, d’indépendance, de blessures et de deuils inconsolables. Des thèmes si particuliers à leur histoire, servie par une écriture subtile et une sincérité qui rendent ce livre universel.
Myriam Levain: Acquanera, de Valentina D’Urbano (Philippe Rey)
Le pitch: Au fin fond de l’Italie, trois générations de femmes marginales, accusées de sorcellerie, font face à l’hostilité de leur village.
Pourquoi je le recommande: Cette saga italienne est la cousine des romans de Gabriel Garcia Marquez et Isabel Allende, et on s’attache à ces femmes aux destins et aux dons extra-ordinaires. Hyper rythmé, le récit nous tient en haleine: impossible de lâcher le livre une fois qu’on l’a commencé.
Myriam Levain: Dix mille et une nuits, d’Hubert Boukobza (Robert Laffont)
Le pitch: Sexe, drogue et clubbing dans les années 80-90. Dans cette autobiographie, l’ex-patron des Bains, Hubert Boukobza, raconte son ascension et sa déchéance à la tête de la boîte parisienne mythique, qui vient de rouvrir ses portes en hôtel.
Pourquoi je le recommande: C’est toujours amusant de découvrir que De Niro était obsédé par les jeunes femmes noires et que Prince a couché avec Ophélie Winter. Mais au-delà de ces anecdotes, Hubert Boukobza fait revivre la nuit parisienne post-Palace et pré-Baron, à une époque où les smartphones n’existaient pas et où (presque) tout était permis rue du Bourg-l’Abbé.
Julie Coste: La Fille du train, de Paula Hawkins (Sonatine)
Le pitch: Rachel est l’archétype de la fille au bout du rouleau: une trentenaire qui boit trop depuis que son ex-mari l’a quittée pour une autre. Elle se sent si seule qu’elle fantasme sur la vie du couple dont elle observe les habitudes et la maison chaque matin, par la vitre de son train de banlieue. Le jour où la jeune femme disparaît, Rachel va descendre du train pour s’inviter dans la vie de ces inconnus.
Pourquoi je le recommande: La Fille du train, c’est un de ces polars qu’on lit en deux jours et jusqu’au milieu de la nuit sans s’en rendre compte. On commence le livre en se disant: “quelle pauvre fille”, pour se laisser très vite happer par l’humanité et l’enquête en douce de cette jeune femme borderline. Le roman est un carton dans le monde entier et va bientôt être adapté par Dreamworks. A lire pour prendre les paris sur qui pourra jouer Rachel!
Pauline Le Gall: Girl in a Band, de Kim Gordon (Le Mot et le reste)
Le pitch: Le rock a souvent été raconté du point de vue des hommes. Il était temps que les femmes s’emparent de la question. Après Patti Smith, c’est Kim Gordon, figure de proue de Sonic Youth, qui s’y colle. Ses débuts dans l’art, la scène branchée de New York, les tournées interminables, sa fille Coco, son divorce de Thurston Moore… Tout y passe.
Pourquoi je le recommande: Kim Gordon n’a pas attendu de finir de panser les plaies de son divorce pour raconter son histoire. Mais au milieu de son Thurston bashing, elle trouve le temps de raconter par le menu ce que c’était d’être une fille dans le plus grand groupe de rock de ces trente dernières années et dans un milieu particulièrement sexiste. Un petit précis de féminisme à l’usage des nostalgiques des nineties.
Pauline Le Gall: Fairyland, d’Alysia Abbott (Globe)
Le pitch: Alysia Abbott raconte son enfance et son adolescence à San Francisco auprès de son père, le poète et activiste LGBT Steve Abbott. Elle y décrit les premières années fun à deux, l’adolescence passée sous le regard pesant des autres, et enfin la terrible maladie de son père, qui décède du Sida en 1992.
Pourquoi je le recommande: Avec un sens de la formule et l’écriture poétique qui semble couler dans ses veines, Alysia Abbott trace le récit passionnant d’une relation père-fille unique. Elle dresse surtout un autoportrait sans aucune concession, où elle met à nu ses jugements d’adolescente sur la vie de son père. L’occasion aussi de découvrir la passionnante scène poétique LGBT de San Francisco dans les années 70 et les ravages du Sida dans l’indifférence politique la plus totale.
Faustine Kopiejwski: Americanah, de Chimamanda Ngozi Adichie (Gallimard)
Le pitch: L’héroïne du roman, Ifemelu, est nigériane. On suit son enfance à Lagos et son départ pour les États-Unis, où elle ira étudier et vivre pendant près de 15 ans, avant de prendre un billet retour pour son pays d’origine.
Pourquoi je le recommande: Avec beaucoup de dérision et un sens de l’observation digne d’un agent de la NSA, Chimamanda Ngozi Adichie, l’auteure nigérianne préférée de Beyoncé, décortique et entrechoque les cultures africaine et nord-américaine. En plus de vous faire voyager entre les deux continents, Americanah romance un phénomène très générationnel: celui des “repats”, ces jeunes Africains qui, après des études en occident, décident de rentrer tenter leur chance en Afrique.
Julia Tissier: La Théorie de la tartine, de Titiou Lecoq (Au Diable Vauvert)
Le pitch: Trois personnages, à l’opposé les uns des autres, se retrouvent autour de l’histoire d’une sextape aux débuts de l’Internet. On suit alors leurs pérégrinations durant une année avant de les retrouver neuf ans plus tard.
Pourquoi je le recommande: Déjà, c’est bien écrit, les personnages sont attachants et l’intrigue prenante. Ensuite, ce retour aux années 2000 nous rappelle -avec nostalgie- le commencement du Web et surtout comment cette technologie a bouleversé nos vies, de notre façon de travailler à notre manière de communiquer. Et nous a, du coup, fait changer aussi.
La Cheek team