Tous les vendredis, retrouvez les aventures de Romy Idol. Mecs, boulot, famille, quotidien: Romy, c’est nous en pire.
S’il y a bien un truc dont je me passerais dans la vie, c’est d’aller chez le coiffeur. C’est quand même le seul endroit dont je ressors, délestée de cinquante euros -deux-cents dans le pire des cas- plus moche que je ne l’étais en rentrant. À part une virée à la piscine municipale avec un maillot de bain Go Sport, je ne vois pas. Règle primordiale: ne jamais y aller déprimée. Le problème, c’est que justement j’y vais quand je déprime. Et le combo coiffeur + déprime s’avère cruel. La faute au marketing et à ce stupide adage: nouvelle coupe, nouvelle vie.
“Alors, qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui?” C’est souvent la question par laquelle commence le supplice capillaire. J’ai toujours envie de répondre: “Ben, je sais pas, tu fais quoi aujourd’hui? Tu bosses, tu coupes des cheveux, non? Ben, du coup, t’as bien une petite idée de ce qu’on va faire, non?” Comme je suis polie, je joue le jeu et je dis: “J’aimerais bien couper mes pointes, elles sont un peu sèches.” Le coiffeur cache rarement sa déception. Il se voyait déjà me faire la coupe de Drazic dans Hartley, cœurs à vif.
“Ça fait combien de temps que vous ne les avez pas lavés?” J’ai l’impression d’être une souillon.
Voici la première manifestation de l’ego du coiffeur: il ne coupe pas les pointes. Il a d’autres ambitions. Résultat, j’ai beau lui avoir montré à quoi correspondait un centimètre sur la règle que j’ai emportée par précaution, il n’en a rien à foutre. Il va en couper dix. Pas un, pas deux, pas trois mais dix. Il fait un prix de gros, quoi. Et d’argumenter ensuite: “Il fallait VRAIMENT couper là, c’est pour tes cheveux que je l’ai fait.” J’imagine mes cheveux suppliant le coiffeur: “Pitié, coupe dix centimètres, steup, steup, sinon, on ne va jamais s’en sortir.”
Après la déception, c’est l’affliction, voire le dégoût qui se lit sur son visage. “Ça fait combien de temps que vous ne les avez pas lavés?” J’ai l’impression d’être une souillon. À ce stade, je suis agacée, je regarde la bombe de laque comme une arme potentielle mais je file docilement vers le bac à shampooing en sachant pertinemment que je ne m’en sortirai pas comme ça. “On fait un soin?” En plus de me sentir sale, j’ai l’impression d’être radine quand je refuse.
Le pire est à venir: le brushing. Le mec pense que c’est là que se joue son art.
Retour devant le miroir. Armé de ses ciseaux maléfiques, le coiffeur, avec un sourire satisfait -pervers-, achève le carnage. J’ai envie de pleurer. En regardant mes cheveux par terre, je le soupçonne de participer à un trafic mondial de perruques. Mais le pire est à venir: le brushing.
Le mec pense que c’est là que se joue son art. “Tu veux qu’on les sèche comment après?” En réalité, ce n’est qu’une formule de politesse, le mec ne suit jamais mes indications et n’en fait qu’à sa tête. Et ça, sur la mienne. Le coiffeur, dans son salon, est un dictateur. J’ai beau lui avoir apporté une photo de Kate Moss, je ressors systématiquement avec la coiffure de Dalida dans sa pire période capillaire. Je m’estime heureuse: je n’ai pas celle de son frère, Orlando, c’est déjà ça.
Je paye et j’imagine un moyen de me télétransporter jusqu’à chez moi pour m’épargner ce trajet très pénible pendant lequel je vais me regarder dans toutes les vitrines des magasins et me rendre compte que je ressemble à une mini-miss sur le retour. À peine arrivée chez moi, je me glisse sous la douche, non sans une pointe de culpabilité, pour défaire en une minute ce brushing qui lui a pris une heure.
Romy Idol