Pendant le festival de Cannes, nos chroniqueuses Iris Brey et Louise Riousse écument les salles obscures pour trouver les films les plus Cheek.
Pauline s’arrache, d’Émilie Brisavoine
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DR
C’est quoi?
Présenté à l’Acid (sélection élaborée par des cinéastes indépendants), le documentaire Pauline s’arrache montre le quotidien d’une adolescente pour qui l’amour est avant tout un combat. À quinze ans, la pétulante Pauline provoque l’ire de ses père, mère et petit copain autant qu’elle se plonge dans d’homériques colères: rien que de très banal en somme. À ceci près que cette histoire a lieu au sein d’une famille pas si ordinaire, faite d’un père homosexuel transformiste et d’une mère noctambule invétérée, eux-mêmes nés d’unions illégitimes.
Pourquoi c’est Cheek?
Cette chronique parfois douce et bien souvent amère marque par l’énergie inépuisable et la désarmante sincérité qu’elle dégage. Émilie Brisavoine, la sœur de Pauline, enregistre les coups de gueule, les larmes et les éclats de rire qui fusent de toutes parts et montre à ses personnages la difficulté qu’ils ont à s’aimer et à se le dire. Là est bien le drame de Pauline, celui de ne pas être aimée, ou pas suffisamment. Pauline s’arrache est une composition singulière faite d’images d’archives, symboles d’une tendresse disparue, et d’un quotidien capté avec autant de pudeur que de franchise.
Louise Riousse
Les Délices de Tokyo, de Naomi Kawase
DR
C’est quoi?
Loin des fantasmes construits autour de l’étudiante japonaise avec sa jupe plissée remontée et son haut bleu marine au liseré blanc, le personnage de Wakana dans Les Délices de Tokyo est une jeune fille en pleine crise existentielle. Hésitant à rentrer au lycée face à la pression de sa mère qui la pousse à travailler, livrée à elle-même la plupart du temps, elle trouve refuge auprès de son canari et dans l’antre d’un restaurant de dorayakis (pancake japonais fourré d’une confiture de haricots azukis). En dévorant ce mets, dont la composition est magnifiquement mise en scène, elle se lie d’amitié avec le vendeur de dorayakis et une vieille femme, qui l’aide à cuisiner la pâte de haricots rouges.
Pourquoi c’est Cheek?
La réalisatrice Naomi Kawase évite au personnage de la jeune fille le cliché de la séductrice et elle ne tombe pas non plus dans le stéréotype de l’homme de quarante ans en crise qui tomberait sous son charme. Au contraire, c’est grâce à la maturité de Wakana et de son mal être, que le vendeur va enfin affronter ses démons. Ces deux-là et la vieille femme, au milieu des sakuras en fleurs, tout en cuisinant et en mangeant dans une minuscule échoppe, se lient d’une amitié rare pour mieux déguster la vie. La réalisatrice, habituée de la Croisette mais encore méconnue en France, signe l’un de ses films les plus accessibles et les plus aboutis en revisitant, entre autres, l’image de la collégienne en uniforme.
Iris Brey
The Lobster, de Yorgos Lanthimos
© Haut et Court
C’est quoi?
Dans l’univers de The Lobster, c’est obligatoire, il faut trouver un partenaire de vie en 45 jours ou on se retrouve transformé en un animal de son choix. Le personnage de Colin Farrell penche vers le homard, un crustacé qui vit jusqu’à 80 ans et qui a la capacité de pouvoir se reproduire ad vitam. Voyant l’échéance se rapprocher, il décide de rejoindre un groupe de rebelles dans la forêt qui se cachent pour vivre leur célibat.
Pourquoi c’est Cheek?
À travers ce conte fantastique, Yorgos Lanthimos dénonce la pression exercée dans notre société pour trouver le grand amour et ne jamais le quitter. Au fil de l’histoire, le réalisateur cherche à savoir si l’épanouissement passe nécessairement par l’union, qu’elle soit amoureuse ou communautaire. Avec intelligence et humour, The Lobster dénonce la dictature du couple à laquelle nous participons, sans même parfois nous en rendre compte.
Iris Brey
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