Tous les vendredis, retrouvez les aventures de Romy Idol. Mecs, boulot, famille, quotidien: Romy, c’est nous en pire.
La première fois que je suis entrée dans l’appartement de Jules, je n’ai pas fait attention. Il faut dire que j’étais davantage focalisée sur la partie de jambes en l’air imminente –ou ce qui devait en être une– que sur l’agencement du salon. La deuxième fois, rebelote, mes yeux n’ont pas tiqué. Mais les fois suivantes, j’ai fait ce constat effrayant pour une bordélique organisée comme moi: Jules et son coloc vivent dans un foutoir absolument pas méthodique. Là où mon fouillis est minutieusement harmonisé, le leur est, au contraire, totalement anarchique. Alors, certes, l’excuse de la colocation a fonctionné au début -“Ouais, tu comprends, c’est mon coloc, il est crade”- mais au fil des jours, j’ai pu constater que M. Coloc n’était pas le problème. Le problème, c’est Jules et son absence de réflexes en termes de rangement/ménage/poubelle/etc.
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Quand Jules se déshabille, il n’a pas ce réflexe qu’ont la plupart des gens qui consiste à poser -délicatement ou pas- ses vêtements sur une chaise.
D’abord, sa chambre ressemble à une ville en ruines, dévastée par une guerre civile qui opposerait ses fringues et ses multiples objets de déco chinés en broc’. Il ne fait nul doute que le fondateur du feng shui, s’il venait y faire un tour, y laisserait sa peau. Difficile de dire s’il s’agit d’une moquette ou d’un parquet vu qu’il n’y a plus un centimètre carré visible à l’œil nu. Le tapis de vêtements qui recouvre le sol augmente de jour en jour et la dernière fois que j’ai vu Jules les “ranger”, il a jeté le tout dans une vieille valise trouvée au fond de son placard, arguant qu’il s’agissait de son panier à linge sale. Le lendemain, le paillasson de chaussettes/caleçons/t-shirts et autres habits s’est reconstitué à la vitesse de la lumière. Quand Jules se déshabille, il n’a pas ce réflexe qu’ont la plupart des gens qui consiste à poser -délicatement ou pas- ses vêtements sur une chaise. Jules ne s’embarrasse pas de ce genre de choses: Jules les dépose par terre là où il les enlève. Résultat: il passe son temps à paumer des trucs. Si une personne normale perd deux mois de vie à chercher des objets, on peut estimer que ce laps de temps est multiplié au moins par 5 en ce qui concerne Jules. Quand je le lui signifie, il n’a pas l’air de s’en inquiéter plus que ça.
Le carrelage de sa cuisine est donc le témoin quasi-quotidien de nos dîners en amoureux.
Sa capacité à “ranger” –synonyme Julesque: laisser tomber par terre- prend une dimension fatale quand il cuisine –Jules aime beaucoup cuisiner- car il applique la règle des vêtements à toutes sortes d’aliments. Les épluchures d’oignons? Par terre. Le sachet de pâtes vide? Par terre. Le carrelage de sa cuisine est donc le témoin quasi quotidien de nos dîners en amoureux. Et sa poubelle -un sac plastique suspendu à une poignée de porte- reste désespérément vide. Beaucoup plus emmerdant que les pelures en tous genres, les liquides renversés par inadvertance. La dernière fois qu’un fond de verre de vin est tombé par terre, j’ai parié avec moi-même combien de temps il allait lui falloir pour éponger le sol. Au bout du troisième jour, le liquide, incrusté et malodorant, était encore là et je me suis payé une coupe de champagne. Contrairement à l’être humain moyen, Jules n’a pas besoin de portes à ses placards/armoires puisqu’une fois qu’il les a ouvertes, il ne les referme jamais. C’est ainsi que, depuis le début de notre relation, je me fais entre un et deux bleus sur le crâne par semaine.
Oui, le gel douche est sur la cuvette des toilettes -soit un peu trop loin du bac de douche une fois que l’on est dedans nue et mouillée- à côté de quelques courriers estampillés EDF/GDF/Ministère des finances.
La salle de bains est également un terrain de jeu idéal pour les névroses chaotiques de Jules. Pour commencer, il ne faut pas croire que la serviette qui est par terre à côté de la douche fait office de tapis de bain pour ceux qui viennent de se laver. Non, c’est la serviette que Jules vient d’utiliser pour se sécher le corps et tant pis si l’on rentre avec ses chaussures dans la salle de bains et que l’on marche dessus. Oui, le gel douche est sur la cuvette des toilettes -soit un peu trop loin du bac de douche une fois que l’on est dedans nue et mouillée- à côté de quelques courriers estampillés EDF/GDF/Ministère des finances et le dentifrice soigneusement coincé derrière la barre en fer de la pomme de douche.
Et quand j’ose aborder subtilement le sujet avec Jules, sa réponse ne se fait pas attendre:
– J’ai pas l’intention de vivre dans un appart’ témoin, j’aime quand il y a de la vie, et que l’espace est occupé.
Ah, c’est sûr qu’il y a de la vie. À commencer par une vie bactérienne intense, mec. Mais ça, je ne lui dis pas et pour le moment, je me contente de rétorquer: “Ouais, on sent que tu vis à fond là, que tu donnes tout.”
Romy Idol
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