Tous les vendredis, retrouvez les aventures de Romy Idol. Mecs, boulot, famille, quotidien: Romy, c’est nous en pire.
Je vis dans une société anxiogène. Si, en venant au monde au XXème siècle, j’ai échappé aux épidémies de tuberculose, de choléra ou de syphilis, j’ai eu droit, en revanche, à d’autres pandémies tout aussi sympathiques: citons au hasard la vache folle, le SRAS, la grippe aviaire et la grippe H1N1. En somme, j’ai eu ma dose de flip collectif. Si je devais céder à toutes mes peurs, je ne mangerais plus ni boeuf ni poulet, je me baladerais avec un masque sur le visage en permanence et n’aurais plus aucun contact avec un quelconque être vivant. Pour des questions de praticité évidentes, j’ai appris à vivre avec tous ces virus effrayants qui ont fait la Une des journaux ces dernières années. Sauf que bon, j’ai quand même de grosses séquelles.
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Quand je vais chez le généraliste, j’ai l’impression de rencontrer l’un de mes pairs et je m’auto-diagnostique régulièrement.
Soyons honnêtes, j’avais déjà un terrain hypocondriaque favorable mais ces épidémies contemporaines et le monde d’aujourd’hui n’ont fait qu’accentuer mon anxiété chronique des maladies. Il y a eu l’apparition de Doctissimo. Rapidement, ce site est devenu le moyen moderne le plus efficace pour transformer mon mal de tête en tumeur au cerveau, mes crampes au ventre en ulcère gastro-duodénal et ma douleur dans le bras gauche en accident vasculaire cérébral. Je connais les symptômes de la dysphonie spasmodique sur le bout des doigts, les manifestations cliniques du syndrome d’Alice au pays des merveilles ou encore l’existence de l’apotemnophilie, certainement l’une des maladies les plus bizarres du monde –le patient ressent le besoin irrésistible de s’amputer l’un de ses membres, sain le membre évidemment, sinon c’est moins drôle. Bref, Doctissimo a fait de moi une Madame Je-sais-tout du milieu médical. Quand je vais chez le généraliste, j’ai l’impression de rencontrer l’un de mes pairs et je m’auto-diagnostique régulièrement. Sans parler du fait que j’ai été biberonnée à Urgences, Grey’s Anatomy et Docteur House et qu’une thèse sur le lupus ne me ferait pas peur.
Même les vaccins peuvent être pire que le mal. Quand je dois décider si je me fais vacciner ou non, j’ai l’impression de devoir choisir entre la peste et le choléra.
Faut dire qu’aujourd’hui, tout est fait pour nous faire flipper. À commencer par les campagnes de santé publique. Si je les prenais au pied de la lettre, je devrais arrêter de boire et de fumer, ingurgiter cinq fruits et légumes par jour, ne plus manger ni trop gras, ni trop sucré ni trop salé, faire trois heures de sport par semaine, me laver les mains une dizaine de fois dans la journée, me faire dépister pour le cancer du sein et celui de l’utérus tous les ans et bannir tous les produits contenant des parabens. Ma vie serait quand même bien chiante. Même les vaccins peuvent être pire que le mal. Quand je dois décider si je me fais vacciner ou non, j’ai l’impression de devoir choisir entre la peste et le choléra. “Alors si vous vous faites vacciner, vous pouvez développer une sclérose en plaques et si vous ne vous faites pas vacciner, votre hépatite B pourra se transformer en cancer du foie.” Merci Madame, bonne journée et au revoir.
À chaque fois que je me retrouve devant le distributeur à billets, je ne peux m’empêcher de penser à l’étude de ce microbiologiste britannique qui disait que les DAB contenaient au moins autant de bactéries que des sièges de toilettes publiques.
Et même la technologie s’y met. Sur mon iPhone, j’ai téléchargé une appli pour connaître ma tension artérielle et une autre, pour suivre en temps réel le rythme de mon pouls. J’attends avec impatience celle qui me permettra de faire un IRM chez moi tranquillou, allongée sur mon lit. J’ai déjà testé toutes sortes de gels hydro-alcooliques et pourrais écrire un article comparatif sur toutes les marques présentes actuellement sur le marché pour le magazine 60 millions de consommateurs. D’ailleurs, un jour, j’ai voulu badigeonner mon iPhone avec –l’un des pires nids à microbes– et il a bien failli y rester. À chaque fois que je me retrouve devant le distributeur à billets, je ne peux m’empêcher de penser à l’étude de ce microbiologiste britannique qui disait que les DAB contenaient au moins autant de bactéries que des sièges de toilettes publiques –ce qui est quand même particulièrement effrayant, même pour les plus sereins d’entre nous. Du coup, quand je retire de l’argent, je tape mon code avec un stylo ou un briquet selon ce que j’ai dans ma poche. Les digicodes? Même combat. Sinon, j’évite de toucher les poignées de porte et c’est comme ça que j’ai découvert la grande utilité -et agilité- de mes deux coudes.
Dans le métro, je me casse régulièrement la gueule car je ne veux pour rien au monde être obligée de toucher les barres -parce que c’est dégueulasse les barres quand on y pense et qu’un jour, j’ai vu quelqu’un se moucher et s’accrocher ensuite en laissant un peu de morve dessus au passage. Au boulot, j’use de tous les stratagèmes pour ne pas avoir à serrer les mains de mes collègues, ou pire, à les embrasser. Je dois régulièrement passer pour une cinglée mais entre la maladie et la folie, j’ai choisi mon camp.
Romy Idol
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