Le 4 mars, Jean-Vincent Placé, sénateur Europe Écologie-Les Verts de l’Essonne, posait avec une poule dans le magazine Marie Claire en vue de dénoncer la misogynie, notamment de la classe politique. Si le geste est sincère, pas sûr que le symbole soit, lui, très productif.
La photo publiée sur le compte Twitter du magazine féminin Marie Claire laisse songeur: Jean-Vincent Placé, président du groupe écologiste du Sénat, pose avec une poule. La but d’une telle publication est d’“attirer l’attention pour dénoncer toute forme de sexisme et de misogynie dans les différents corps de métier, dont la politique” a-t-il expliqué au Lab. “Pour lutter contre le sexisme, Marie Claire et huit célébrités masculines s’engagent à l’occasion de la Journée de la femme, en choisissant comme emblème de la campagne une poule”, peut-on lire sur le site du magazine.
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Le choix d’un tel emblème fait référence à un événement survenu à l’Assemblée nationale en octobre 2013: Philippe Le Ray, député UMP, imitait une poule alors que Véronique Massonneau, d’Europe Écologie-Les Verts (EE-LV), prenait la parole. “Arrêtez! Cela suffit! Je ne suis pas une poule!”, avait-elle alors répliqué. Plusieurs responsables politiques avaient dénoncé un acte sexiste.
“Ils ont cherché à faire le buzz sur un sujet trop grave pour être ainsi pris à la légère.”
La récente action de Jean-Vincent Placé a largement été relayée par les médias.Et si la photo n’a pas échappé aux internautes, reste à savoir quelle portée peut avoir une telle action quand on sait que la photo a déjà été détournée. “Vu le caractère inhabituel du geste, et l’aspect insolite de la photo, il était certain que l’image allait être détournée par quelques internautes créatifs sur Twitter… ”, assure Virginie Martin, politologue et présidente du groupe de réflexion Think Tank Different. “Ils ont cherché à faire le buzz sur un sujet trop grave pour être ainsi pris à la légère, continue-t-elle, ce n’est pas en une photo que le problème de l’égalité va être résolu, ni même que l’on va sensibiliser la population aux problèmes d’égalité entre les sexes.”
Un symbole contre-productif
En observant de plus près ce type de communication qui se focalise sur l’art du bon tweet et de l’image forte, force est de constater qu’il semble offrir un message édulcoré à la cible qu’il vise. Ce dernier est certes symbolique, comme l’explique Virginie Martin, mais il n’en demeure pas moins contre-productif. “Aujourd’hui, le temps médiatique, très court, contrôle la politique, qui se situe elle dans le temps long. En voulant jouer sur un symbole et rappeler un événement, c’est l’image qui va rester, et pas les mots qu’il a prononcés autour de cette image. Que restera-t-il donc? Les femmes sont ici encore associées à des poules; l’image le dit malgré le discours qui tente de dire le contraire. Peu importe l’intention, l’image est trop marquante.”
Jean-Vincent Placé joue ici sur le registre médiatique des émotions et non pas sur celui d’une politique rationnelle. S’il est possible de comprendre l’envie de faire un coup de communication, il faut espérer, conclue Virginie Martin, qu’il ne cache pas une incapacité ou, pire, une absence de volonté de s’attaquer en profondeur au problème de l’égalité dans ce pays.
Julie Jeunejean
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