J’ai plaisir à me maquiller. J’ai adoré la série des Twilight. J’ai beau avoir écrit un post pour descendre Robin Thicke, je me trémousse à chaque fois que j’entends Blurred Lines. J’ai déjà dit “je n’aime pas les ambiances de filles”. Je l’avoue: je suis une “mauvaise féministe”. Cela doit-il pour autant m’interdire de tenir un blog féministe? Non.
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Ma réponse est la même que celle de l’auteure américaine Roxane Gay, qui a publié il y a quelques mois Bad feminist. Il y a un moment que je voulais chroniquer ce livre, sans trouver le bon angle d’attaque. C’est finalement la dessinatrice et blogueuse BD Diglee qui m’en donne l’occasion. Il y a quelques jours, elle postait une critique féministe du film d’horreur It follows. Critique qui a déclenché une avalanche de reproches sur un supposé “manque de féminisme” qui l’ont poussée à se fendre d’un autre post. Elle n’a pas toujours été irréprochable sur tous les points, la voilà donc obligée de justifier son féminisme.
Il est tout à fait possible de porter un regard critique, féministe, sur des choses que l’on apprécie tout en sachant que d’un point de vue purement rationnel, oui, on a tort de les aimer.
“En prônant l’acceptation de soi et la liberté de porter ce que l’on veut, je me suis un peu mélangée, j’ai diffusé des messages contradictoires. Mais être tombée dans le piège ne devrait pas m’interdire d’en sortir”, répond Diglee. Ne pas avoir été un parangon de féminisme ne devrait pas interdire de se poser des questions sur les films, les livres, la société, sur soi-même… Ou de poser ces questions à d’autres.
C’est en somme ce que dit Roxane Gay dans la collection d’essais qu’elle a compilés pour Bad feminist. Sans pitié pour ses propres failles, elle se penche sur chacun de ses travers, sur toutes ces choses “pas féministes” qui la touchent, qu’elle apprécie, ces comportements qu’elle ne peut pas totalement assumer. Plus que décomplexant, le résultat est édifiant: il prouve qu’il est tout à fait possible de porter un regard critique, féministe, sur des choses que l’on apprécie tout en sachant que d’un point de vue purement rationnel, oui, on a tort de les aimer (Taylor Swift et Katy Perry, c’est à vous que je pense!). Bref, qu’une “bonne féministe” se nourrit de la “mauvaise féministe” qu’il y a en elle.
Aucune d’entre nous n’est la “parfaite féministe”. Cela dit, ça ne devrait pas nous empêcher de l’être et de le clamer haut et fort. Pourtant, les critiques qu’essuie Diglee tout comme les critiques qui ont motivé Roxane Gay, émanent essentiellement de féministes. Alors oui, l’esprit critique est ce qui fait avancer le mouvement, ce qui permet de travailler ses arguments pour être plus percutant(e)s. Mais, à l’heure où les attaques extérieures contre les féministes sont en recrudescence, portées par les masculinistes, je me dis que nous gagnerions peut-être à arrêter d’être nos meilleures ennemies.
Précision: Le commentaire d’un lecteur nous laisse penser que cette contribution n’est peut-être pas aussi claire que nous l’espérions. Par souci de clarté, nous avons mis le terme “mauvaise féministe” entre guillemets. L’auteure ne pense bien entendu pas qu’il existe de “mauvaises féministes”. Au contraire, c’est une critique trop fréquente qu’elle déplore, comme Roxane Gay, dont elle évoque le livre Bad feminist. Si elle n’avait pas mis cette expression entre guillemets dans le texte d’origine, c’est qu’elle tenait à montrer qu’elle est fière de ces goûts qui font d’elle, aux yeux de certains, une “mauvaise féministe”. Sauf peut-être quand elle se met à aimer une chanson aussi sexiste que Blurred Lines, ce qui froisse ses principes, d’où les “comportements qu’elle ne peut pas totalement assumer”. Le ciel, le féminisme et ta mère, blog sur lequel a d’abord été publié ce texte, a un goût prononcé pour l’ironie, ça sera plus clair en le disant!
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