À 27 ans, cette comédienne issue du collectif Web Studio Bagel coanime la météo du Grand Journal. On a soumis cette enfant d’Internet à une interview “Vue à la télé”.
N’allez pas croire qu’annoncer chaque soir les températures du lendemain lui confère une quelconque immunité: comme tout le monde en ce début du mois de décembre, Alison Wheeler renifle et parle du nez. Deux jours plus tôt, scotchée au fond de son lit, elle a même dû annuler notre rendez-vous. Il faut dire que pour elle, cette période pré-Noël n’est pas un cadeau: en prévision des émissions diffusées pendant les vacances, elle enregistre en ce moment deux météos par jour, dont elle coécrit les textes avec son compagnon d’antenne, Monsieur Poulpe. Tous deux, issus du collectif Web Studio Bagel, présentent quotidiennement la météo du Grand Journal depuis la rentrée et la défection de Raphaëlle Dupire, couronnée miss météo Canal la plus éphémère de l’histoire.
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Comédienne de formation, ayant entre autres fréquenté le studio Pygmalion à Montrouge et joué dans plusieurs longs-métrages (Mon père est femme de ménage, Cloclo…), Alison Wheeler est une habituée des plateaux télé. Ses premiers pas, elle les a faits il y a dix ans dans Kawaï, une émission jeunesse sur Filles TV (la chaîne a été rebaptisée June en 2009). À ses côtés, il y avait notamment Louise Bourgoin. Mais sa notoriété, c’est au Web qu’Alison Wheeler la doit. D’abord encouragée par Fabrice Florent, le boss de Madmoizelle.com, à écrire des sketches et à les diffuser sur le site, elle se frotte au monde grisant et impitoyable d’Internet en 2012 avec une série de vidéos baptisée La Nuit où…. Une expérience que l’intéressée décrit comme “formatrice”: “Internet est imparable: avec les commentaires, tu sais tout de suite ce qui va ou pas sur ta tronche et dans tes textes”, explique-t-elle. L’année suivante, elle vient grossir les rangs du collectif d’humoristes et youtubeurs Studio Bagel, avant que ces derniers ne tombent dans le giron de Canal +, aujourd’hui devenu son employeur principal. Par une matinée glacée, on a soumis la comédienne à une interview “Vue à la télé”.
La toute première fois qu’on t’a vue à la télé, c’était quand?
Quand je travaillais sur Filles TV, il y a dix ans. J’avais 17 ans et j’animais une émission jeunesse, Kawaï. C’était mon premier job dans ce domaine et c’était n’importe quoi. (Rires.) Quand tu cherches à faire du spectacle, au début, tu n’es pas très sélective, il faut juste que tu sois vue. Je me suis donc précipitée à un casting sans même en avoir lu entièrement l’intitulé, j’ai fait le pitre et c’est passé. J’y suis restée trois ans, en parallèle de mes études de lettres à la Sorbonne. Ça me faisait mon argent de poche. On touchait des cachets d’intermittence qui nous paraissaient incroyables à l’époque.
Quand elle t’a vue à la télé, quelle a été la réaction de ta boulangère?
Quand j’étais sur Filles TV, personne ne me reconnaissait à part les toutes petites filles ou les ados. Je n’ai jamais vraiment vécu la célébrité à cette époque. Je la vis davantage avec Canal +, mais aussi beaucoup avec le Studio Bagel, même si les deux publics sont différents. Celui de Bagel est beaucoup plus jeune et il a plus d’aisance pour venir me voir. Pour le moment, se faire aborder reste toujours quelque chose d’agréable.
Depuis que tu es “vue à la télé”, est-ce qu’on peut encore te voir dans le métro?
Oui, mais à des horaires improbables. En fait, on peut surtout me voir en Autolib. Je prenais beaucoup le métro avant, mais pour aller bosser, c’est loin. En plus, j’ai la chance de vivre sur la ligne 13, la ligne sur laquelle tu testes tes limites. (Rires.)
“Sur Internet, il y a un goût pour la découverte. Les internautes n’aiment pas trop qu’on leur “vole” les gens et qu’on les mette sur des chaînes où ils ont un salaire fixe.”
Toi-même, est-ce que tu t’es beaucoup vue à la télé?
Quand j’étais sur Filles TV, je ne me voyais pas, car je n’avais pas le câble et que YouTube n’existait pas. Dieu merci, d’ailleurs: j’ai quelques gros dossiers en vidéo que je ne ressortirai jamais, pour le bien de tout le monde. (Rires.) À la météo, je me regarde avec Poulpe pour voir ce que ça donne. Ce n’est pas du tout le même rendu en plateau qu’à l’écran. Parfois, sur place, tu as l’impression que c’est un peu mou et quand tu regardes, tu t’aperçois qu’avec le travail de réalisation, ça rend bien. C’est important de se regarder, non pas pour voir comment je suis habillée, mais pour savoir si ce que j’ai écrit passe bien à l’image.
Être vue à la télé augmente-t-il le nombre de vues sur YouTube?
Bonne question. Je me rends compte que le public de Studio Bagel va parfois voir mes météos, mais ce n’est pas systématique. Idem pour le public de la météo, qui regarde quelquefois mes vidéos sur Studio Bagel. Mais il n’y a pas vraiment de lien direct entre les deux.
Plus tu es vue à la télé, plus les gens sont-ils méchants sur Internet?
Sur Internet, il y a un goût pour la découverte. Les internautes n’aiment pas trop qu’on leur “vole” les gens et qu’on les mette sur des chaînes où ils ont un salaire fixe. Je ne sais pas pourquoi, ça reste un mystère. (Sourire.) Je sais que Poulpe souffre pas mal des commentaires type “depuis que t’es à Canal…”. Comme si, parce qu’on était à la télé, on avait changé. Mais, dans l’ensemble, une majorité de gens perçoivent ce qu’on essaie d’apporter à un format déjà existant tel que Le Grand Journal, comment on essaie de casser les codes. Bien sûr, ça se fait petit à petit, parce qu’on n’est pas des punks, on ne va pas faire un hold-up. Ce n’est pas notre émission, c’est un show d’info et d’entertainment et il faut respecter le format. Tu as 1 minute 30 et tu essaies de faire en sorte que l’invité en face de toi se sente impliqué.
“S’adresser à Eric Zemmour en mode R’n’B, c’était drôle, il est tellement loin de cet univers-là!”
Comme Éric Zemmour par exemple, que vous avez taclé en mode R’n’B?
On profite parfois de la tribune qu’est Le Grand Journal pour dire des choses. Ce que l’on a fait avec Eric Zemmour, c’est sûr que ça ne changera pas sa vie, qu’il n’y aura pas de prise de conscience derrière, mais je ne pouvais pas ne rien dire. Et puis, quand tu dis les choses d’une manière différente, les gens le reçoivent différemment aussi. S’adresser à lui en mode R’n’B, c’était drôle, il est tellement loin de cet univers-là!
Être vue à la télé fait-il grimper considérablement ton nombre de requests sur Facebook?
J’ai une page perso que je réserve à mes amis, de peur de retrouver des photos de moi enfant et cul-nu sur les Facebook des autres! (Rires.) Mais j’ai aussi une fan page pour que les gens puissent suivre mon travail, et j’essaie de la faire vivre autant que possible. J’y reçois pas mal de courrier. Par exemple (Ndlr: elle attrape son portable et se connecte à sa page pour nous lire des messages): “T’es trop vulgaire mais c’est pas irréversible. Je t’aime.”) On me propose d’aller boire un verre aussi, parfois. Imagine si j’acceptais… Ce serait bizarre quand même. Et puis il y a des mecs du bout du monde qui me demandent en mariage. Du coup, si jamais ça va mal dans ma vie, je sais que j’ai des options sur Facebook. (Rires.)
Après avoir été vue à la télé, où est-ce que tu te verrais bien?
J’aime bien ce que je fais, même si la quotidienne, c’est très fatiguant. Je me verrais bien continuer l’écriture, car j’ai acquis un rythme de malade à force d’écrire au moins une météo par jour -parfois certaines passent à la trappe car les sujets changent au milieu de la journée, donc j’en écris deux, voire trois. J’aimerais bien continuer à écrire avec des copains du Bagel aussi. Poulpe, mais aussi Ludovik avec qui j’adore travailler, car il est complètement fou et très fort. J’ai beaucoup de mal à travailler seule. J’ai besoin de parler, d’échanger. Je me verrais bien aussi continuer le cinéma, car c’est ce que je faisais avant. Je pense que je vais avoir plus d’opportunités et j’en suis très contente, je ne le cache pas. (Sourire.) On a si rarement le choix quand on est comédien.
Propos recueillis par Faustine Kopiejwski
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