On a passé la nuit à regarder les Emmy Awards 2018. On vous fait revivre les moments les plus féministes de la soirée.
Depuis quelques années, un vent de contestation souffle sur les cérémonies américaines de remises de prix. Il y a eu la campagne #AskHerMore, qui pointait le sexisme des interviews sur le tapis rouge, principalement focalisées sur l’apparence et la tenue des actrices. Il y a eu #OscarsSoWhite, qui a forcé l’Académie des Oscars à se remettre en question et se diversifier. Et puis il y a #MeToo, un vent de marée qui a débuté à Hollywood avec l’affaire Weinstein, mais dont les conséquences s’étendent bien au delà du monde du cinéma. Les Emmy Awards 2018 étaient donc une nouvelle occasion de prendre le pouls de la pop culture, et d’observer le chemin parcouru en termes de représentation -et il faut l’avouer, on est encore loin d’avoir renversé le patriarcat. Mais voici malgré tout quelques moments de la 70e cérémonie des Emmys qui ont fait vibrer notre corde féministe.
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1- Evan Rachel Wood, nommée pour son rôle dans Westworld, est venue à la cérémonie accompagnée d’Amanda Nguyen, fondatrice de l’ONG Rise et nominée pour le prix Nobel de la paix. Son organisation défend les victimes d’agressions sexuelles et a contribué à faire passer une loi sur le sujet en 2016, le Sexual Assault Survivors’ Rights Act.
2- L’actrice légendaire Jennifer Lewis est venue habillée en Nike pour affirmer son soutien à la marque, actuellement en pleine polémique depuis sa campagne en collaboration avec Colin Kaepernick. Ce joueur de football américain est en effet pris depuis plusieurs années dans une controverse pour avoir boycotté l’hymne américain au début de ses matchs, afin de protester pacifiquement contre les violences policières aux États-Unis. Avec sa campagne de pub, Nike a voulu lui rendre hommage, s’attirant par la même occasion les foudres des conservateurs et même de Donald Trump.
3- La cérémonie a démarré avec un sketch mordant sur la soi-disant diversité d’Hollywood… et ses limites. Kenan Thompson, Kate McKinnon, Sterling K. Brown, Kristen Bell, Ricky Martin et Tituss Burgess ont chanté une chanson intitulée We Solved It, (“On a résolu le problème”)… Tout en concluant qu’en fait non, on est encore loin du compte. Certes, ce n’était qu’une chanson, mais c’est déjà bien de l’admettre.
4- Alex Borstein a remporté le prix du meilleur second rôle dans une comédie, pour son rôle dans The Marvelous Mrs. Maisel, et a fait une annonce très importante pour toutes les femmes qui ont déjà mis les pieds dans des toilettes publiques.
Elle a aussi fait la meilleure entrée du monde, en précisant qu’elle avait opté pour le look sans soutien-gorge:
how I’m entering meetings from now on pic.twitter.com/rLMAyhkwhQ
— Hannah Jewell (@hcjewell) 18 septembre 2018
5- Thandie Newton a remporté l’Emmy de la meilleure actrice pour son travail remarquable dans Westworld, et a commencé son discours de remerciement par la phrase suivante: “Je ne crois même pas en Dieu mais je vais quand même LA remercier ce soir”.
6- En présentant le prix du meilleur scénario de série comique, Emilia Clarke a blagué: “Ce soir, nous sommes heureuses d’annoncer que cette catégorie, un temps dominée par des hommes blancs et geeks, contient désormais plus de femmes geeks et de geeks racisés que jamais.” Et c’est d’ailleurs une femme, Amy Sherman-Palladino, qui a remporté le prix.
7- Amy Sherman-Palladino a également remporté l’Emmy de la meilleure réalisation, pour sa série The Marvelous Mrs. Maisel. C’était la seule femme nommée dans cette catégorie. Et c’est aussi sa série qui a remporté l’un des prix les plus importants de la soirée: meilleure série comique.
8- Rachel Brosnahan, actrice principale de The Marvelous Mrs. Maisel, a encouragé les femmes américaines à exercer leur droit de vote, lors de son discours de remerciement pour l’Emmy de la meilleure actrice dans une comédie: “Tant que j’ai votre attention deux minutes, une des choses que j’aime le plus dans cette série, c’est que ça parle d’une femme qui trouve sa voix. C’est quelque chose qui est en train de se produire partout dans ce pays en ce moment. Un des moyens les plus importants de trouver notre voix et de s’en servir, c’est de voter. Si vous n’êtes pas encore inscrites sur les listes électorales, faites-le maintenant depuis votre téléphone. Votez, faites-vous entendre, et emmenez un·e ami·e aux urnes avec vous.”
9- Le comédien John Mulaney, en remportant un prix pour son spectacle de stand-up, a expliqué que sa femme n’était pas venue, parce qu’elle avait trop de boulot. Elle lui aurait même dit: “Je ne peux pas traverser le pays en avion juste pour te regarder perdre.” Du coup, on était tristes qu’elle ne soit pas là, parce qu’elle a l’air plutôt extraordinaire.
10- Hannah Gadsby, la créatrice du bouleversant spectacle Nanette, est venue présenter un prix et nous a rappelé à quel point on l’aimait avec un monologue court mais hilarant: “Je suis ici, dans un beau costume, avec des nouvelles chaussures, et tout ça parce que je n’aime pas les hommes… C’est une blague hein. Juste une blague les gars, calmez-vous. #Notallmen. Mais beaucoup d’entre eux quand même. Mais peut-on savoir ce qu’est une blague aujourd’hui? On ne sait pas. Personne ne sait vraiment ce que sont les blagues, surtout pas les hommes.”
Malgré ces quelques moments d’euphorie, on était loin d’une révolution féministe et intersectionnelle sur la scène des Emmys. L’année dernière, la soirée avait été marquée par le triomphe de deux nouvelles séries, non seulement féministes, mais portées par des femmes devant comme derrière la caméra: The Handmaid’s Tale et Big Little Lies. Cette année, le constat était plus mitigé. La soirée a battu des records en termes de représentation parmi les nominé·e·s, mais une grande majorité des récompenses de la soirée sont revenues à des blanc·he·s, et des séries pourtant très populaires et acclamées par la critique, comme Insecure et Atlanta, sont reparties bredouille. Sandra Oh, la première femme asiatique à être nommée pour un rôle principal, n’a pas gagné. Michael Douglas, accusé de harcèlement sexuel, est venu présenter un prix. Quant aux hôtes de la soirée, Michael Che et Colin Jost, ils avaient respectivement défendu Louis C.K. et fait des blagues de mauvais goût sur #MeToo, quelques semaines seulement avant la cérémonie. Bref, comme l’annonçait si bien le sketch d’ouverture, “ah non, on n’a pas tout réglé”.
Anaïs Bordages
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