Jeunes journalistes, Annabelle Valentin et Camille Bresler ont réalisé la web-série XX- Les femmes se réapproprient la pornographie, pour informer sur le porno féministe et questionner l’offre mainstream. Nous leur avons posé quelques questions.
Comment le porno peut-il être féministe? Quelle est l’histoire de ce nouveau genre? Pourquoi certain·e·s réalisatrices et réalisateurs ont-ils décidé de bousculer les codes de la pornographie mainstream? Voici le type de questions auxquelles tentent de répondre Annabelle Valentin et Camille Bresler, deux jeunes journalistes de 24 et 23 ans, avec XX- Les femmes se réapproprient la pornographie, une websérie documentaire dont les trois premiers épisodes sont d’ores et déjà disponibles. Au programme: des interviews de spécialistes du porno, qu’elles soient camgirls, réalisatrices ou performeuses, accompagnées d’analyses du journaliste David Courbet ou de Marion Haza, psychologue et maîtresse de conférence.
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L’idée de cette websérie féministe naît l’année dernière, alors que les deux jeunes femmes, encore étudiantes en journalisme, réfléchissent à un sujet à traiter au long de l’année pour boucler leur master. “En interrogeant notre entourage, nous nous sommes rendu compte que peu de personnes, pour ne pas dire aucune, ne connaissait le porno féministe, se souviennent Annabelle Valentin et Camille Bresler. Ceux qui en avaient entendu parler associaient ce genre à du porno uniquement lesbien ou l’imaginaient plus soft ou romantique que le porno qu’ils avaient l’habitude de consommer.” C’est donc pour déconstruire les stéréotypes, démocratiser ce genre -dont elles-mêmes ignoraient l’existence jusqu’en septembre dernier- et pour combattre la confusion entre le porno dit féminin, “crée par des hommes pour des femmes, en s’appuyant sur des fantasmes féminins stéréotypés” et porno féministe qu’elles se sont lancées. Les deux vingtenaires choisissent de baptiser leur série “XX”, clin d’œil à l’industrie du X et au chromosome féminin. Nous leur avons posé quelques questions sur cette initiative nécessaire et novatrice.
Le porno féministe, c’est quoi?
Il est difficile d’en donner une seule définition. Le porno féministe prend différentes formes selon les réalisteur·trice·s. On peut tout de même dire que ce genre place le désir de l’homme et de la femme à égalité. Il est plus réaliste et varié, autant au niveau des pratiques que des corps. En outre, c’est un porno respectueux de ses acteur·rice·s, qui offre de meilleures conditions de travail en terme d’hygiène et de sécurité que le porno mainstream.
Quel est l’objectif de XX – Quand les femmes se réapproprient la pornographie?
Nous souhaitons mettre en avant certains problèmes du porno mainstream. On peut déjà parler du fait que les femmes ne se sentent pas à leur place sur un site porno classique car tout y est pensé pour un public masculin: les vidéos proposées, les catégories, et même les publicités. En général, il y est également véhiculé une image faussée de la sexualité qui peut par exemple être la cause de complexes basés sur la performance. L’idée avec notre websérie est donc de montrer qu’il existe une alternative: la pornographie féministe, plus réaliste, diversifiée et éthique.
Pourquoi avoir choisi le format websérie?
C’est un format dynamique et facile à regarder. Il est adapté à nos épisodes qui peuvent être visionnés indépendamment les uns des autres et qui explorent chacun une sous-thématique identifiée pendant nos recherches: l’émancipation sexuelle, la représentation des corps dans la pornographie, les conditions de travail des travailleurs et travailleuses du sexe ou encore l’éducation sexuelle. Nous avons également repris les codes de la télévision et d’internet, supports sur lesquels est habituellement consommé le porno, en utilisant des extraits d’émissions de télévision, ou en réalisant des interviews par webcam pour rappeler le travail des camgirls.
Comment avez-vous sélectionné vos intervenant·e·s?
Nous recherchions des intervenant·e·s varié·e·s, tant en terme de profession que d’opinion, du sexologue à la féministe militante et consommatrice de pornographie en passant par la camgirl. Nous avons effectué beaucoup de recherches et avons pu identifier quelques noms. Camille s’est également rendue au Porn Film Festival de Berlin en octobre et y a rencontré plusieurs réalisatrices qui elles-mêmes lui ont donné des contacts. Dans ce milieu, tout le monde se connaît. Une fois que nous avions un pied dedans, ça a été bien plus facile. Notre seul regret est de ne pas avoir eu la possibilité de discuter avec des militant·e·s féministes anti-pornographie comme Osez le Féminisme, malgré nos nombreuses sollicitations…
“La sexualité est multiple, alors pourquoi la pornographie ne le serait pas?”
S’il y avait une seule chose à retenir des trois épisodes déjà disponibles?
La sexualité est multiple, alors pourquoi la pornographie ne le serait-elle pas? Dans la pornographie mainstream, si on exclut les tags spéciaux comme “beurette” et les pratiques fétichistes, on retrouve souvent le même type d’acteurs et de pratiques. Le porno féministe, au contraire, ne cherche pas à imposer de schéma, et tous les consommateurs peuvent s’y retrouver.
Une réalisatrice ou un réalisateur de films pornographiques féministes à conseiller?
Erika Lust. C’est LE grand nom du porno féministe en Europe. Elle accorde une grande importance à l’esthétique de ses films… Ce sont de véritables oeuvres d’art! Elle a compris que ce n’est pas parce qu’on fait du porno que l’on doit négliger les décors ou l’ambiance. Il s’agit de cinéma avant tout.
Propos recueillis par Margot Cherrid
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