Avec ses outils pour l’esprit qu’elle partage sur son podcast de développement personnel, Clotilde Dusoulier nous aide à remettre un peu d’ordre dans notre vie intérieure. Rencontre par temps caniculaire avec une lumineuse optimiste.
Change ma vie. Derrière ce souhait glissé à l’oreille d’un bon génie se cache l’un des plus populaires podcasts du moment. Au micro, Clotilde Dusoulier nous confie chaque jeudi ses “outils pour l’esprit”. Son désir? “Changer [notre] vie intérieure” en prônant les vertus du développement personnel. Dit comme cela, l’on redoute une philosophie light synthétisable en trois posts Instagram. Mais les mots de la coach ont le don de réconcilier les esprits chagrins. Ludiques à souhait, ses leçons de vingt minutes composent une malicieuse carte des affects qui nous guident aux confins de nos expériences émotionnelles. C’est l’âme légère que l’on suit ces escales révélant les dessous de l’empathie et de la procrastination, entre désirs et intuitions. Le thème musical de ces introspections s’intitule “Musique pour l’imaginaire”. Quelle est donc la ritournelle qui gigote dans la tête de Clotilde Dusoulier?
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Madeleines de Proust
Une mélodie du bonheur, certainement. Il suffit pour s’en convaincre de la voir siroter son thé dans ce café cosy de Montmartre. Ses yeux noisette pétillent à chaque mot, offert comme une friandise, et son sourire apaisant semble soutenir un sentiment que, noyés dans notre monday blues, nous recherchons encore. Son apparence physique et ses traits adoucis par la sérénité ont quelque chose de juvénile. Il faut dire que notre hôte affectionne les madeleines de Proust, de la création en 2003 de Chocolate and Zucchini (le premier blog fooding français) à ses recettes relatées dans les pages du New York Times, du Guardian ou du Monde.
Clotilde Dusoulier, ©Fabien Courmont
Celle qui a croqué à pleine bouche le rêve américain en s’envolant pour la Silicon Valley à seulement 20 ans voit en la cuisine “un axe d’exploration du monde et de connexion aux gens”. Entre deux popotes de “bonne copine parisienne”, elle s’est initiée au développement personnel, animée par un désir de s’épanouir en “offrant au monde les clés d’un savoir”. Euphorique face à cette pédagogie à l’américaine qui lui a donné l’impression de “découvrir le secret de l’univers”, cette diplômée d’informatique n’a de cesse de valoriser cette curiosité innée de l’enfant qui “sauvegarde tout ce qu’il goûte”.
Un optimisme de survie
Sa musique pour l’imaginaire, ce sont les podcasts, “la bande son de [sa] vie”. Ceux de la self coach Brooke Castillo, découverts à l’été 2016 et “binge listenés” en quinze jours. “Ses idées (“les circonstances sont neutres, suscitent des émotions qui provoquent des actions”) m’ont explosé le cerveau et aidé à mettre de l’ordre en moi”, explique celle qui invite à la méditation suivant ses “Aha moment” (“quand l’ampoule s’allume au-dessus de ma tête!”). L’audience de Clotilde Dusoulier salue sa bienveillance et sa douceur, l’édifie en fée. Pourtant, sa vision n’a rien de Disneyland. Sans positive attitude béate, l’animatrice assume les préoccupations qui nous assaillent -l’idéal pour s’en émanciper. “Quand on ressent une émotion négative, on en a peur. Moi je ne souhaite pas me boucher les oreilles mais l’accueillir à bras ouverts”, détaille-t-elle.
“Beaucoup d’auditeurs me disent se souvenir de certaines de mes phrases à certains instants de leur vie.”
Sous sa surface feel good, son sourire traduit la nécessité d’un optimisme de survie face à la sinistrose. La podcasteuse réécoute rarement “[ses] pépites de sagesse”. Mais lorsque son père s’est éteint, elle s’est replongée dans Quelque chose de grave, épisode centré sur ces circonstances où positiver s’avère impossible. Une façon d’exorciser ses doutes en confrontant “ces outils proposés du côté confortable du micro” à la véracité la plus brute. C’est mise à l’épreuve du réel que sa parole de conteuse appliquée révèle son impact. “Beaucoup d’auditeurs me disent se souvenir de certaines de mes phrases à certains instants de leur vie. Je diffuse des messages à ressortir au moment M!” affirme-t-elle. Avec 25 000 écoutes par épisode et 1,7 millions de téléchargements depuis son lancement en avril 2017, pas de doute: ses thérapies 2.0. fédèrent.
Une Amélie Poulain pour de vrai
À l’écouter allonger nos contradictions sur le divan, on imagine la Clotilde de 17 ans, l’aspirante actrice qui songe sans cesse à l’inconnu chez lui: à quoi pense-t-il? Que fait-il? Parisienne au nom cocasse foulant du pied l’asphalte montmartrois, sa fascination pour la vie des autres achève d’en faire une Amélie Poulain “pour de vrai”. Mais la jeune femme nous rassure: nulle question de sacrifier sa sérénité pour celle du voisin. “Je serais inutile au monde extérieur si je ne m’occupais pas d’abord de ce dont j’ai besoin. On ne peut pas puiser dans un puits vide!” explique-t-elle. Ce serait comme “être absente de [sa] propre vie” -sa phobie. Or, à moins de 40 ans, l’ambitieuse porte sur ses épaules quatre livres, six prix d’écriture culinaire, quinze ans de blogging, une trentaine d’heures de podcast, mais aussi deux enfants, “véritables catalyseurs d’exploration de soi”. Plus présente que jamais, elle aime penser que “quand une chose est incomplète, il suffit de trois pas de plus pour recoller les morceaux”.
Ce puzzle, elle l’achève en piochant ailleurs. Des recommandations livresques de Chocolate & Zucchini aux exercices de Change ma vie, les femmes fortes parcourent son monde –Tina Fey, Camille Claudel, Marie Curie. Soit “toutes celles qui forgent leur chemin sans chercher à se conformer, se proposent d’arriver quelque part en dépit des obstacles”. Clotilde Dusoulier conseille aussi les écrits de Jes Baker, figure inspirante du mouvement body positive. “J’ai grandi dans une famille d’esprits qui ont un corps, pas de corps qui ont un esprit. Mon corps est un allié mais j’essaie encore de le comprendre, j’apprivoise depuis l’âge adulte ma relation mouvante avec lui”, explique-t-elle. C’est certainement cela qui l’attire comme un aimant vers l’émotion sonore: “Quand on écoute un podcast, on se concentre sur le discours et par sur toutes les questions type: à quoi ressemble celle qui parle? Comment est-elle habillée?”.
Pour la cofondatrice des Journées inspirantes du Solopreneur, initiative d’aide aux entrepreneur·e·s visant à “s’affranchir des limites que l’on s’impose”, Change ma vie est “un cheminement personnel”, une suite de chapitres. Et au diable l’angoisse de la page blanche. Alors qu’un bébé fait vibrer ses cordes vocales à la table d’à côté, les traits de la podcasteuse se creusent -elle s’inquiète de la qualité de l’enregistrement de notre entretien. Puis, lumineuse, elle sourit avec insouciance: “Ce n’est pas grave, ça ne va pas durer éternellement!”. Clotilde Dusoulier est définitivement une grande optimiste.
Clément Arbrun
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