La collecte de plantes sauvages attire de plus en plus des citadin·e·s surbooké·e·s à la recherche de conseils pour prendre en main leur santé et leur alimentation en y intégrant un brin de nature. Reportage.
Derrière le parking du parc floral de Vincennes, une bande d’herbes folles semble avoir été oubliée des urbanistes. A priori, aucune raison de s’arrêter dans cette friche jaunie par la chaleur de l’été parisien. Pourtant, les quinze cueilleuses et cueilleurs conduits par Christophe de Hody, fondateur du Chemin de la nature, furètent, intrigués par la flore locale. Avec ces balades, le trentenaire à l’allure décontractée souhaite transmettre ses connaissances à un public désireux de se reconnecter à la nature.
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C’est le cas de Juliette. Il est 19 heures, pour elle, c’est l’heure du “green break” après sa journée de travail. La jeune femme de 25 ans porte encore ses derbies noires de ville, plus habituées à fouler le bitume que les hautes herbes. L’informaticienne reconnaît volontiers que s’échapper du tumulte parisien durant une heure lui fait du bien. “Je vis dans le 19ème, juste à côté des Buttes-Chaumont. J’y vais de temps en temps mais je trouve qu’il y a beaucoup trop de monde. Par ici, c’est nettement moins fréquenté, c’est agréable”, savoure-t-elle.
La magie des arbres
Une recherche de quiétude tout à fait légitime selon la naturopathe Claire Marino, dont le métier est d’aider ses patients à mieux se sentir dans leur corps grâce à des méthodes naturelles: “Le contact de la nature apaise. Nos vies sociales, professionnelles, familiales sont compliquées. Quand on s’assoit sur un banc au soleil, tout devient simple. C’est notre part d’instinct qui se met en place.”
Et Claire Marino n’est pas la seule à avoir constaté les effets bénéfiques sur la santé d’un répit à l’ombre des cimes. Avec près de 480000 exemplaires écoulés depuis sa sortie en librairie en mars 2017, La Vie secrète des arbres témoigne de cette addiction des Français·e·s pour les shoots de chlorophylle. Le contact avec la nature devient une nécessité pour les habitué·e·s du béton. Car rester deux heures par semaine au milieu des arbres a des effets positifs immédiats sur le corps.
Au Japon, les bains de forêt nommés shinrin-yoku sont même reconnus depuis 1982 comme médecine préventive. Autrice de Ces Arbres qui nous veulent du bien, Laurence Monce les recommande d’ailleurs à tous ses clients. “Les arbres produisent notamment des ions négatifs qui combattent les radicaux libres, des molécules chimiques instables néfastes pour notre santé.” Autre avantage, la couleur verte. “Sa longueur d’onde a un effet toni-sédative, elle calme le système nerveux et redonne de l’énergie.” Et contrairement aux idées reçues, pas besoin de faire un câlin aux troncs pour que ça marche. C’est même vivement déconseillé au risque d’attraper des démangeaisons à cause de la mousse...
Des soins 100% naturels
La visite du bois de Vincennes se poursuit avec Fanny qui a fait le déplacement depuis Mantes-la-Jolie pour ces 90 minutes instructives sur les plantes sauvages. Le guide vulgarise sur un ton décalé. “Vous caressez la plante, vous la froissez entre vos doigts, en général, elles aiment bien ça.” Les métaphores sont plus ou moins hasardeuses mais le contenu est complet. À chaque fois, le spécialiste donne les propriétés médicinales.
En face de lui, Fanny prend des notes. Sur son carnet, on peut y lire: “Armoise commune -arbuste- tonifie la digestion + pour les femmes: sphères gynéco.” L’ex-assistante de direction dans le BTP en reconversion étudie l’aromathérapie -les huiles essentielles- et les fleurs de Bach -des élixirs floraux- pour soigner les petites pathologies. “Mais pas question de remplacer la médecine moderne, les deux sont complémentaires”, précise la jeune femme. Ceci dit, le recours à une médecine moins conventionnelle et plus naturelle a le vent en poupe. Le site medoucine.com a réalisé une enquête en 2017 sur l’utilisation des médecines douces qui n’utilisent pas des médicaments et des molécules chimiques. D’après les résultats, 72 % des personnes interrogées recherchent des soins plus naturels.
Saveurs inconnues
Et côté alimentation, une prise de conscience similaire est à l’oeuvre. Les produits locaux, bio et de saison sont plébiscités. Ça tombe bien, les plantes sauvages sont tout ça à la fois. Elle ne pourront jamais remplacer les légumes et céréales produits par l’agriculture mais elles se positionnent comme un petit plus gratuit et éthique. Sarah, une Parisienne de 28 ans, assiste à l’atelier pour justement les intégrer dans son alimentation. Elle s’y connaît déjà un peu en la matière, la cuisinière travaille au restaurant La bête noire. Sa patronne agrémente les menus avec de l’ortie, du fresne ou encore du lamier blanc. Les yaourts au tilleul de la semaine dernière ont bluffé les clients. “Ils m’ont tous demandé ce qu’était ce goût floral méconnu?” C’est simplement celui de la nature, une saveur indispensable au bien-être du corps et de l’esprit, que ce groupe qui marche dans le bois de Vincennes est bien décidé à redécouvrir.
Lucie De Castro
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