Si vous ne deviez voir qu’une seule vidéo aujourd’hui, ce serait celle de Blanche Gardin se remettant à elle-même le Molière de l’humour 2018.
Lors de la 30ème cérémonie des Molières, qui se tenait lundi 28 mai à la salle Pleyel à Paris, Blanche Gardin est montée sur scène pour délivrer le Molière de l’humour. Egalement nommée dans cette catégorie -et seule femme à l’être- pour son spectacle Je parle toute seule, l’humoriste connue pour ses blagues absurdes, politiquement incorrectes et pince-sans-rire, n’a pas hésité à mettre les pieds dans le plat dès le début de son sketch: faisant allusion à son speech de l’année précédente, dans lequel elle dénonçait les défenseurs de Roman Polanski, Blanche Gardin est revenue à sa manière sur le mouvement #MeToo avant de prévenir son auditoire: “Il ne faut pas me prendre au pied de la lettre, je dis beaucoup de conneries. Vous pouvez considérer que je dis principalement de la merde, en général”, a-t-elle expliqué. Manière de nous préparer à la suite de son discours?
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“On m’a dit qu’il y avait des juifs dans la salle”, poursuit-elle en citant Pierre Desproges, pour répondre au sempiternel “on ne peut plus rire de rien”, resservi en permanence par celles et ceux qui prétendent que le monde a basculé dans “le règne de la bienséance”. Taclant au passage l’animateur Tex, Blanche Gardin ne laisse pas de doute quant à sa position d’humoriste féministe, mais n’en malmène pas moins la discrimination positive, en pratiquant entre autres l’autodérision. Au moment de s’auto-remettre le Molière, alors qu’elle est la première femme de l’histoire de la cérémonie à le recevoir, elle s’exclame ainsi: “Je le savais. Je suis la seule femme nommée l’année de l’affaire Weinstein…Ça c’est tout moi, c’est l’histoire de ma vie: le jour où j’ai un prix, il a aucune valeur. J’ai l’impression d’être un rebeu du 9-3 qui vient d’être admis à Sciences-Po.”
Après les remerciements de rigueur -son équipe, ses parents, sa psy-, Blanche Gardin rend hommage à Louis CK “pour l’inspiration”, sans un mot sur les accusations d’inconduite sexuelle qui lui sont reprochées. Hélas, aucune ironie dans ce passage-là a priori, puisque l’humoriste nous confiait dans une interview en 2014, bien avant que les faits ne fassent surface: “Je suis obsédée par Louis C.K. […] Pour moi, c’est une bible, un guide.” Une conclusion qui prête à débat: pourquoi Blanche Gardin continue-t-elle de prendre la défense de son idole, quand elle était la première à souligner, lors des Molières 2017, qu’il était absurde de séparer l’homme de l’artiste? Certes, les accusations qui pèsent sur Louis CK ne relèvent pas du viol comme c’est le cas pour Roman Polanski, et ce désir de nuance est à l’origine de la prise de position de Blanche Gardin, comme elle l’expliquait récemment à Télérama. Mais peut-on vraiment se permettre de soutenir l’homme en public de manière aussi univoque, lors de la première cérémonie des Molières post-MeToo? À la rédaction de Cheek le débat est ouvert mais une chose est sûre, Blanche Gardin n’a pas fini de nous faire rire, grincer des dents et réfléchir.
Faustine Kopiejwski
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