Dolores Bakèla et Adiaratou Diarrassouba inaugureront dimanche prochain la première édition du Fraîches Women Festival, une journée de concerts, rencontres et ateliers pour parler féminisme, transmission et empowerment. Entretien express.
“Un festival inclusif à tous les niveaux, que ce soit en ce qui concerne les intervenantes ou le public: différentes générations, différents parcours, différents rapports au genre, différentes origines sociales, différentes opinions”, voilà ce que promettent Dolores Bakèla et Adiaratou Diarrassouba, créatrices du Fraîches Women Festival, dont la première édition aura lieu dimanche prochain à la Marbrerie de Montreuil. Journalistes déjà à l’origine de L’Afro, un site qui promeut la culture afrodescendante, ces deux parisiennes de 32 et 29 ans proposent avec ce festival inédit, marrainé par la réalisatrice Leïla Sy, une journée entière pour célébrer des femmes “dynamiques, intelligentes et déterminées.” D’une conférence pour répondre à la question “Qu’est-ce qu’être une femme noire?”, menée par Lasseindra Ninja, figure majeure du voguing en France, à un atelier SexCare sur les enjeux de pouvoir dans le couple en passant par un concert de Faka, un duo sud-africain queer qui vient pour la première fois en France avant de participer aux Eurockéennes de Belfort, le Fraîches Women Festival mixe débats, expos et musique pour questionner le genre et les inégalités.
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Les femmes afrodescendantes sont particulièrement mises en avant dans ce Fraîches Women Festival, une manière de lutter contre leur invisibilisation?
On pose d’emblée le fait qu’il faudra faire avec elles, leurs mondes, leurs envies, leurs passions et leurs expertises. En France, c’est une hérésie de dire qu’on ne voit pas assez de femmes noires -et autres d’ailleurs- et c’est dingue! Si on ne s’en rend pas compte, il suffit de sortir de France pour réaliser à quel point les femmes noires sont ici invisibles, questionnées en permanence, jamais françaises, jamais du territoire, mais toujours d’ailleurs et illégitimes. On décide de s’adresser d’abord à elles, parce que ça compte pour nous. On a un peu pensé le festival égoïstement; on s’adresse à nos mères, nos pères, nos proches. On voulait faire le festival auquel on rêvait d’assister: où on pourrait discuter de sujets sérieux, échanger avec plein de gens, en rencontrer, manger, apprendre… Et peu d’événements adressent vraiment à la fois les questions militantes et sociales dans une ambiance qui permettra à tout le monde de se détendre et de vraiment se rencontrer.
“La transmission est essentielle.”
Le festival met l’accent sur la notion de transmission, notamment avec la conférence “Comment transmettre la mémoire des luttes des femmes”, à laquelle participent, entre autres, Leïla Sy et Assa Traoré: pourquoi insister sur l’intergénérationnalité?
On a le sentiment que nous perdons la mémoire des luttes, parce que celles qui les incarnaient finissent par arrêter et ne les transmettent pas forcément. Du coup, elles laissent celles et ceux qui les suivent un peu démunie·s et sans savoirs. Mais savoir ce qui s’est passé permet de survivre, de vivre mieux, de s’apaiser. La transmission est essentielle. Prenons l’exemple de l’afroféminisme. Certains médias le vendent comme un mouvement ayant émergé pour la première fois il y a 5 ans environ. C’est faux. Depuis des décennies, des militantes africaines, caribéennes, afrodescendantes au sens large, s’organisent. On ne les appelait peut-être pas “afroféministes” à l’époque mais elles militaient bel et bien pour les droits et le respect des femmes noires de ce pays.
Où en sommes-nous aujourd’hui du féminisme et de l’afroféminisme?
Le féminisme, surtout depuis l’affaire Weinstein, semble avoir pris plus de place dans la société. Mais toutes les femmes ne peuvent pas encore s’exprimer, et beaucoup continuent d’être invisibilisées au quotidien. Quant à l’afroféminisme, ses revendications ne sont malheureusement pas encore bien comprises de toutes et tous. Heureusement, de nombreuses manifestations artistiques valorisent son importance dans la société ou sur les réseaux sociaux. Ce qui ne questionne pas ou ne dérange pas ne fait pas avancer les mentalités et la société: l’afroféminisme fait les deux et c’est tant mieux!
Propos recueillis par Audrey Renault
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