Enterré ce mardi, Jean Ferrat fut l’un des seuls « grands » de notre chanson française à ne pas connaître la réhabilitation chez les jeunes générations. Pourtant Ma France, après le sale coup de l’identité nationale et au moment du retour électoral de la gauche, ça le fait.
Ceux qui ont grandi dans les années 60 en ayant la « chance » d’avoir des parents communistes connaissent bien les chansons de Jean Ferrat : entre les hoquets de la 2CV, un discours de Jacques Duclos et un sandwich brochettes au stand Bulgarie de la fête de l’Huma, ils ont aussi biberonné Ma France, La Montagne ou le glaçant Nuit et brouillard.
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Ferrat, Eluard, Aragon, c’était la sainte trinité culturelle de tout communiste respectable des sixties. Voix chaude, physique de jeune tombeur, textes « engagés », Ferrat combinait des qualités à priori contradictoires de crooner, de tombeur de femmes et de commentateur acéré de son temps.
Après l’enfance est venue l’adolescence, et après Ferrat, le rock’n’roll. Les Stones, Dylan et les Beatles ont rapidement remisé l’auteur de Ma Môme au rang des antiquités vieille France coincée et en retard de trois révolutions, fut-il sympathisant communiste.
A vrai dire, le chanteur de Potemkine présentait les mêmes raideurs que le parti stalinien, avec son côté bon élève, propre sur lui, appliqué dans le chant et académique dans les arrangements, didactique dans ses mots. Il était l’équivalent en chanson de ce qu’était le PC à la politique : un vertueux un peu casse-pieds, persuadé d’être du côté du bien et peu enclin à la gaudriole.
On écoutait Jean Ferrat sérieusement, pieusement, et pas très décontracté du col. Avec son électricité, ses fringues, ses fétiches, sa charge sexuelle, le rock balayait tout, rendant la chanson française ringarde, prouvant qu’un simple riff de guitare ou un déhanchement de bassin déclenchaient des révolutions plus sûrement qu’un texte démonstratif. Il y avait une honte d’être français quand la jeunesse du monde vibrait sur Hendrix.
Mais comme l’Histoire, l’histoire des musiques populaires connait ses cycles et ses retournements. Le rock eu aussi ses coups de pompe et de pompiérisme, alors qu’on redécouvrit des trésors du patrimoine français, chez les plus pop et anglophiles comme Gainsbourg ou Polnareff, et chez les plus français de chez français (ou belge) comme Brel, Barbara ou Ferré.
Mais Jean Ferrat (né Tenenbaum, ce qu’on ignorait et qui ajoute une épaisseur au personnage) fut l’un des seuls « grands » de notre chanson française à ne pas connaître la réhabilitation chez les jeunes générations. Sans doute la chanson « engagée » de sympathie faucille et marteau vieillit-elle plus mal que la poésie de Ferré, les jeux de langue de Gainsbourg ou les plongées intimes de Brel et Barbara.
Pourtant, lisant les hommages sur le Net, on n’a pas pu s’empêcher de cliquer sur les chansons de Ferrat, non sans une pointe d’émotion. Simple madeleine ? Quand même, Ma France, après le sale coup de l’identité nationale et au moment du retour électoral de la gauche, ça le fait.
La carte Pearltrees sur Jean Ferrat:
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