Vous voulez offrir une BD à Noël mais vous ne savez pas quoi choisir? Nous avons sélectionné six BD à mettre entre toutes les mains!
Tu pourrais me remercier, de Maria Stoian
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Ça raconte quoi: Pendant des mois, Maria Stoian a recueilli des témoignages d’anonymes en ligne et elle a dessiné leur histoire. Dans Tu pourrais me remercier, vingt personnes racontent leurs expériences des violences sexuelles et décrivent leur sentiment de honte et d’impuissance.
Pourquoi on la lit: Après avoir vu éclater l’affaire Weinstein et le hashtag #metoo, la bande dessinée de Maria Stoian arrive à pic. On pourra la mettre au pied du sapin à l’attention de ceux qui pensent qu’un attouchement déplacé dans le métro n’a aucune conséquence, ou que les victimes de harcèlement ne peuvent pas être aussi nombreuses. Les vingt histoires de Maria Stoian, illustrées dans des styles différents selon la teneur du récit, visent justement à montrer que les violences sexuelles sont partout, dans la sphère publique et privée, et qu’elles couvrent un nombre impressionnant de gestes et de comportements. Certaines tiennent sur une seule page. C’est parfois le seul espace nécessaire pour raconter la manière dont un acte banal peut marquer une personne durablement. À la fin de la bande dessinée, on trouve aussi un petit guide expliquant comment se comporter si l’on est témoin de ces violences. D’utilité publique.
Tu pourrais me remercier de Maria Stoian, éditions Steinkis. Traduit de l’anglais par Claire Martinet.
Grandeur et décadence, de Liv Strömquist
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Ça raconte quoi: Comment en est-on arrivés là? Crise climatique, emprise de la finance, montée des extrêmes… Dans son essai dessiné, Liv Strömquist reprend une à une les problématiques de la société capitaliste en convoquant des figures politiques, des auteur·e·s, un banquier cynique…
Pourquoi on la lit: Avec L’Origine du monde (sorti en français en 2016), Liv Strömquist décortiquait le rapport de la société au sexe féminin et offrait un formidable outil féministe plein de pédagogie. Elle fait la même chose avec Grandeur et décadence, un manifeste qui nous encourage à penser une nouvelle société. Avec son humour corrosif, son second degré et son franc-parler, elle donnera à tout le monde l’envie de croire à de meilleurs lendemains tout en donnant à réfléchir sur les injustices sociales, l’échec de la gauche en Europe, la gentrification, l’écologie et notre peur de l’action. Avec ses planches colorées et son sens du rythme implacable, les concepts parfois complexes qu’elle développe sont à la portée de tous.
Grandeur et décadence de Liv Strömquist, éditions Rackham. Traduit du suédois par Kirsi Kinnunen.
Supermutant Magic Academy, de Jillian Tamaki
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Ça raconte quoi: La Super Mutant Magic Academy est une école qui accueille de jeunes élèves dotés de super pouvoirs. Jillian Tamaki raconte leur quotidien adolescent entre peines de cœur, questionnements métaphysiques complexes et amitiés fusionnelles.
Pourquoi on la lit: En lisant le pitch de Super Mutant Magic Academy, on pourrait penser que l’on a affaire à une histoire de super héros. Pas du tout. Chez Jillian Tamaki, les pouvoirs des protagonistes ne sont qu’une manière pour eux de questionner leur place dans le monde, comme tous les adolescents. La bande dessinée, d’abord publiée par l’illustratrice du génial Cet été-là sous forme de webcomic, est une suite de saynètes décalées et hilarantes sur les années collège et lycée. À l’image des comic strips de Peanuts, Jillian Tamaki touche aussi souvent à des idées profondes voire à des concepts philosophiques. Ses personnages sont irrésistibles, de Marsha, qui est amoureuse de sa meilleure amie, à Frances, une jeune fille renfrognée et passionnée de performance art qui jette du sang de cochon et des paillettes sur ses camarades masculins. Un bon cadeau pour tous les ados en crise existentielle.
Supermutant Magic Academy de Jillian Tamaki, éditions Denoël Graphic. Traduit de l’anglais par Lili Sztajn.
Spinning, de Tillie Walden
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Ça raconte quoi: Tillie Walden raconte son enfance passée sur la glace des patinoires. En grandissant dans l’univers du patinage artistique, elle va se heurter à des obstacles: les moqueries de ses camarades, la rigueur de son entraînement, sa difficulté à annoncer son homosexualité à ses proches, la morale puritaine du Texas… Ces questionnements vont la pousser à remettre en cause sa passion. Et si le patinage artistique n’était pas une source d’épanouissement?
Pourquoi on la lit: Si vous détestez le patinage artistique, ne passez pas pour autant votre chemin sur ce récit initiatique. Les mémoires de Tillie Walden, 21 ans, s’appuient sur cette pratique pour raconter le douloureux passage à l’âge adulte. Les injonctions du milieu de la compétition sont celles que subissent de nombreuses adolescentes. Il faut être jolie, bien se maquiller, bien s’habiller, sourire en toutes circonstances… Cette bande dessinée féministe raconte les difficultés de se découvrir et de s’accepter dans une société patriarcale. Une grande partie du récit est consacrée au coming out douloureux de l’auteure, qui la plonge encore plus dans la solitude et au bonheur de sa première relation amoureuse. En faisant des parallèles entre chaque moment de sa vie et des figures et sauts de patinage artistique, qu’elle dessine avec beaucoup de sensibilité, elle montre le rapport complexe qu’elle a eu à cette pratique. L’œuvre de Tillie Walden est une variation bienvenue sur le thème de la réussite dans une société obsédée par le dépassement de soi.
Spinning de Tillie Walden. Éditions Gallimard. Traduit de l’anglais par Alice Marchand.
Karen Dalton, de Cédric Rassat et Ana Rousse
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Ça raconte quoi: La BD de Cédric Rassat et Ana Rousse retrace la carrière chaotique de la chanteuse Karen Dalton, l’une des voix les plus saisissantes de la folk des années 60. Méconnue à son époque, redécouverte par la suite, elle a vécu en décalage avec son temps. Arrivée trop tôt à Greenwich Village, partie au fin fond du Colorado alors que New York est en pleine effervescence, revenue quand tout le monde a quitté la côte est pour la côte ouest… La bande dessinée retrace cette carrière en marge des projecteurs.
Pourquoi on la lit: Cédric Rassat (au scénario) et Ana Rousse (au dessin) dressent un portrait très émouvant de cette figure fuyante, en mettant en scène ses questionnements, ses relations amoureuses compliquées et son rapport fusionnel à la nature. Quand ils la montrent regardant ses chevaux dans le Colorado, le dessin d’Ana Rousse réussit à suggérer la chaleur de la voix de la chanteuse et l’endroit profond d’où émerge sa musique. Le duo raconte aussi toute une histoire de la folk qui passe par le célèbre concert de Bob Dylan à Newport, où il passa pour la première fois à l’électrique, par l’immortel If I Were a Carpenter de Tim Hardin et par les drogues dures sur fond du White Rabbit de Jefferson Airplane. La bande dessinée évite d’évoquer la fin de la chanteuse, sur laquelle beaucoup a déjà été écrit (elle est morte du sida dans les années 80) pour se concentrer sur le rapport viscéral d’une femme à la musique. Pour ceux qui ne la connaissent pas encore, ce sera aussi l’occasion d’écouter les deux disques de Karen Dalton, redécouverts par les amateurs du genre dans les années 90.
Karen Dalton: Jeunesse d’une femme libre, de Greenwich Village à Woodstock de Cédric Rassat et Ana Rousse, Éditions Sarbacane
Dans le noir, de Daria Bogdanska
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Ça raconte quoi: Daria Bogdanska évoque son année en Suède en tant que travailleuse immigrée d’origine polonaise. Après s’être installée dans le pays pour étudier le dessin dans une école de bande dessinée, elle doit se chercher un petit job pour payer ses factures. Elle va en trouver un dans un restaurant indien, où les conditions de travail vont s’avérer particulièrement difficiles.
Pourquoi on la lit: Dans sa bande dessinée, Daria Bogdanska revient sur son éveil politique. Découvrant qu’elle est exploitée par son employeur en tant qu’immigrée, elle va essayer de faire valoir ses droits et ceux de ses collègues. Rencontre avec les syndicats, tentative de mobilisation, rencontre avec une journaliste d’investigation… Daria va chercher à faire exploser un scandale qui concerne de nombreux restaurants de Malmö. En toile de fond, elle détaille aussi ses galères financières, son triangle amoureux, ses amitiés avec des Suédois et raconte en creux la scène punk de Malmö. Dans un noir et blanc qui rappelle un peu l’œuvre de Marjane Satrapi, ce mémoire passionnant est un portrait saisissant de la société contemporaine et de la difficulté pour les individus de changer la donne.
Dans le noir de Daria Bogdanska, éditions Rackham. Traduit du suédois par Sophie Jouffreau.
Les Amours suspendues, de Marion Fayolle
© Marion Fayolle, éditions Magnani, 2017
Ça raconte quoi: Un homme, qui se dit fou amoureux de sa femme, ne peut s’empêcher de penser à ses amours passées et à toutes celles qu’il croise au quotidien.
Pourquoi on la lit: Marion Fayolle dissèque le sentiment amoureux avec un procédé passionnant: en imaginant une comédie musicale en BD. Les dialogues de ses personnages riment, comme des chansons, et le rythme de son dessin fait naître une partition dans l’esprit du lecteur. Elle les fait danser sur toute la page, avec un trait faussement naïf qui cache des trésors de complexité et de nombreux détails. Le jeu méta qu’elle opère avec le format de la bande dessinée, notamment lorsque ses personnages se colorient les uns les autres, sert son propos. Est-ce que la séduction est un jeu, une construction? Quelque part entre le Philémon de Fred et les films de Jacques Demy, on imagine bien revenir piocher ces Amours suspendues plus d’une fois dans la bibliothèque.
Les amours suspendues de Marion Fayolle, éditions Magnani.
Pauline Le Gall
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