Morgane Chanut et Adrien Pollin organisent des soirées rockabilly, musique surf et rock’n’roll à Paris avec leur association Jacky Banana. L’occasion de revaloriser ces styles musicaux.
Faire découvrir le rockabilly à un nouveau public: c’est le beau défi que s’est lancé Morgane Chanut en créant Jacky Banana, il y a un an, avec son ami Adrien Pollin. L’association organise des soirées, et propose aux parisiens de plonger dans l’univers d’Elvis Presley, Johnny Cash, de la pin-up, du teddy boy, des vieilles voitures américaines et de l’effeuillage burlesque. “Nos potes ne connaissaient pas ce monde et ne comprenaient pas pourquoi on était encore dans la lune quatre jours après être rentrés de festival rock’n’roll’”, explique la jeune femme de 26 ans avant de poursuivre: “On voulait qu’ils lâchent les soirées électro pour découvrir cet univers musical et scénique incroyable.”
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C’est que le rockabilly traîne quelques casseroles. Ce mélange de rock’n’roll et hillbilly né dans les années 50 dans le Tennessee, aux Etats-Unis, baigne à sa création dans le racisme ambiant de l’époque. « Cette musique vient du sud et est encore parfois affiliée au mouvement confédéré » explique Morgane Chanut. L’utilisation du “dixie flag” comme symbole dans le rockabilly pendant longtemps peut en effet en témoigner. En plus du racisme qui colle à la peau du style musical, Jacky Banana souhaite le débarrasser du machisme du teddy boy, veste noire drapée sur le dos et banane sur la tête, qui rappelle certaines scènes de Mad Men à Morgane Chanut.
Après une campagne de crowdfounding, Jacky Banana voit le jour en juin 2016, grâce aux deux amis qui portent le surnom de “vengeurs du vintage” sur la page Facebook de Jacky Banana. Leurs actions: des soirées ultra énergiques qui allient rock’n’roll, surf musique, effeuillage burlesque et bien-sûr, rockabilly. Interview de Morgane Chanut en cinq questions.
Comment es-tu tombée dans le rockabilly?
J’ai été bercée par le rock’n’roll, même si à la maison c’était plus AC/DC qu’Elvis Presley. Plus précisément, c’est un dessin animé génial qui a déclenché ma passion pour le rockabilly: Rock-o-Rico. Le personnage principal est un coq qui ressemble énormément au King, et qui est doublé dans le film par Eddy Mitchell. J’ai tellement usé la VHS que ma mère a dû m’acheter la cassette en double! Il y a un truc inexplicable qui se dégage de cette musique, une sorte de fièvre, de liberté.
L’univers rockabilly d’aujourd’hui est-il le même que celui des années 50?
En 1950, la pression autour des femmes est à son maximum. Elles doivent impérativement être belles, bonnes ménagères, et sont exhibées dans les dîners mondains comme des trophées. Aujourd’hui, à ce niveau-là, c’est un peu différent même si le rockabilly reste un univers assez clivant. D’un côté il y a les femmes qui correspondent au cliché de ce milieu: très discrètes, toujours séparées des hommes, et de l’autre, il existe quelques personnes comme moi, en décalage. Souvent ça passe, et parfois ça casse. Certains hommes ne comprennent pas qu’une fille puisse être aussi indépendante et grande gueule que moi.
Tu as déjà été confrontée au sexisme de cet univers?
Oui. Dans le rockabilly, il faut avoir les épaules solides pour ne pas se formaliser à chaque remarque. Je n’ai pas ma langue dans ma poche, et j’ai eu de bonnes frictions avec des mecs qui se sont permis des réflexions plus que déplacées parce que je n’acceptais pas leur façon de me parler. On m’a souvent traitée de poissonnière parce que je n’étais pas assez discrète à leur goût, ou parce que je m’adressais à eux en utilisant un ton identique au leur. On m’a aussi qualifiée d’amazone car je suis très indépendante. En bref, pour certaines personnes, je ne pouvais juste pas être moi.
Tu es associée avec un homme. As-tu déjà constaté que vous étiez traités différemment?
J’ai quelques moments gênants en tête. Certains groupes avec qui j’ai bossé ont imaginé qu’ils obtiendraient des trucs plus facilement avec moi car j’étais “la fille”. Je dois aussi faire attention à ne pas être trop arrangeante ou avenante pour ne pas envoyer de mauvais message. Il m’est arrivé de proposer à des artistes de loger chez moi et ils se sont fait des idées. Ça n’est jamais arrivé à mon associé. Malgré tout, j’ai aussi rencontré beaucoup d’hommes géniaux qui sont devenus des amis, qui aiment simplement ma façon d’être. C’est surtout ces gens-là que je retiens.
On trouve parfois dans tes soirées des performances d’effeuillage burlesque. Pourquoi voulais-tu mettre en avant cette activité?
Le burlesque, c’est beau: ce sont des femmes qui viennent s’amuser et danser. C’est vraiment une dose de bonne humeur, de body positive, de rigolade, de magie, de spectacle. Elles avaient leur place dans nos soirées, car très souvent les performances s’inspirent des codes du rockabilly: celui de la pin-up, des années 50, du kitsch ou des vieux films. Elles sont un peu un hommage aux modèles féminins comme Maryline Monroe ou Betty Page, comme des paillettes au milieu des motos et des bombers.
Propos recueillis par Margot Cherrid
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