Buzzfeed France lance MEUFS, sa déclinaison féministe orchestrée par les journalistes Marie Kirschen et Anaïs Bordages.
Le site BuzzFeed France vient d’annoncer le lancement de MEUFS, sa déclinaison dédiée aux femmes et aux féminismes. Orchestrée par les deux journalistes Marie Kirschen et Anaïs Bordages, cette nouvelle verticale vient s’ajouter à une offre média féministe de plus en plus importante -notre dernier coup de cœur en date étant la newsletter presque homonyme Quoi de meuf?, lancée par les journalistes Clémentine Gallot et Mélanie Wanga. On a voulu en savoir davantage sur ce qui s’annonce comme une bonne nouvelle de plus dans le paysage médiatique français.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Depuis quand travaillez-vous chez BuzzFeed?
Anaïs Bordages: Je suis arrivée à BuzzFeed juste après le lancement de BuzzFeed France, fondé par la Française Marie Telling depuis New York. À l’époque, je bossais toute seule sur mon canapé, maintenant on est 15, l’entreprise a bien grandi! Je fais partie de l’équipe divertissement, donc je fais beaucoup de vidéos, d’articles humoristiques, de quiz, et ma spécialité est d’analyser la pop culture sous un angle féministe -que ce soit un essai culturel sur Kristen Stewart, une parodie de Cinquante nuances de Grey ou une thèse sur le physique de Ryan Gosling.
Marie Kirschen: De mon côté, je suis chez BuzzFeed depuis décembre 2015. Je travaille pour le “news” et je traite plus spécifiquement des questions de droits des femmes, ainsi que des thématiques LGBT. Mon job peut aller de l’enquête -comme l’article que j’ai co-écrit où l’on révélait la transaction secrète entre Jean-Michel Baylet et son ex-collaboratrice qui l’accusait de violences- au reportage, en passant par des essais sur les poils ou les lesbiennes à la télé… Ce qui est bien à BuzzFeed, c’est que l’on peut faire des formats très diversifiés.
BuzzFeed est-elle une société exemplaire en termes de parité?
Marie Kirschen: Au niveau de la rédaction, on est quasi à la parité puisque BuzzFeed France c’est six femmes et huit hommes. Et notre rédactrice en chef est une femme. Donc ce n’est pas encore la parité 50/50 mais c’est la rédaction la plus paritaire et diverse où j’aie travaillé jusqu’à présent.
Vous traitez déjà de sujets féministes au quotidien, pourquoi leur dédier un espace à part entière?
Anaïs Bordages: Pendant la première année avec Marie Telling, on a beaucoup expérimenté pour voir un peu ce que pourrait être la ligne éditoriale du site, et étant toutes les deux féministes, ça nous paraissait assez logique dès le départ de couvrir ces thématiques. Il y a 4 ans, le féminisme, le harcèlement ou le sexisme étaient beaucoup moins présents dans les médias qu’aujourd’hui, et on a tout de suite rencontré un lectorat jeune et féminin qui était heureux de voir ces thématiques traitées sur un site généraliste. Depuis, l’équipe s’est agrandie avec de nombreux·ses journalistes féministes, notamment Marie Kirschen, et on s’est dit qu’il était logique de visibiliser encore plus cet espace qu’on a toujours voulu accorder aux femmes et au féminisme. Ce que nous permet cette page, c’est d’aller plus loin qu’une simple publication d’article, et aussi de créer un espace où l’on peut réfléchir et échanger ensemble.
“On a une approche intersectionnelle et on espère parler autant aux femmes blanches qu’aux femmes noires, aux femmes de la communauté LGBT, aux musulmanes…”
La volonté de Buzzfeed France de mettre ces sujets en avant découle-t-il aussi d’un intérêt économique? Le féminisme est-il bankable en ce moment?
Marie Kirschen: Je ne sais pas trop si le féminisme est bankable en ce moment, en tout cas ce n’est pas pour cela qu’on le fait. En tant que journalistes, ce qui nous intéresse c’est d’investir des champs qui ont été délaissés par la presse française. Par exemple, pourquoi est-ce qu’il y a aussi peu d’enquêtes sur le harcèlement de rue, la représentation du viol au ciné ou sur le tabou des règles? Pourquoi est-ce qu’on voit aussi peu de femmes dans les pages “politiques” et “économie” des grands journaux? Et quand les médias parlent enfin des femmes, ils oublient très souvent de rendre compte du vécu des femmes noires, arabes ou lesbiennes… Il y a beaucoup de choses à faire journalistiquement sur ces sujets. J’étais très enthousiaste de voir le lancement de Cheek il y a quelques années. Heureusement, il y a de plus en plus d’initiatives qui viennent combler ce vide. Ce sont des sujets dont on entend de plus en plus parler et c’est une très bonne chose.
L’offre féministe est effectivement de plus en plus importante dans les médias, quelle est votre spécificité?
Anaïs Bordages: Notre parti pris, c’est de mettre à profit tout le savoir-faire qu’on a accumulé depuis des années sur les thématiques liées aux droits des femmes et à la diversité, en profitant du fait qu’on est une rédaction mondiale et qu’on peut adapter les meilleurs articles et vidéos de nos collègues aux États-Unis, en Espagne, en Inde, au Mexique… On a une approche intersectionnelle et on espère parler autant aux femmes blanches qu’aux femmes noires, aux femmes de la communauté LGBT, aux musulmanes…
Marie Kirschen: Et puis il y a les articles sur le site, mais MEUFS c’est aussi une page Facebook. On y postera des vidéos, des dessins, des gifs, des contenus qui nous font rire. Parce qu’on peut-être féministe et vouloir lire des articles sérieux qui dénoncent ce qui ne va pas dans notre société, mais aussi avoir envie de se changer les idées et de rire un bon coup des trucs que beaucoup de femmes connaissent comme les règles ou les galères de poils…
Vous comptez mettre en place une “interview féministe”: quel en sera le principe et qui rêvez-vous d’y inviter?
Anaïs Bordages: Le principe est d’interviewer une célébrité, et de lui poser une série de questions liées au féminisme. Par exemple, notre première vidéo est avec Rokhaya Diallo, qui nous dit entre autres quelle affaire médiatique sexiste l’a particulièrement marquée, ou encore quel est le livre féministe que tout le monde devrait lire. On pense que c’est important d’entendre ce que des femmes célèbres ont à dire sur la question. Personnellement, j’aimerais bien interviewer des réalisatrices, comme Valérie Donzelli ou Noémie Lvovsky.
Marie Kirschen: J’adorerais interviewer Angela Davis ou Adèle Haenel. Ou Michèle Laroque!
Anaïs Bordages: Et sinon, ce serait marrant de titiller certaines personnes sur leurs convictions féministes, comme Emmanuel Macron, je pense qu’on aurait deux trois mots à lui dire sur le sujet!
Propos recueillis par Faustine Kopiejwski
{"type":"Banniere-Basse"}