Présente au Bataclan le soir du 13 novembre 2015, Caroline Langlade, 31 ans, publie aujourd’hui un livre, Sorties de secours, dans lequel elle raconte son combat pour une meilleure prise en charge des victimes du terrorisme.
Le 13 novembre 2015, Caroline Langlade était au Bataclan. Durant plus de trois heures, la jeune femme est restée enfermée dans une loge de 7 mètres carrés avec une quarantaine de personnes. Deux ans plus tard, cette journaliste reporter d’images, désormais en arrêt maladie, publie Sorties de secours, un livre dans lequel elle raconte l’insupportable huis clos pendant les attaques et le combat qu’elle a mené par la suite en cofondant l’association de victimes Life for Paris -qui regroupe 750 membres- avec Maureen Roussel, une jeune femme également au Bataclan ce soir-là.
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Si Caroline Langlade, 31 ans aujourd’hui, n’a pas été touchée physiquement lors de l’attentat dans la salle de concert parisienne, elle se bat pour que “les blessures invisibles” soient reconnues. Les siennes lui ont causé des dommages physiques: un bégaiement “qui survient sans prévenir, [lui] bloquant la mâchoire”, un dérèglement de son système digestif et aussi la perte d’une partie de son acuité visuelle. L’état de stress post-traumatique a notamment déclenché chez elle une hypertension crânienne qui appuie sur le nerf optique. Si la pathologie n’avait pas été prise à temps, la trentenaire aurait pu perdre la vue. Elle voit désormais flou.
“Ma sortie de secours, je l’ai trouvée en défendant le collectif.”
Depuis le 13 novembre, Caroline Langlade est obsédée par le fait de “réparer les vivants”: “On est démuni·e·s face à la mort, je l’ai appris de façon extrêmement violente ce soir-là, affirme-t-elle, aujourd’hui, ce qui me préoccupe le plus, c’est d’accompagner les gens qui arrivent avec une souffrance et d’essayer de les soulager.” Refusant que ce qui est arrivé ce jour-là ne la “définisse en entier”, celle qui “essaye désormais de donner le change” a répondu à nos questions.
Comment vous êtes-vous approprié le statut de victime, un statut dont vous écrivez qu’il ne vous “résume en rien”?
Au début, je refusais catégoriquement ce statut de victime. Mon médecin, qui est aussi psychothérapeute, m’a aidée à accepter le fait que j’avais vécu cet évènement et que, par conséquent, j’étais une victime. À partir de là, j’ai fait en sorte que ça ne devienne pas mon identité toute entière. Ma sortie de secours, je l’ai trouvée en défendant le collectif, en ne revendiquant pas un statut unique, mais un statut collectif pour défendre au mieux nos droits et accompagner les autres. J’ai appris à connaître chacun et cette multiplicité d’histoires et de vécus m’a permis de ne pas me sentir seule.
Comment, quelques semaines après l’attentat, avez-vous fondé l’association de victimes Life for Paris?
Tout est parti de Maureen Roussel, elle était au Bataclan avec une amie et son compagnon. Ce dernier voulait savoir comment la personne qu’il avait aidée durant l’attentat allait. Maureen Roussel a lancé un appel sur Facebook pour la retrouver, et cet appel a beaucoup fédéré autour d’elle. Je lui ai répondu tout de suite, j’ai su qu’elle venait de lancer un truc énorme et je lui ai demandé si elle souhaitait que je l’aide. C’est comme ça que l’association Life for Paris est née.
Quels ont été les premiers objectifs de l’association?
Accompagner les gens, les aider pour qu’ils aient accès à l’information, les orienter vers les bonnes structures, et bien sûr leur permettre d’obtenir une réparation indemnitaire à travers les fonds garantis et les soins.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées?
Il y en a eu plusieurs. Ce qui a été particulièrement dramatique, ce sont les fausses victimes auxquelles nous avons eu affaire. Nous avons eu le sentiment d’avoir été trahi·e·s, sali·e·s, mais aussi d’avoir perdu du temps, c’était extrêmement violent. Nous avons également eu des difficultés à faire reconnaître ce que j’appelle les blessures invisibles, pas celles qui ont été provoquées par les balles ou les explosions, mais celles qui ont été déclenchées par le traumatisme. Après le 13 novembre, certain·e·s ont déclaré des maladies de Crohn, des cancers, des dépressions. Cette année, nous avons eu cinq décès au sein de l’association, quatre personnes sont mortes de crises cardiaques et une s’est suicidée. Alors oui, ça coûte cher de prendre en charge tout le monde mais je pense qu’il vaut mieux prendre en charge rapidement plutôt qu’attendre que les états de santé se dégradent. Ça ne peut pas être parfait, mais ça peut être perfectionné.
Vous avez quitté l’association mi-octobre, à quoi ressemble demain dans vos aspirations?
Depuis deux ans, ma capacité de projection maximum est d’une semaine, voire de 5 jours! Moi qui ai toujours planifié l’intégralité de ma vie, aujourd’hui j’en suis désormais incapable. J’apprends à vivre au jour le jour, et ce n’est pas mal non plus.
Propos accueillis par Julia Tissier
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