Les accusations de viols et d’agressions sexuelles sur une vingtaine de femmes, parmi lesquelles Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow, Asia Argento et Emma de Caunes, mettent fin à près de 30 ans d’une omerta qui protégeait l’ex-producteur le plus puissant d’Hollywood. David contre Goliath: la revanche ?
Résumé pour les deux du fond qui auraient passé les dernières nuits à dormir plutôt qu’à scroller… Le scandale éclate jeudi 5 octobre, lorsque les journalistes Jodi Kantor et Megan Thowey affirment dans le New York Times que Harvey Weinstein, le Che Guevara du cinéma indépendant américain, achète le silence de ses victimes d’agression sexuelle célèbres ou anonymes depuis plusieurs décennies, tout en cultivant la politique du secret au sein même de sa société de production éponyme, la Weinstein Company qu’il dirige avec son frère Bob, et dont les employés sont tous soumis à de strictes clauses de confidentialité. Le même jour, Weinstein botte en touche dans les colonnes du New York Post, où il invoque son caractère impétueux (sic) façonné dans les années 70 “où cela se passait autrement” (resic), avant de présenter ses regrets assortis d’une promesse de devenir un homme meilleur. Une contrition demi-molle devant laquelle s’élèvent aussitôt plusieurs illustres voix d’Hollywood, parmi lesquelles celles de Meryl Streep, Glenn Close, Kate Winslet ou Judd Apatow, tandis que Gwyneth Paltrow et Angelina Jolie confirment publiquement avoir subi les assauts de Weinstein. Barack Obama et Hillary Clinton, dont Weinstein participa à financer les campagnes présidentielles, se joignent alors à l’indignation générale qui aboutit dimanche 8 octobre à l’éviction de l’ex-faiseur d’Oscars de sa propre société. Mardi 10 octobre, le New Yorker balaie ce qu’il reste de la crédibilité de Weinstein en publiant la longue et minutieuse enquête de Ronan Farrow, dans laquelle treize femmes, parmi lesquelles Asia Argento, Rosanna Arquette, Emma de Caunes et Mira Sorvino témoignent des agressions sexuelles qu’elles ont subies entre 1990 et 2015.
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Les cultes de la personnalité et du secret semblent être remplacés peu à peu par celui de la transparence, et c’est évidemment une bonne nouvelle pour les femmes.
Il aura fallu 27 ans pour que s’ouvre -au cric- la bouche des victimes et les yeux du public. Mais le temps 2.0 n’est pas le même que le temps vintage, il s’accélère, il s’impatiente et finit par tomber comme un couperet sur la nuque de ceux qui le contrôlaient jusqu’à récemment. Les magnats de la politique, de la finance ou du divertissement ont des raisons que les réseaux ignorent, et la société hyperconnectée déboulonne en rafale les piédestals sur lesquels les principaux intéressés s’étaient confortablement installés. Woody Allen, dont les abus sexuels ont été outés par son fils, le même Ronan Farrow; Roman Polanski, Bill Cosby, Bill O’Reilly et Roger Ailes, deux dirigeants de la chaîne d’informations Fox News; Travis Kalanick, l’ex-patron d’Uber, Donald Trump, dont le tristement fameux: “Les femmes, je les attrape par la chatte” ne l’a toutefois pas empêché de sévir à la Maison Blanche, et maintenant Harvey Weinstein… Les cultes de la personnalité et du secret semblent être remplacés peu à peu par celui de la transparence, et c’est évidemment une bonne nouvelle pour les femmes, anonymes ou célèbres, que de vieux messieurs puissants contraignaient jusqu’alors à rester jeunes, minces, soumises et silencieuses.
Reste à espérer que la chute médiatisée d’un nouveau prédateur sexuel fasse également taire les slut shamers, celles et ceux qui à l’instar de la créatrice de mode Donna Karan accusaient les victimes de son ami de l’avoir un peu cherché quelque part, avec leur tenue et/ou leur comportement. Et puisque la saison des espoirs est en avance cette année, formulons enfin celui que la culpabilité et la honte dont souffrent les victimes d’abus sexuels changent de camp. Définitivement.
Fiona Schmidt
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