Cette trentenaire, qui connaît par cœur la génération des millennials, a fait campagne pour Emmanuel Macron, avec le succès que l’on sait. Entretien connecté.
Les militants d’En Marche! connaissent bien Axelle Tessandier: c’est elle qui a animé quasiment tous les meetings d’Emmanuel Macron pendant sa folle campagne présidentielle, qui l’a mené en un an d’une salle des fêtes d’Amiens à l’Élysée. À chaque rassemblement, sur scène, cette brune de 36 ans énergique et souriante motivait les troupes avec l’optimisme qui la caractérise et qui l’a logiquement portée vers un candidat qui n’avait pas peur de prononcer le mot “bienveillance”. “Je ne trouve pas du tout ça bisounours mais, au contraire, hyper important, je n’avais jamais senti ce regard optimiste en France avant lui”, confie-t-elle. C’est en partie pour cette raison que la jeune femme était expatriée à San Francisco depuis cinq ans, après avoir cherché sa voie sans la trouver à Paris, et après quelques incursions à Londres et à Berlin, qui lui ont donné envie d’aller voir ailleurs. “Quand j’ai commencé à bosser, après un master dans l’audiovisuel, rien n’était fluide alors que j’étais la bonne élève. Je me suis cherchée les premières années de ma vie professionnelle, jusqu’à ce que ma trajectoire croise celle de la nouvelle économie.”
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En 2009, Axelle Tessandier est sélectionnée pour participer à un programme de deux mois à Berlin, destiné à inventer des applis et regroupant 14 nationalités. Cette expérience sera déterminante: elle lui fait prendre conscience de la profonde révolution technologique en cours, et notamment de la place capitale des réseaux sociaux dans notre nouveau monde. Elle commence alors à s’intéresser au rapport de la jeune génération -celle que l’on nomme génération Y ou millennials- avec le monde du travail, et acquiert petit à petit une bonne connaissance de ses pratiques, ce qui lui donnera l’idée de monter son agence de conseil sur le sujet, AXL Agency. Entre temps, une opportunité professionnelle (une réunion de start-ups puis un poste de directrice marketing chez scoop.it) ainsi qu’ une rencontre amoureuse l’ont menée jusqu’à San Francisco, un lieu de résidence évident pour cette yogi geek et végétarienne.
“Quand tout le monde dit que ça ne marchera jamais, j’ai tendance à voir ça comme un bon signe, les plus grandes innovations ont commencé comme ça.”
Entre la France et la Californie, Axelle Tessandier crée petit à petit sa place dans le monde de l’entrepreneuriat et de l’innovation, notamment en participant au lancement de Kickstarter en France, et s’intéresse de plus en plus à la question de l’engagement. “Comme beaucoup, l’année 2015 m’a marquée, particulièrement le FN à 33% aux régionales, qui m’a donné envie de m’investir, sans trop savoir comment, mais je sentais que j’allais revenir en France. Quand l’équipe des jeunes avec Macron m’a proposé de modérer le débat de lancement sur le numérique et les inégalités en mars 2016, ça a tout de suite suscité ma curiosité, mais j’ai vraiment décidé de m’engager pour En Marche! à l’été 2016. J’étais très séduite par le fait que personne ne croyait en ce projet. Quand tout le monde dit que ça ne marchera jamais, j’ai tendance à voir ça comme un bon signe, les plus grandes innovations ont commencé comme ça.”
Pendant toute la campagne, cette intuitive, convaincue par la vision macronienne de la politique hors des clivages classiques, ne fait pas de plan de carrière et se contente de poursuivre un objectif et un seul: emmener son candidat à l’Élysée. Quand ce pari fou se concrétise, le nom d’Axelle Tessandier commence à circuler chez les potentielles ministrables, d’autant qu’Emmanuel Macron s’est engagé sur la parité de ses troupes. Une promesse qui semble déjà bien lointaine, alors que les nominations masculines s’enchaînent ces dernières semaines. Mais du côté d’Axelle Tessandier, l’entrée au gouvernement n’a rien d’évident. “En mai, j’étais vidée. Dans ces moments, tu tiens à l’adrénaline, mais quand tu peux relâcher la pression, c’est assez violent physiquement. Je n’ai jamais fait cette campagne pour entrer dans un ministère mais j’ai fini par me dire que ça devait se terminer comme ça, il y avait une certaine pression créée par les médias autour de mon nom alors qu’au fond, je sentais que ce n’était pas pour moi. La campagne, c’était mon truc, car je suis très électron libre et que j’adore les défis. Mais ensuite, l’exercice du pouvoir, c’est différent: même si c’est passionnant, tu travailles avec des collaborateurs, pour un premier ministre. C’est une autre histoire qui commence.” Quand le gouvernement Philippe est annoncé le 17 mai, Axelle Tessandier n’en fait pas partie. Et si elle est toujours déléguée nationale d’En Marche!, le congrès prévu pour le mois de juillet devrait rebattre les cartes en restructurant le parti, qui est désormais celui du président de la République.
La jeune femme confie qu’elle a besoin de temps pour elle et sent que le prochain chapitre de sa vie sera à nouveau entrepreneurial. “Je suis superstitieuse donc je préfère ne pas parler de mes nouveaux projets, mais j’en ai plein.” Cette féministe convaincue interviendra la semaine prochaine lors de la quatrième édition de Sisterhood, un événement organisé par Facebook et The family, dont Cheek est partenaire. “J’évolue dans deux mondes très masculins, l’entrepreneuriat et la politique, et la question des role models me semble essentielle: c’est ce qui manque le plus aux femmes. C’est pour ça que je suis engagée sur ce sujet, notamment auprès de l’incubateur Paris Pionnières, dont je fais partie du conseil d’administration. Je crois vraiment que si moi je peux le faire, les autres aussi. Je ne veux pas romantiser non plus, j’ai beaucoup galéré, j’ai l’impression que rien n’est facile et j’ai un énorme syndrome de l’imposteur. Mais je veux toujours dépasser ma peur.” Désormais divorcée de son mari américain -“On est restés en excellent termes mais c’est en France que je dois être en ce moment.”- Axelle Tessandier affirme qu’après une expérience pareille, la vie ne peut plus être la même. Pourtant, elle n’attend qu’une chose: la prochaine mission impossible à accomplir. Entretien connecté d’une personnalité avec qui il faudra désormais compter.
Geek de la première heure ou geek formée sur le tas?
Formée sur le tas, mon expérience à Berlin a été un tournant, même si j’étais déjà curieuse de la révolution technologique avant.
Mac ou PC?
Mac. Mon premier ordi, c’était le gros Mac bleu des années 2000: j’ai toujours eu l’impression que c’était la marque des créatifs.
Twitter ou Facebook?
Les deux. À une époque je n’utilisais plus du tout Facebook, mais je le fais à nouveau beaucoup parce que les conversations politiques et civiques y sont plus nombreuses qu’avant. Avant, c’était surtout LOL et vie privée, et je trouve que ça a pris une nouvelle dimension citoyenne intéressante. Twitter, je m’y intéresse depuis la campagne de 2008 d’Obama. Le truc des 140 signes, ça correspond à ma personnalité, c’est un réseau d’égocentriques qui ont une opinion sur tout. (Rires.) Parfois, j’ai l’impression qu’on ne s’écoute pas trop et que ce n’est pas un lieu de conversation. Pour moi, c’est plus une façon de dire très vite mes coups de cœur et mes coups de gueule, et c’est aussi là que je fais ma revue de presse.
Le tweet qui t’a le plus marquée?
Il y en a plein, mais là, je pense à celui d’Emmanuel Macron, quand il a pris position cet hiver contre Trump, pour le “no ban no wall”. Il a été l’un des premiers dirigeants politiques à dire que ce n’étaient pas nos valeurs.
Ton twitto préféré?
J’adore @creativemorning, qui met en avant des projets créatifs inspirants venus du monde entier, et @SFMOCI, le compte de la mairie de San Francisco, qui est passionnant au niveau local. Je recommande aussi le compte de la nouvelle ministre de la culture François Nyssen, @MinistereCC, où sont partagées entre autres des dates historiques et des citations.
Ta référence geek (réelle)?
John Maeda, un designer qui pense la révolution numérique sans jamais oublier les humanités. Pour lui, il ne s’agit pas seulement de savoir coder. Et aussi Caroline Ramade, la directrice générale de Paris pionnières, un incubateur de start-ups où il faut être une femme pour rentrer. J’adore cette fille et les sujets qu’elle porte.
Ta référence geek (fictionnelle)?
Ziggy Stardust. David Bowie, c’était un nerd, il a d’ailleurs dit plein de trucs intelligents sur Internet. Surtout, il a rendu cool plein de choses qui ne l’étaient pas. Avec lui, tout ce qui était censé être bizarre et à la marge est devenu mainstream: il a permis à tous les misfits de sentir la différence comme acceptable. Quand il est mort, une interview de lui est ressortie, où j’ai découvert une phrase que j’adore: “If David Bowie can make being David Bowie cool, you can make being you cool.”
Booking, TripAdvisor ou Airbnb?
Airbnb. Je l’ai beaucoup utilisé aux États-Unis quand je voyageais, même si aujourd’hui je ne l’utilise plus tellement. Quand je suis arrivée dans la Silicon Valley, l’une des premières interviews que j’ai faite pour mon blog d’alors, c’était celle du cofondateur Joe Gebbia, qui est devenu un ami. Il a commencé dans un garage et, aujourd’hui, il est l’un des principaux dirigeants de la société.
Snapchat ou WhatsApp?
WhatsApp. Je suis trop vieille pour Snapchat.
Ce que le Web a le plus changé dans ta vie?
À peu près tout: l’endroit où j’habite, le métier que je fais, mes rapports aux autres, ma façon de penser le monde. Un monde, qui grâce au Web, m’apparaît plus petit.
Propos recueillis par Myriam Levain
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