On a rencontré OcéaneRoseMarie, la réalisatrice de Embrasse-moi!, première romcom lesbienne française, en salles aujourd’hui.
Embrasse-moi!, c’est l’histoire d’Océanerosemarie, Dom Juan féminin hyperactive qui collectionne les copines. Mais la dernière qu’elle ait rencontrée, Cécile, elle en est sûre: c’est la bonne, la femme de sa vie. Facile à dire, un peu moins de la conquérir. À moins de s’assagir? Avec ses potes -joués par Grégory Montel, Laure Calamy, vus dans Dix pour cent, et Nicole Ferroni-, ainsi que sa bobo de mère incarnée par une Michèle Laroque hilarante, Océanerosemarie va tout faire pour séduire Cécile, aka Alice Pol.
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Après une incursion dans la chanson sous le nom d’Oshen, et le théâtre (La Lesbienne invisible, Chatons violents), Océanerosemarie -la vraie, cette fois-ci- s’essaye avec ce premier long-métrage au cinéma. Avec Cyprien Vial, la tout juste quadra coréalise ici une comédie romantique pleine de rebondissements, drôle, et souvent satirique. Premier du genre à mettre en scène un couple lesbien sans que leur homosexualité ne soit le sujet principal, le film nous a franchement plu. Du coup, on a rencontré la femme derrière le personnage et la caméra.
C’était important, pour toi, de réaliser la première comédie romantique lesbienne?
C’est un vieux rêve de comédienne: j’avais envie de faire du cinéma, et aussi que ce genre de film existe. J’ai souffert pendant l’adolescence de ne voir que des films avec des personnages de lesbiennes soit complètement psychopathes, genre JF partagerait appartement, soit très caricaturaux. J’avais 15 ans quand Gazon maudit est sorti par exemple: aujourd’hui, j’aime beaucoup, mais à l’époque je me disais “ah bon, je vais devoir mettre des mocassins à glands et fumer le cigare pour être une vraie lesbienne?”. On manquait de vraie comédie romantique lesbienne en France. Bien sûr, il y a eu Pourquoi pas moi, mais ça porte encore et toujours le coming out. Quand on est homo et qu’on a réglé la question, c’est ennuyeux! J’avais envie de sortir de ces représentations parce que, même si elles sont bienveillantes, ça reste une façon de dire “ils sont différents”. On est beaucoup plus proches des hétéros que beaucoup veulent le croire, pourtant les homos ont différentes façons d’être au monde, différentes façons de penser… Mais au cinéma, ça ne se voit pas.
Quel degré de ressemblance y a-t-il entre la Océanerosemarie du film et toi?
Océanerosemarie n’est ni une personne, ni un personnage, c’est un persona: elle est inspirée de ma vie, mais sans être complètement moi non plus. Dans ce film, j’avais envie de travailler sur la figure du Dom Juan, trop souvent représentée comme une figure caricaturale dans les comédies romantiques. Les Dom Juan à l’écran, ce sont toujours des hommes, ils sont hyper cyniques, c’est vraiment chiant. Ils se tapent plein de meufs, ne se souviennent même pas de leur prénom au réveil, et brusquement, voilà la femme de leur vie! Ou alors ils réalisent qu’ils sont amoureux de leur meilleure amie depuis toujours. Mais si le Dom Juan de Molière parvient à conquérir toutes ces femmes, ce n’est pas grâce à des techniques de drague, c’est parce qu’il est d’une immense sincérité. C’est comme si sa vie se jouait à chaque rencontre, c’est cette sincérité absolue qui lui permet de “ravir” ces femmes.
© Christophe Brachet / Nolita Cinema
Et tu voulais créer un Dom Juan féminin?
Chaque fois que je rencontre une fille, j’imagine que c’est peut-être la femme de ma vie. Je peux réaliser assez vite que me suis trompée, mais c’est toujours hyper sincère. Et oui, pour moi, les Dom Juan sont des gens comme ça, des amoureux de l’amour. C’est dans ce sens que la Océanerosemarie du film est proche de moi. Après, il y a aussi ce côté super festif, où elle fait vachement la teuf: moi je suis plutôt posée, à faire des dîners. Monter sur les tables torse nue, c’est pas trop mon style! (Rires.) En fait, Océanerosemarie, c’est moi, avec des curseurs poussés très très hauts. C’est un peu la personne qui fait tout ce qu’on rêverait de faire quand on tombe amoureux.
Mettre en scène un couple lesbien, c’est devenu grand public?
On a tout fait pour attirer un public très large, parce que le but est aussi de déconstruire des préjugés. Pour nous, c’est un film d’anticipation: il montre le monde tel qu’on espère qu’il sera dans 10 ou 20 ans, avec des hétéros, des homos, des couples mixtes… Avoir mis la mère -Michèle Laroque- en couple avec un Noir –Isaach de Bankolé– n’est pas anodin. Même si elle représente quand même ce côté vieille France, pour qui ce n’est pas grave de dire “Chinoise” alors qu’on parle d’une Coréenne. On a intégré ce genre de critiques par petites touches, c’est calculé pour faire rire le grand public. Ceux qui sont sensibilisés à la question verront bien, je pense, le côté moqueur, cette envie de dire “même les gens les plus ouverts continuent de faire des trucs graves”. Et puis le choix des acteurs s’est fait par affinité, mais aussi pour attirer le public: Michèle Laroque et Alice Pol viennent toutes les deux du cinéma populaire. Grégory Montel et Laure Calamy, on les connaissait avant, mais ils ont gagné en notoriété avec Dix pour cent, ça ne peut que nous aider.
“Embrasse-moi! est militant sans être démonstratif, et c’est probablement là que réside sa force.”
Tu casses les clichés sur les couples de lesbiennes, tu t’attaques aussi au racisme… Il y avait une démarche militante derrière ce film?
J’ai le projet en tête depuis 2010, soit l’époque où j’ai monté mon premier spectacle, La lesbienne invisible. C’était en amont de mon positionnement féministe et antiraciste, l’idée était vraiment de faire une comédie romantique, populaire, solaire, où tout le monde puisse rigoler. Cela dit, c’est évidemment un projet féministe, ne serait-ce que parce qu’il y a beaucoup plus de meufs que de mecs dans le film. Et puis dire “être homo c’est pareil qu’être hétéro”, c’est militant, c’est très engagé. Ce qui ne l’est pas, c’est la forme: Embrasse-moi! est militant sans être démonstratif, et c’est probablement là que réside sa force. Il y a plein de façons de faire passer ses idées, et je pense qu’en jouant avec tous les formats disponibles, on peut faire bouger les choses. Je me rends compte que la radicalité -comme celle de mes chroniques pour Arrêt sur images-, même si elle est efficace, touche plutôt des gens qui sont déjà concernés. C’est utile, mais je trouve aussi important de créer des formes plus soft, qui parviendront à toucher un public beaucoup plus large. On a montré Embrasse-moi! dans des festivals où les gens n’avaient aucune idée de ce qu’ils allaient voir, et ça leur a plu. L’humour est une arme puissante, en faire un outil militant me semble cohérent.
C’est quoi, tes prochains projets ?
Je vais jouer à Avignon, avec Chatons violents, que je retravaille en permanence. À la rentrée, je pense que j’écrirai un nouveau film, parce que réaliser celui-ci m’en a donné envie. Et puis, j’espère que ça poussera des réalisateurs à me faire jouer, aussi, parce que j’adore ça.
Propos recueillis par Mathilde Saliou
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