C’est à Anna Broujean que l’on doit Club Sandwich, un très bel objet journalistique, littéraire et artistique, entre le magazine et le livre, dédié à la culture de l’alimentation.
Réaliser un magazine de 160 pages sur l’oeuf, ce n’est pas le genre de choses qui effraie Anna Broujean. La preuve avec ce premier numéro de Club Sandwich, un -très beau- magazine papier annuel indépendant, dédié à la culture de l’alimentation. Chaque année, cet objet journalistique, littéraire et artistique -à mi-chemin entre le magazine et le livre- s’intéressera à un aliment en particulier et “à sa représentation dans la culture et la société”.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Après avoir été diplômée de l’École nationale supérieure de la photographie (ENSP) d’Arles en 2015, Anna Broujean, qui assure la rédaction en chef du magazine, s’est passionnée pour l’édition et a souhaité “continuer à apprendre des choses”, notamment à se former “sur des domaines variés comme l’iconographie, la direction artistique et aussi des trucs moins glamour comme la propriété intellectuelle”. Fonder un magazine lui est donc apparu comme une continuité naturelle. Cette artiste multidisciplinaire de 29 ans a répondu à nos questions.
Club Sandwich, c’est quoi?
C’est un magazine papier indépendant qui s’intéresse à l’alimentation de façon théorique mais aussi créative. La revue est hybride, avec un contenu journalistique, littéraire et artistique. Chaque numéro s’intéresse à un aliment et à sa représentation dans la société et dans la culture, à travers des articles aux champs variés -de la politique à la pop culture en passant par le sport, la religion ou la sociologie-, avec des angles forts et décalés. Il y a également une partie visuelle très développée, qui mêle œuvres de l’histoire de l’art et création contemporaine.
Pourquoi ce nom?
On a trouvé le nom fin 2015, dans un café de Montréal où j’allais manger tous les midis quand j’habitais là-bas. J’ai regardé la carte, c’était au menu. Je voulais un nom qui porte l’ADN du magazine: un mélange de plein de trucs très différents qui parviennent pourtant à créer un ensemble cohérent. Ça aurait aussi pu s’appeler Pot-Pourri mais crois-le ou non, c’était déjà pris.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire un magazine sur l’alimentation?
L’alimentation est un champ d’étude fascinant parce que ça touche toutes les strates de la société. S’il y a beaucoup de magazines de qualité sur les chefs, les restaurants, les recettes, les photos de plats, j’avais l’impression que peu de publications s’intéressaient à la culture de l’alimentation. J’avais envie de rendre plus accessibles des informations théoriques et de montrer comment l’alimentation est au centre de tout. Bon, c’est peut-être une vision très française, on est vraiment obsédés par la bouffe ici.
Chaque numéro sera-t-il thématisé?
Oui, chaque numéro s’intéresse à un aliment unique. Pour le prochain, on s’attaque au champignon.
160 pages sur l’oeuf sous toutes ses coutures, c’est un sacré défi, non?
En fait, pas tellement! Quand tu commences à t’intéresser au sujet, c’est un puits sans fond, notamment parce que l’œuf est extrêmement symbolique (la naissance, la fertilité, la création). On le retrouve partout, littéralement depuis la nuit des temps puisque dans de nombreuses civilisations, on dépeint la création du monde sous la forme d’un œuf. Mais ce qui était important pour ce projet, ce n’était pas tellement de tout couvrir mais plutôt d’aborder différents champs théoriques avec des sujets forts -et parfois absurdes. C’est pour ça que, lorsqu’on s’intéresse à l’anthropologie, on préfère parler d’un rituel mexicain où l’on vous casse un œuf sur la tête pour éloigner le mauvais œil que des œufs peints pour Pâques en Roumanie. Si je m’étais écoutée, le magazine aurait fait 300 pages; Leila Boutaam, avec qui j’ai travaillé sur la ligne éditoriale, m’a beaucoup aidée à conserver en cours de route le principe même de Club Sandwich: on est une anthologie, pas une encyclopédie.
Un sujet à lire absolument dans ce premier numéro?
Il y a plus de quarante articles mais en ce contexte tendu d’élections, l’article signé par Clémence Artur sur l’egging, ce mouvement contestataire qui consiste à jeter des œufs en signe de protestation, me semble très approprié.
Où peut-on trouver Club Sandwich?
Club Sandwich est disponible sur notre site et il est maintenant distribué par KD Presse.
Propos recueillis par Julia Tissier
{"type":"Banniere-Basse"}