Avec son premier long métrage, The Fits, adoubé à Sundance, Anna Rose Holmer réalise un film puissant et intrigant.
La jeune Toni, 11 ans, s’entraîne à la boxe avec son frère. À l’étage supérieur de la salle de sport, elle découvre un groupe de danseuses, The Lionesses, et leur pratique du drill. Cette variante musclée et ultra-énergique du hip hop fascine la jeune fille, qui décide progressivement de les rejoindre. Raide et gauche au départ, Toni réussit à libérer son corps pour se fondre dans le groupe. Mais les filles de la troupe sont tour à tour frappées par des crises d’origine inconnues, qui les voient s’effondrer et convulsionner (“The fits” en anglais signifie “convulsions”). The Fits est le film indépendant à ne pas manquer en ce début d’année.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Une réflexion sur le corps et l’identité
C’est sur YouTube que la réalisatrice Anna Rose Holmer a découvert le drill, danse qui mêle la puissance des sports de combat à la fluidité des mouvements hip hop. En mettant cette discipline à l’épicentre de son film, la cinéaste a trouvé un point de départ rêvé, visuellement fascinant, pour aborder des sujets qui dépassent largement le cadre de la danse. Comment construire son identité au sein d’un groupe? Comment quitter son corps d’enfant pour devenir adulte? Ces filles de morphologies hétérogènes, dont certaines sont déjà des femmes tandis que d’autres cherchent comment le devenir, leur nombre souvent élevé à l’écran (souvent plus de quarante filles qui dansent ensemble), indiquent qu’il y a autant de manières de vivre dans un corps de femme que d’exécuter un freestyle.
Il s’agit d’un des plus beaux films sur l’adolescence féminine de ces dernières années.
Leur façon d’appréhender les mystérieuses crises dont elles sont victimes, aussi, varie: quand certaines les redoutent, d’autres les recherchent. “Le film est une réflexion sur le mouvement, sur l’hystérie de masse, sur ces maladies psychosomatiques qui touchent particulièrement les jeunes adolescentes”, explique Anna Rose Holmer. On ne peut pas s’empêcher de penser aux expériences intimes très fortes qui jalonnent l’adolescence, comme le fait d’avoir ses règles ou de faire l’amour pour la première fois. Quelle que soit l’interprétation choisie, il s’agit en tout cas d’un des plus beaux films sur l’adolescence féminine de ces dernières années, quelque part, si cet endroit existe, à la croisée entre Naissance des pieuvres de Céline Sciamma, Carrie de Brian de Palma, Rize de David LaChapelle et Billy Elliot de Stephen Daldry.
Une réalisatrice prometteuse
Avec The Fits, Anna Rose Holmer nous a tapé dans l’œil. La New-Yorkaise, qui a étudié la photographie et le cinéma, a commencé par assister des chefs opérateurs. D’où, sans aucun doute, un goût prononcé pour une photo léchée et des cadres millimétrés. Un temps productrice, Anna Rose Holmer a travaillé avec le New York City Ballet et a co-réalisé en 2010 un court-métrage documentaire baptisé A Ballet In Sneakers: Jerome Robbins and Opus Jazz. The Fits est son premier long métrage, qu’elle a co-écrit avec sa productrice et sa monteuse. “Nous sommes toutes les trois des garçons manqués et nous avons toutes grandi en ayant un rapport très fort avec nos frères respectifs. D’où l’idée d’un film qui montre la dualité entre la force et la grâce”, dit-elle. Au-delà de son propos et de ses talents de metteuse en scène, Anna Rose Holmer mérite aussi d’être saluée pour le casting qu’elle a réalisé. À l’instar de Céline Sciamma avec Bande de filles, ce sont de jeunes femmes noires qu’Anna Rose Holmern, réalisatrice blanche, a choisi de porter à l’écran. C’est assez rare pour être mentionné.
DR
Une jeune actrice à suivre
“C’est en voyant des vidéos que j’ai découvert un groupe de drill, les Q Kids, dont Royalty Hightower, qui incarne Toni, faisait partie. Dès que je l’ai rencontrée, j’ai été fascinée par sa capacité à écouter et à réagir. Tout ce qu’elle ressent, son visage l’exprime. Nous avons donc choisi de faire un film avec elle et les 45 personnes de son groupe.”
Anna Rose Holmer ne tarit pas d’éloges sur son actrice principale, et il y a de quoi. Si c’est en tant que danseuse que Royalty Hightower a été repérée, elle est déjà, à 11 ans, une actrice convaincante en devenir. Elle a d’ailleurs toujours rêvé de l’être et ne le cache pas: elle ambitionne, dans ses rêves les plus fous, d’incarner une superhéroïne dans un blockbuster. Remarquée pour sa prestation à Sundance, où The Fits a fait forte impression, Royalty Hightower a été castée pour deux prochains longs métrages actuellement en pré-production. On imagine qu’elle ne s’arrêtera pas là.
Faustine Kopiejwski
{"type":"Banniere-Basse"}