Laura Eboa Songue et Paola Audrey Ndengue, les cofondatrices du magazine Fashizblack, publient un livre, Global Africa, qui recense les 150 personnes qui font la mode africaine aujourd’hui.
À force de voir tout le temps les mêmes visages et les mêmes marques revenir dès que les médias parlaient de mode africaine, Laura Eboa Songue et Paola Audrey Ndengue, deux des fondatrices du magazine Fashizblack, ont eu envie de proposer une sorte d’annuaire premium des 150 personnalités incontournables dans le secteur. C’est ainsi qu’est né Global Africa, un livre sous forme de liste améliorée: chaque personnalité fait l’objet d’un court portrait. De la top éthiopienne à la blogueuse française en passant par quelques superstars internationales, les deux auteures ont tenté d’offrir le panorama fashion le plus vaste possible, bien qu’un peu subjectif, forcément. “Il y a parfois eu des discussions et des votes à la rédaction pour arriver à cette liste, mais on est contentes du résultat”, confie Laura Eboa Songue.
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“Il y a une visibilité globalement très faible sur ce qui se passe sur le continent africain.”
Aussi bien destiné à des lecteurs néophytes qu’aux professionnels du secteur, ce guide -“qu’on a pensé comme un coffee table book”- est aussi une volonté de faire sortir les sujets mode africaine de la niche dans lesquels ils sont parfois enfermés. “Fashizblack existe depuis 2008, et pourtant il est toujours assez difficile de faire connaître tous ces gens et ces sujets mode, regrette Laura Eboa Songue. Il y a une visibilité globalement très faible sur ce qui se passe sur le continent africain, et l’écosystème de la mode africaine est malheureusement encore très fragile, même si les choses bougent tout doucement. ” À défaut de pouvoir dresser la liste exhaustive des 150 personnalités qui figurent dans l’ouvrage, on en a sélectionné cinq, et Laura Eboa Songue nous explique pourquoi elles avaient toute leur place dans le livre.
Solange Knowles, artiste
© Itaysha Jordan
“C’était assez évident qu’elle ferait partie de notre livre, sa trajectoire est intéressante. Cette photo est celle de notre cover de Fashizblack avec elle en 2010. Elle venait de faire son big chop et avait été surmédiatisée aux États-Unis. En France, le mouvement nappy est arrivé un peu plus tard, mais on manque de figures comme Solange Knowles qui encouragent les femmes noires à se réapproprier leur culture. Bien que la construction sociale soit très différente en France et aux États-Unis, on est toujours en train de regarder là-bas, il y a beaucoup plus de célébrités noires comme Lupita Nyong’o ou Solange Knowles. Sans oublier Beyoncé, qu’on adore, mais pour d’autres raisons. Contrairement à sa sœur, Solange Knowles est une référence mode, pendant le shooting Fashizblack, elle savait parfaitement ce qu’elle voulait. C’est à cette période qu’elle a commencé à porter pas mal de wax, elle a d’ailleurs continué à travailler un moment avec les stylistes nigérianes qu’elle a rencontrées sur le shooting. C’est une personnalité que les gens aiment, elle est hyper populaire et elle est beaucoup montée depuis cette couverture de Fashizblack.”
Adama Paris, créatrice de la Fashion week de Dakar et de la Black fashion week
© Omar Viktor Diop
“Adama Paris fait partie des trop rares personnes à avoir percé dans le business en Afrique francophone. Elle a commencé comme designer puis a créé la Fashion week de Dakar il y a quatorze ans, avant de lancer la Black fashion week à Prague, Paris, Montréal, Genève et Salvador de Bahia. Elle aussi monté une chaîne de télé et produit des émissions, elle est mise en avant et médiatisée, et c’est positif qu’elle ait cette visibilité. En matière de business, il y a un grand décalage entre l’Afrique francophone et l’Afrique anglophone où il est beaucoup plus développé. Des pays comme le Nigeria et l’Afrique du sud, et dans une moindre mesure le Ghana et le Kenya, sont bien plus en avance que le reste du continent dans ce domaine.”
Tara Fela-Durotoye, fondatrice de House of Tara
© Aaoe
“Elle a fait de sa marque de cosmétiques nigériane, House of Tara, un empire. J’ai trouvé important qu’on mette ce genre de femmes dans notre liste, car elle fait partie des rares role models pour les femmes africaines. Les jeunes qui envisagent de monter un jour leur affaire pourront se dire que c’est possible grâce à des parcours comme ceux de Tara Fela-Durotoye, qui s’est lancée à Lagos, au Nigeria. House Of Tara a aussi créé des écoles qui forment des esthéticiennes, car pour créer des emplois, il faut de la main d’œuvre compétente. Tara Fela-Durotoye incarne cette fameuse Afrique anglophone, mais contrairement à l’Afrique du sud, qui est un pays plus structuré et à l’occidentale, le Nigeria ressemble au reste du continent. Lagos, c’est chaotique, il y a une démographie impressionnante; avec Paola, on est admiratives des gens qui émergent dans ce désordre (Rires.) Désordre qui nous rappelle des pays comme le Cameroun ou la Côte d’Ivoire que l’on connaît bien.”
Jourdan Dunn, mannequin
Instagram / @jourdandunn
“Jourdan Dunn sort du lot pour plusieurs raisons. Déjà, elle fait partie des rares top noirs à avoir fait la cover du British Vogue, ça reste exceptionnel de voir ce genre de couvertures parmi les magazines mainstream. Ensuite, elle a réussi l’exploit de connaître une interruption de carrière pour avoir un enfant et de remonter sur le podium après. À l’époque où elle a percé en Angleterre, il y avait très peu de mannequins noirs, aujourd’hui il y en a un peu plus. Sa longévité s’explique sans doute par sa personnalité de girl next door dont les gens se sentent proches. Elle a lancé une émission de cuisine sur YouTube, elle est active sur les réseaux sociaux, elles sont peu nombreuses à réussir à se hisser aussi haut et à obtenir une telle notoriété. En terme de représentation, elle nous rappelle que la beauté noire est diverse et ne se limite pas à des physiques très typés à la Alek Wek ou au contraire à des femmes aux traits hyper fins. Jourdan Dunn fait partie du panel, car tous les noirs ne se ressemblent pas!”
Jennifer Obayuwana, directrice exécutive de Polo Luxury
© Robin V Photography / Chime Group
“Au Nigeria, Jennifer Obayuwana est une véritable célébrité, elle est très suivie sur Instagram. Son père a monté au Nigeria et au Ghana l’entreprise Polo Luxury, qui distribue les plus grandes marques de joaillerie internationales. Ces magasins s’adressent à une clientèle hyper luxe qu’on a du mal à imaginer depuis la France. Contrairement à ce qu’on croit parfois, cette clientèle ne saute pas dans un avion pour venir faire du shopping à Paris ou New York, elle a ses propres lieux à Lagos, dont Polo Luxury. Jennifer Obayuwana a aussi un vrai profil mode, elle porte des pièces pointues et est une personne aspirationnelle. C’est ce qu’on appelle une it girl, d’ailleurs le Nigeria a une vraie culture du gossip, des réseaux sociaux et des blogs car il existe un bon écosystème de médias, de cinéma ou de musique.”
Propos recueillis par Myriam Levain
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