Laure Murat publie Ceci n’est pas une ville, une ode à Los Angeles, qui donne à voir un tout autre aspect de la mégalopole californienne, loin des clichés qui lui collent à la peau.
Évoquer Los Angeles lors d’un dîner, c’est être à peu près certain de récolter les habituels commentaires à l’emporte-pièce: “Moche”, “sans intérêt”, “impossible d’y marcher”, “bling bling”, “dangereuse”… On en passe. Anarchique, informe, travaillée par les inégalités sociales et la violence des gangs, la deuxième ville des États-Unis? “Tout cela est vrai”, admet Laure Murat, auteure de Ceci n’est pas une ville (Flammarion), une déclaration d’amour à la cité californienne. “Mais Los Angeles, ce n’est pas que ça”, ajoute-t-elle. Le L.A. bashing, et les ricanements, elle connaît: “J’y vis depuis dix ans, et je connais pas mal de Français qui veulent encore tout m’expliquer!”, constate-t-elle, mi-agacée, mi-amusée.
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Quand l’universitaire quitte la capitale française pour venir enseigner la littérature française à UCLA, à presque 40 ans, ses amis la mettent d’ailleurs en garde: la Parisienne qu’elle est ne va jamais encaisser le choc. Pourtant, à peine arrivée, elle tombe amoureuse. Ça ressemble à quoi un coup de foudre pour une ville? “J’ai aimé Los Angeles tout de suite. Littéralement. En sortant de l’avion. La douceur de l’air, la lumière suave, cette lumière d’or pâle qui encore aujourd’hui détend mon cœur dès que je sors de l’aéroport.
Les inénarrables palmiers, bien sûr. L’anonymat des boulevards, l’immensité sans bord de la ville, l’absence de monuments, l’invraisemblable réseau autoroutier, les voitures des années 50, l’hétérogénéité des quartiers, les publicités géantes…”, écrit-elle dans son livre.
“L.A. est incompréhensible. Il y a en elle une telle diversité, une telle palpitation perpétuelle, qu’elle échappe à toute prise.”
Immensité, diversité et printemps éternel
Pour un Européen, débarquer à Los Angeles, c’est s’immerger dans un espace urbain ahurissant et incompréhensible. Alors que dans des villes comme Paris, Venise ou Prague, ce sont le temps et l’histoire qui commandent, ici, c’est l’espace. Tout de suite, Laure Murat fait corps avec cet espace. Le printemps éternel de la côte ouest, évidemment, y est pour beaucoup. “Arriver ici, c’est comme entrer dans un bain à température parfaite. Le corps se détend ”, analyse-t-elle. Mais l’immensité de la ville (13 fois la taille de Paris) et son horizontalité (à part les quelques gratte-ciels de Downtown, la ville ressemble à une banlieue sans fin), agissent aussi physiquement sur elle. “C’est comme si tout à coup, il n’y avait plus de barrière. Où qu’il se pose, le regard n’est entravé par rien”, explique-t-elle.
Cette absence de barrière, mais aussi de repères, s’est avérée libératrice pour Laure Murat. “La ville décuple mes moyens et mes désirs. Cet horizon toujours ouvert me rend curieuse.” L’objet de son affection, elle a renoncé à vraiment le cerner. “L.A. est incompréhensible. Il y a en elle une telle diversité, une telle palpitation perpétuelle, qu’elle échappe à toute prise. On ne peut pas en arrêter le sens.” Qu’est-ce que Los Angeles? Est-ce vraiment une ville? Elle en doute. “D’ailleurs, je doute aussi du fait que les États-Unis soient un pays, ajoute-t-elle. L’élection de Donald Trump, comme tout le monde, m’a prise de court et m’accable. Je fais désormais partie du comité exécutif d’un mouvement de résistance à UCLA. Il s’agit en priorité de protéger les populations étudiantes fragilisées à l’université (les femmes, les musulmans, les sans-papiers, les Latinos, les Afro-Américains, les LGBTQ), d’inventer une nouvelle rhétorique, et de faire de la politique autrement. Quant au Calexit, on peut toujours en rêver, bien sûr, tant la Californie diffère objectivement du reste du pays. Mais concentrons-nous sur ce qui est, je l’espère, faisable: reconstruire la démocratie.” En attendant, on plonge avec plaisir dans son récit qui nous emmène loin, très loin, sur la West Coast.
Héloïse Rambert, à Los Angeles
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