Alors que deux jeunes mineures sont en procès pour homosexualité à Marrakech, la militante Ibtissame Betty Lachgar rappelle que le Maroc reste un pays hostile pour les couples de même sexe.
On connaîtra le 25 novembre l’issue du procès infligé à deux adolescentes marocaines surprises en train de s’embrasser au début de la semaine. Dénoncées puis arrêtées pour le seul délit d’être attirées par une personne du même sexe, alors qu’elles sont encore mineures. Le pays n’en est pas à sa première affaire de ce type, mais une fois de plus, le scandale trahit le climat de peur qui règne chez notre voisin méditerranéen. Ibtissame Betty Lachgar, co-fondatrice et porte-parole du mouvement universaliste féministe et laïque M.A.L.I. répond à nos questions.
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En 2016, au Maroc, on est encore arrêté pour homosexualité?
Au Maroc, les libertés individuelles sont étouffées, nous vivons une inquisition socio-religieuse et subissons des articles liberticides. En ce qui concerne la liberté sexuelle, l’homosexualité, comme les relations sexuelles hors mariage et/ou adultérines sont interdites. Respectivement par les articles 489, 490 et 491 du code pénal marocain, dont M.A.L.I. demande l’abrogation. De nombreux homosexuels sont encore condamnés à trois ans de prison. Les conditions d’arrestation, les interrogatoires et les conditions de détention ne se font pas sans violence et se passent dans des conditions archaïques. L’homosexualité est encore considérée comme un péché. Dans les prisons, les homosexuels se retrouvent souvent par exemple en cour de promenade avec des détenus atteints de maladie contagieuse.
Les affaires de ce genre sont-elles fréquentes?
Les personnes homosexuelles sont victimes de harcèlement, d’intimidations, de menaces et d’actes de violences homophobes. Les arrestations sont fréquentes, souvent en raison de délation comme dans l’affaire des deux jeunes mineures de Marrakech. Les homosexuel.le.s vivent leur sexualité loin des regards. Il ne faut pas oublier qu’en plus d’être une société patriarcale, la société marocaine est profondément conservatrice et la religion y est de plus en plus prépondérante au fil des années. En revanche, c’est bien la première fois qu’une affaire d’homosexualité féminine prend cette ampleur.
Penses-tu que cette législation homophobe puisse un jour être assouplie?
Dans un pays qui pratique l’homophobie d’État, la lutte pour la dépénalisation de l’homosexualité (et en faveur de la liberté sexuelle en général) est un combat de longue haleine. Pour cela, une éducation sexuelle, qui passerait nécessairement par une révolution sexuelle est nécessaire: une révolution sexuelle qui garantirait l’égalité entre les femmes et les hommes, qui lutterait contre les violences faites aux femmes et en faveur des droits sexuels et reproductifs pour tou.te.s. L’homosexualité n’est pas un choix, c’est de l’ordre de la nature. Mais pour ces femmes et hommes, l’hétérosexualité n’est pas un choix non plus, elle est une contrainte sociale. Au Maroc, les relations amoureuses et sexuelles restent un sujet tabou très sensible et sont perçues comme le mal absolu. Dans ce contexte, les mentalités ne changeront pas facilement.
Propos recueillis par Myriam Levain
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