Sophie Gravier vit à Marbella en Espagne, et elle a monté le site La Garçonne, qui permet aux lesbiennes de se rencontrer tout en sortant des stéréotypes. Rencontre.
Comment aider les femmes lesbiennes à se rencontrer? C’est pour répondre à cette question que Sophie Gravier a lancé au début de l’été en Espagne le site La Garçonne, une communauté dédiée aux femmes qui aiment les femmes. “Aux lesbiennes, bisexuelles et bicurieuses”, précise-t-elle. Cette Française de 33 ans est installée à Marbella en Andalousie depuis 2010, l’année où elle y a ouvert une galerie d’art avec son ex-compagne espagnole Maite Coloma. Spécialisées dans la vente d’encres contemporaines chinoises, les deux femmes se font vite connaître et la Poligono Gallery marche bien. Pourtant, en 2015, elles décident d’arrêter, notamment parce qu’elles en ont marre de ne fréquenter que des clients vieux, blancs et hétéros, qui ont surtout à cœur de placer leur argent pour le faire fructifier et que le couple de femmes a tendance à émoustiller.
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Sophie Gravier, qui a grandi à Paris et vécu au Mexique et en Chine, se dit depuis longtemps qu’à chaque fois qu’elle arrive dans une nouvelle ville, il lui est difficile de faire la connaissance d’autres femmes lesbiennes. Il existe bien sûr des bars, “mais ils sont toujours un peu ghetto”. Les applis? “Je trouve ça trop violent”. La Garçonne ambitionne donc de proposer aux femmes homosexuelles une façon alternative de se rencontrer: en participant à des événements qu’elles organisent elles-mêmes. Pour payer les activités, une monnaie virtuelle, les points G, a été mise en place. Le site met ensuite en relation les organisatrices avec les participantes, qui peuvent nouer contact autour d’une expo, d’un cours de cuisine ou d’une partie de pêche. “L’attraction pour une personne est toujours le résultat d’une chimie, qui opère, ou non, quand on se rencontre. Grâce à la Garçonne, les participantes savent déjà qu’elles ont un intérêt commun, puis elles voient ce que ça donne”, explique Sophie Gravier.
“Je veux sortir du cliché de la lesbienne masculine, à laquelle beaucoup de femmes ne s’identifient pas.”
Et si l’étincelle n’est pas au rendez-vous, il est aussi possible de se faire des amies, une option pas toujours évidente quand on habite en Andalousie comme elle. “À part à Madrid ou Barcelone, les lesbiennes manquent vraiment de visibilité en Espagne”, affirme-t-elle. Un constat qui est valable ailleurs, et notamment en France et au Royaume-Uni, où Sophie Gravier s’apprête à étendre son réseau. D’ici la fin de l’année, le site La Garçonne sera disponible en français. Les 2500 utilisatrices enregistrées depuis le mois de juin en Espagne encouragent la néo-startuppeuse à voir les choses en grand. Elle planche actuellement sur sa levée de fonds, qu’elle espère réaliser en 2017 pour développer son projet en Europe.
À terme, La Garçonne abritera également un site de rencontres et un e-shop de mode unisexe. “Pour tous ces projets, je fais extrêmement attention au design, malheureusement absent des sites et applis dédiés aux lesbiennes, alors que les projets gays masculins sont toujours d’un goût exquis, sourit-elle. Et surtout, je veux sortir du cliché de la lesbienne masculine, à laquelle beaucoup de femmes ne s’identifient pas.” Le développement de sa boîte sera-t-il l’occasion pour l’expatriée de revenir en France? “Non, je ne pourrai jamais renoncer au soleil et à la qualité de vie que j’ai en Espagne, un pays d’ailleurs plutôt cool pour les lesbiennes, il ne faut pas oublier qu’ici FIV et PMA sont faciles!” Interview Worldwide Cheek.
Pourquoi Marbella?
On a décidé de s’installer ici avec mon ex alors qu’on vivait en Chine. On s’est fait lâcher par notre associé chinois, il fallait qu’on parte et on s’est dit qu’on voulait du soleil. J’avais envie de retourner en Europe et on a eu une opportunité à Marbella, on a débarqué ici sans connaître personne. J’y suis toujours très heureuse, même si en ce moment je suis beaucoup à Londres, Paris et Madrid, j’ai une vie très nomade. Mais le climat andalou est incroyable, il ne fait jamais moins de 20 degrés, même en hiver, et dans le coin, Malaga est une ville qui gagne aussi à être connue.
Le truc local auquel tu as eu le plus de mal à t’habituer?
Ne pas pouvoir passer un coup de fil pro à 16h car la sieste, c’est sacré. En même temps, il fait tellement chaud que c’est salutaire. Sinon, globalement, en Andalousie, tout est lent. Tu demandes un budget, tu l’as quinze jours plus tard alors que c’est la crise! (Rires.)
Celui dont tu ne peux plus te défaire?
La lumière permanente et la chaleur des gens au quotidien. Je ne suis pas près d’entendre à Paris une caissière m’appeler “ma chérie” en me rendant ma monnaie.
Le jour où tu t’es sentie chez toi à Marbella?
Quand j’ai enfin eu mon chez-moi après deux ans à vivre dans la galerie qu’on avait aménagée en loft. On n’avait pas de budget pour un appart et on a trouvé cette idée géniale, mais en fait ça ne l’était pas du tout. (Rires.) Quand j’ai enfin eu ma petite maison de 70 m2 à cinq minutes de Marbella, j’ai senti que je m’étais vraiment installée.
Ton plat préféré?
Le gazpachuelo, une soupe de Malaga à base de pomme de terre, poisson et mayonnaise. Quand c’est bien fait, c’est délicieux.
Ce qui te manque le plus de la France?
La vie en Espagne est très similaire à la vie en France mais ce qui me manque le plus, ce sont le pain et les viennoiseries, inimitables, et les librairies françaises. Je suis une grosse lectrice donc j’ai dû me résoudre à commander sur Amazon, mais je fais le plein chez le libraire à chaque passage en France. Et l’autre truc très français qui me manque, c’est l’ironie: je dois toujours expliquer quand je fais du second degré.
Mon carnet d’adresses
Conil de La Frontera, Instagram / @mariagueracastellano
Mon boui-boui:
La Escollera, sur le port d’Estepona. La salade de poulpe y est incroyable.
Mon bar chic:
Le Trocadero Arena. C’est plus un restau qu’un bar mais c’est là que j’emmenais toujours les collectionneurs.
La visite que tu recommanderais à tous tes amis?
Sortir de la ville pour aller à Conil de La Frontera. C’est une plage de surfeurs pas du tout bétonnée, avec du sable blanc, et des rangées de cabanes, c’est magnifique. Il y a très peu d’étrangers, rien n’est écrit en anglais, il y a là-bas un tourisme très local.
Propos recueillis par Myriam Levain
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