“Celle-là, je lui contrôlerais bien son ticket de métro.” Tous les jours, les femmes sont confrontées à ce genre de petites phrases dans la rue ou les transports en commun. Quand ce n’est pas pire. Un sexisme ordinaire que les victimes peinent à dénoncer. C’est pour cette raison qu’Alma Guirao a lancé l’application HandsAway.
“Il y a quelques temps, j’ai vécu l’agression sexiste de trop”, lâche Alma Guirao sans s’étendre davantage. La jeune femme ne sait alors pas vers qui se tourner: “Je ne me sentais pas légitime pour porter plainte, et je ne me retrouvais pas non plus dans les associations de défense des femmes.” Face à cette impasse et à sa frustration, Alma Guirao a l’idée de lancer une application mobile pour venir en aide aux victimes du sexisme ordinaire et d’agressions sexuelles dans la rue et les transports en commun. C’est ainsi qu’est née l’appli Handsaway, qui sort aujourd’hui.
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Alma Guirao, qui n’en est pas à sa première entreprise numérique -il y a quelques années, elle a fondé “Dessine moi un soulier”, une plateforme de vente de chaussures sur mesure-, a commencé “par organiser des cercles de paroles avec des femmes victimes”, a “posé [s]es questions, écouté leurs difficultés et leurs attentes”, explique-t-elle. Elle fait alors ce triste constat: les femmes souffrent mais elles ne savent pas où s’exprimer, ni quoi faire après l’agression ou le harcèlement dont elles ont été la cible.
Les mots salaces susurrés à l’oreille, les sifflements ou encore les frôlements délibérés sont désormais devenus banals et rarement punis. C’est ce que confirme une étude de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), qui indique que 87 % des femmes ont déjà été victimes de harcèlement dans les transports en commun et que seulement 2% d’entre elles ont porté plainte. “Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire avec le numérique”, poursuit Alma Guirao. Après une levée de fonds et un an de travail, Handsaway est désormais disponible. On a posé 3 questions à sa fondatrice.
Comment fonctionne l’appli?
Handsaway fonctionne grâce à une communauté: les Street Angels. Ce sont des personnes inscrites sur l’application, soit au cas où elles seraient elles-mêmes agressées, soit pour soutenir celles qui le sont. Quand une personne se connecte, l’application lui demande si elle est témoin ou victime d’une agression sexiste, si cette attaque est verbale ou physique, et si elle a lieu dans la rue ou dans les transports en commun. L’application géolocalise immédiatement l’alerte et envoie une notification à tous les Street Angels qui se situent aux alentours. La victime (ou le témoin) peut décrire l’agression qu’elle vient de vivre. L’application fonctionne comme une forme d’exutoire, les personnes peuvent évacuer, expliquer ce qu’elles ressentent et les Street Angels sont là pour prêter une oreille attentive, apporter du réconfort et des conseils si besoin.
L’application Handsaway DR
La fusée de détresse du futur sera donc le portable?
Bien sûr! Les outils digitaux font désormais partie de notre quotidien. C’est le moyen privilégié par les gens pour communiquer et il est bien mieux adapté à la spontanéité qu’exige une agression. D’ailleurs, on s’est également rendu compte qu’il y avait énormément de femmes qui n’osaient plus prendre le dernier métro ou le dernier bus, de peur d’être agressées. On va intégrer à l’application une fonction de “copiétonnage”: les gens pourront se donner rendez-vous à un endroit précis et prendre les transports en commun ensemble. Je tiens également à préciser qu’HandsAway garantit l’anonymat de tous ses utilisateurs. Nous ne revendons pas non plus nos données.
100 % des Parisiennes ont déjà subi le harcèlement dans les transports. Face à cet enjeu, les institutions sont-elles sensibles aux initiatives numériques?
Oui, j’ai réussi à ouvrir quelques portes: j’ai été reçue par la mairie de Paris, le Ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes, la région Ile-de-France mais aussi par une conseillère de François Hollande. Grâce à toutes ces institutions j’ai pu élargir mon réseau auprès de grandes sociétés notamment. On va d’ailleurs développer une offre spéciale, adaptée aux problématiques des entreprises. Le but de HandsAway, c’est aussi d’établir une cartographie assez précise des agressions. Toutes ces données pourront servir à mieux identifier les endroits à risques et les agressions les plus courantes. On aimerait se rapprocher un peu plus de la police pour voir dans quelle mesure notre application peut aider leur travail. HandsAway a également été choisie pour enrichir la candidature de la Ville de Paris pour les JO 2024.
Propos recueillis par Clément Peltier
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