Colonia relate l’enfer subi par des opposants au régime du Général Pinochet en 1973, piégés dans un camp allemand au Chili. Tiré d’une histoire vraie, le film raconte aussi l’histoire de deux amants, séparés de force par la nouvelle police politique du dictateur.
Vêtue d’un tailleur propret aux couleurs d’une compagnie aérienne allemande et tirée à quatre épingles, la jeune hôtesse de l’air Lena (Emma Watson) profite d’une escale au Chili pour surprendre son amoureux, Daniel (Daniel Brühl). Nous sommes en 1973 et le photographe amateur y réside depuis quelques mois, où il crée des affiches et manifeste contre le gouvernement de Salvador Allende aux côtés d’une partie de la population. Après deux jours passés à célébrer leur amour, tout s’accélère lorsque le général Pinochet réalise un coup d’État militaire historique -qui engendrera une dictature et une répression sanglante pendant une décennie- et que les opposants au régime sont arrêtés les uns après les autres. Daniel est alors envoyé de force au sud de Santiago, dans la Colonia Dignidad, une secte dirigée d’une main de fer par un ancien nazi. Prête à tout pour sauver celui qu’elle aime, Lena s’engage alors dans ce camp religieux malgré les avertissements des anciens camarades de Daniel qui affirment que personne n’en est jamais ressorti.
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Emma Watson dans la peau d’une femme forte et engagée
Le rôle de Lena est celui d’une femme déterminée et progressiste, aux antipodes des rôles de nunuches que l’on continue trop souvent d’offrir aux femmes sur grand écran. Ses yeux comme unique arme de défense, elle a pour habitude de planter son regard plein de défiance dans celui des tortionnaires de la colonie. Si 1973 marque un tournant dans la vie politique chilienne, c’est aussi une époque charnière pour l’avancée des droits des femmes. Les années 70 voient en effet naître de nombreux mouvements féministes en France et en Allemagne, revendiquant notamment le droit à l’avortement. Pas étonnant, donc, de voir Emma Watson camper une militante, puisque la comédienne est elle-même connue pour son engagement féministe: son discours sur l’égalité hommes-femmes prononcé à l’ONU en 2014 restera dans l’histoire. La ténacité du personnage de Lena -abordant chaque obstacle comme un pas de plus vers sa liberté et celle de celui qu’elle aime- fait inévitablement écho aux convictions qui animent Emma Watson en dehors du grand écran.
© Majestic / Ricardo Vaz Palma
Pour une fois, le sauveur est une femme
Lorsque Lena vole au secours de son homme, on ne peut s’empêcher de penser à toutes les histoires de princesses enfermées dans un donjon, attendant que leur prince vienne les délivrer, qui ont bercé notre enfance. Sauf que cette fois, Lena inverse les rôles en partant secourir Daniel. Avec son attirail de parfaite petite religieuse et ses “God bless you” mielleux mais efficaces, elle pénètre facilement le camp malgré une entrevue sous haute tension avec Paul Schäfer, le nazi rebaptisé “Saint-Père”, joué par Michael Nyqvist. Durant des semaines, elle va endurer tous les labeurs qui lui sont assignés, de l’arrachage du maïs en plein soleil à l’épluchage des pommes de terres la nuit, le tout en se pliant aux règles imposées par la colonie. Les hommes et les femmes étant séparés, Daniel et Lena ne peuvent pas se croiser mais cette dernière n’hésite pas à prendre tous les risques pour qu’il sache qu’elle vit au sein du camp et qu’elle s’y trouve dans l’unique but de le secourir. Surnommée “la futée” par le Saint-Père, elle va sans cesse puiser dans ses ressources mentales et physiques pour parvenir à ses fins.
© Majestic / Ricardo Vaz Palma
Une puissante histoire d’amour
Avec sa dimension de témoignage historique, Colonia est avant tout une histoire d’amour. La puissance des sentiments partagés par Lena et Daniel reste l’unique espoir qui les empêche de sombrer dans la démence. Lena matérialise d’ailleurs cet amour en dissimulant une photo d’eux deux à l’intérieur de la croix qu’elle porte autour du cou. Au fil des épreuves, on voit leur romance évoluer, et passer d’une idylle post-adolescente à un lien solide et mature, fortifié par l’épreuve. Leur traversée de l’enfer est aussi une entrée dans l’âge adulte qui se fait dans la douleur, mais dont ils sortent transformés. L’amour plus fort que tout? Ce n’est pas toujours le cas dans la vie, mais ça fait toujours plaisir de le voir au cinéma.
Clémence Drouet
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