Dans L’Olivier, la réalisatrice espagnole Icíar Bollaín raconte le combat de la jeune Alma pour ramener sur ses terres espagnoles l’olivier millénaire qui l’a vue grandir.
Avec ses cheveux rasés sur les côtés et sa moto, Alma, l’héroïne du film L‘Olivier, ne ressemble pas aux autres jeunes femmes, et son père ne se prive pas de le lui rappeler dès qu’ils se disputent. En même temps, cette vingtenaire espagnole mène une vie plutôt atypique dans la propriété agricole familiale où elle a grandi et dont elle continue de s’occuper à l’âge adulte, aux côtés de ses parents, oncles et tantes, et surtout en compagnie de son grand-père Yayo, de loin son préféré dans la famille. Le paysan l’a en partie élevée et lui a transmis son amour charnel pour la nature, et plus particulièrement pour un gigantesque olivier vieux de 2000 ans, qu’il a toujours affectionné plus que les autres mais que ses enfants ont un jour vendu pour faire tourner leur affaire. Depuis, Yayo dépérit et s’enferme dans le silence et la maladie. Pour repousser sa mort qu’elle sent imminente, Alma décide de rapatrier l’arbre si cher à son aïeul, devenu l’emblème d’une multinationale en Allemagne. Sa route vers l’olivier est avant tout un chemin vers l’âge adulte, qu’Alma va devoir se résoudre à affronter.
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La nature, vraie héroïne du film
En nous racontant l’histoire de cet olivier, la réalisatrice Icíar Bollaín et le scénariste Paul Laverty décrivent avec justesse un retour à la nature perceptible chez les jeunes générations, quel que soit leur pays. “Les plus grands écolos sont les enfants, sourit Icíar Bollaín. Tous les enfants du monde ont une relation assez spontanée aux plantes et aux animaux. Ils perdent ce contact en grandissant, mais pas Alma, qui, elle, vit toujours en pleine nature.” Les paysages du film rendent d’ailleurs hommage à la région du Baix Maestrat où il a été tourné, et les scènes de l’oliveraie nous transportent en pleine méditerranée. “L’olivier est l’arbre emblématique de la Méditerranée, il est présent dans tous les pays de la région, rappelle la réalisatrice. Il est aussi un symbole de paix rendu célèbre par Picasso.” Dans sa quête digne de David contre Goliath, Alma parcourt l’Europe et traverse les frontières comme on traverse des jardins, rappel sûrement pas inutile, en cet été de Brexit, de ce que l’Union européenne a changé dans nos vies. Cette liberté de circuler est aussi symbolisée par le personnage d’une Espagnole installée en Allemagne, qui passe d’une langue à l’autre aussi naturellement que la plupart des membres de la génération Erasmus.
La réalisatrice Icíar Bollaín et la comédienne Anna Castillo © EOne Films Spain
La jeunesse espagnole entre pessimisme et espoir
Le personnage d’Alma, interprété par la comédienne Anna Castillo, porte à la fois l’énergie et la colère de la jeunesse Podemos que toute l’Europe suit de près ces dernières années. Pas encartée dans un parti, et militant seulement contre l’hypocrisie d’une entreprise qui, pour vanter les mérites de l’énergie, n’a aucun scrupule à déraciner un arbre, Alma mène avec idéalisme -et naïveté?- un combat qui lui semble juste. Pour organiser son action, les premiers réflexes s’appellent Facebook, Skype et la télévision. En cela, Alma est une digital native comme les autres, qui sait se servir des outils numériques et les mettre au service de sa cause. Comme ses compatriotes, qui désertent massivement l’Espagne faute de travail, elle part à la découverte de l’Europe pour trouver des réponses à son futur, qu’elle sent étriqué et anachronique dans la propriété familiale. Et comme beaucoup de femmes de sa génération, elle n’a pas comme unique obsession de trouver l’amour, même s’il est sans doute tout près d’elle. “Je trouvais intéressant de ne pas mettre en scène une histoire d’amour, explique Icíar Bollaín. Il y a une vision stéréotypée de la jeunesse, et particulièrement des femmes, qui seraient toujours à la recherche de leur ‘moitié’. Mais pour ça, il faut de la stabilité et de la maturité, Alma a d’autres choses à faire avant. Elle a envie de tomber amoureuse, mais ce n’est pas encore le moment pour elle.”
© EOne Films Spain
Un film sur la transmission
La véritable histoire d’amour qui structure le film, est celle qui unit Alma à son grand-père Yayo qu’elle sent partir doucement. Toute jeune adulte encore bloquée dans son enfance, l’héroïne ne se résout pas à la perte de ce repère familial, dont elle lie la destinée à celle de l’olivier de son jardin. Rares à l’écran, les relations entre la jeune et la vieille génération sont pourtant symptomatiques d’une époque où les liens familiaux se resserrent, crise oblige. “En Espagne, nombreux sont ceux qui sont retournés vivre chez leurs parents, en emmenant leurs enfants, souligne Icíar Bollaín. Vivre à plusieurs générations sous le même toit est encore assez courant, la famille reste un pilier très puissant.” Le duo grand-père/petite-fille symbolise le passage d’une époque à une autre ainsi que les valeurs qui survivent au temps grâce à la transmission des plus âgés vers les plus jeunes. Quand Yayo dit à Alma que son olivier était là bien avant eux et qu’il le sera aussi bien après, il nous rappelle que l’homme n’est pas grand-chose face à la nature. Une évidence ancestrale qui résonne pourtant de façon particulièrement contemporaine.
Myriam Levain
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