La photographe Cam Linh Huynh a voulu transformer ses courts week-ends en Europe en longue excursion à l’autre bout du monde. Il y a quelques mois, les poches pleines de pellicules, elle a décidé de partir seule à l’aventure en Amérique du Sud.
Cam Linh Huynh est lomographe et accro aux voyages. Responsable de formation service technique à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, elle ne se contente pas de regarder le va-et-vient constant des avions sur son lieu de travail, elle y monte aussi le plus souvent possible. Le voyage est une passion qui fait partie d’elle depuis longtemps déjà: de l’Asie à l’Irlande en passant par les États-Unis où réside une partie de sa famille, la jeune femme de 34 ans a toujours saisi les occasions de prendre un vol. Fin 2010, pour Noël, elle se rend en Turquie pour rejoindre un couple d’amis en plein tour du monde à vélo. C’est l’élément déclencheur: elle comprend qu’elle aussi veut voyager sur le long terme. La décision mûrit petit à petit -pas si simple de se libérer des contraintes du monde professionnel- mais elle finit par se lancer et pose un congé sans solde auprès de son employeur.
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Le projet? Trois mois en Amérique du Sud avec son sac à dos et ses appareils photos Lomo et autres argentiques. Au programme: découverte de nouvelles cultures, stop, volontariat et étude d’une nouvelle langue, l’espagnol. “Ma philosophie de voyage? ‘Ichigo ichie’. C’est un proverbe japonais qui signifie ‘Un instant, une rencontre’. Si je rencontre quelqu’un, je dois tirer profit de ce moment et de l’état d’esprit dans lequel se trouve cette personne, car je ne la reverrai peut-être jamais.” Ces mots forment également le titre de l’album d’un artiste japonais rencontré lors d’un voyage antérieur et devenu un ami. Elle se les a tatoués derrière l’oreille.
“À l’étranger, les liens se créent rapidement, une rencontre au coin de la rue peut vite se prolonger en repas.”
Pour Cam Linh Huynh, partir seule, “c’est la liberté, c’est ne pas faire de compromis” et, d’après elle, cela facilite la rencontre avec les locaux. Alors, pour le logement, elle alterne entre auberges de jeunesse et petit coin de canapé chez l’habitant, des vallées du nord de l’Argentine au lac Titicaca au Pérou en passant par le Salar d’Uyuni, ces célèbres étendues de sel situées sur les hauts plateaux du sud-ouest de la Bolivie. “À l’étranger, les liens se créent rapidement, une rencontre au coin de la rue ou dans un café peut vite se prolonger en repas et nuitée autour d’un feu de camp.”
La Paz, Bolivie © Cam Linh Huynh
En chemin, elle rencontre beaucoup de monde et se voit confier une guitare qui voyage de main en main dans un esprit de partage et de paix: un couple d’Allemands qui en possédait deux a décidé d’en faire voyager une. Parti d’Europe, l’instrument est passé par l’Afrique quand il arrive chez un volontaire, Naz, que Cam Linh Huynh rencontre alors qu’elle effectue de l’écovolontariat chez une famille d’Indiens Coyas près d’Humahuaca, dans le nord de l’Argentine. À son tour, elle embarque la guitare. Et l’immortalise au Lomo pour illustrer son périple, qu’elle raconte aussi par écrit. Si tout ne se passe pas toujours comme elle l’avait imaginé lorsqu’elle atteint une nouvelle étape, il en est de même quand elle capture son voyage sur ses pellicules. Le Lomo offre peu d’options de réglages, il faut s’adapter à lui comme on s’adapte à un lieu, une culture ou une cuisine. À l’impression, la photo est souvent bien différente de ce que Cam Linh Huyn avait en tête, un peu comme toute cette aventure sud-américaine. Maintenant qu’elle est de retour à Paris, elle nous raconte tout dans une interview “globe-trotteuse”.
Plutôt voyage en solo ou départ groupé?
En solo, c’est la liberté. En fait, on n’est jamais vraiment seul et on a le choix. Tout est possible, même rencontrer une guitare qui voyage, la preuve!
Un objet symbolique de ton périple?
La guitare voyageuse, je l’ai beaucoup personnifiée, c’est ma pote de voyage et moi, je suis ses jambes. J’ai aussi un petit Ganesh qui me suit en voyage, c’est le dieu bon vivant et bienveillant chez les hindouistes, il protège des obstacles.
Plutôt touriste ou aventurière?
Aventurière! Il faut sortir de sa zone de confort, se laisser porter et errer au détour des rues. Ça permet d’éviter que tout soit cadré par des guides, même s’il y a des endroits qu’il faut absolument visiter. Quand je suis allée au Népal, j’ai prévu mon trek dans l’avion, à l’arrache.
Uyuni, Bolivie © Cam Linh Huynh
Le moment où tu as flippé?
J’ai eu généralement beaucoup de chance en voyage, mais j’ai vécu un moment un peu dangereux dans le Transsibérien quand un Russe éméché m’a coursée. Heureusement que j’avais sympathisé avec d’autres mecs dans le train, c’est eux qui m’ont défendue quand il ne me lâchait pas.
Plutôt Couchsurfing ou hôtel 4 étoiles?
Je ne suis jamais passée par l’intermédiaire du site Couchsurfing. Ça demande trop d’organisation pour quelqu’un qui voyage à l’arrache comme moi. Et pour une femme, c’est un peu flippant. Je préfère les auberges de jeunesse ou encore mieux, dormir chez l’habitant, ce que je fais avec des gens que je rencontre en chair et en os.
Une rencontre insolite?
Des copines de Malaisie rencontrées au Japon m’ont présentée leur amie Azura. Elle vivait à Kuala Lumpur et il s’est avéré qu’elle était l’ancienne binôme de travaux pratiques de mon frère lorsqu’il était en école d’ingénieur. Incroyable! J’ai failli m’étouffer quand on a fait le lien.
Soirée feu de camp ou nuit sur le dancefloor?
Soirée feu de camp, avec une guitare. Pour moi, c’est facile de tisser des liens avec des inconnus. Un voyageur m’a dit un jour en citant Paul Morand: “Voyager, c’est être infidèle. Soyez-le sans remords; oubliez vos amis avec des inconnus.” Mais je suis très contente de partager à nouveau des barbecues avec mes amis!
Propos recueillis par Clémence Drouet
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