À l’occasion de la Sosh Freestyle Cup qui a eu lieu sur la plage Borély à Marseille du 21 au 26 juin dernier, Cheek Magazine a rencontré des sportives françaises qui ont fait de la glisse leur spécialité. Aujourd’hui, Anne-Flore Marxer, snowboardeuse de 32 ans.
“Féministe? Ah ça, ça me plaît!” Voilà ce que répond Anne-Flore Marxer lorsqu’on lui présente Cheek Magazine. Née à Lausanne d’une mère française et d’un père liechtensteinois, la snowboardeuse de 32 ans, championne du monde de free-ride en 2011, a grandi entre l’Autriche et la Haute-Savoie. “Avant de savoir marcher, j’étais déjà en train de glisser”, dit-elle en préambule. Avec des parents passionnés de ski, “la montagne, la descente ont toujours fait partie de [s]a vie”.
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Aujourd’hui, cette trentenaire est l’une des meilleures free-rideuses du monde et elle partage sa vie entre Lausanne et Hossegor: “L’hiver, je suis surtout dans ma valise, je fais toutes les compétitions de free-ride et l’été, je surfe.” C’est à l’adolescence, “vers 14, 15 ans”, qu’Anne-Flore Marxer est “passée du ski au snow”. Elle a exercé “plein de disciplines” différentes, comme le free-style, le back country et enfin, le free-ride qui, précise-t-elle, lui a “ouvert la porte de la montagne et permis d’acquérir des connaissances techniques”. C’est avec le free-ride qu’elle remporte très vite sa première compétition. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la descente n’est pas le moment préféré d’Anne-Flore Marxer: “J’aime monter en rando, aller trouver des faces lointaines et difficiles d’approche, la montée est une découverte de mon sport et le côté aventure est plus fort que le bref moment où l’on descend.” Sous le soleil de Marseille, on a posé quelques questions à celle qui “refuse d’imaginer une fin à [s]on plaisir sportif”.
Anne-Flore Marxer à la Sosh Freestyle Cup à Marseille – Instagram/annefloremarxer
La première fois que tu es montée sur un snow?
Je devais avoir 14 ans, j’étais avec une copine, j’étais très curieuse et après avoir fait beaucoup de ski, j’avais envie de tester le snow. Je me suis acharnée toute la journée et à la fin, je faisais n’importe quelle piste. Le snowboard est un sport mais aussi l’occasion de voyager un peu partout dans le monde, de trouver de nouvelles montagnes. Il y a un côté aventurier qui m’a toujours plu: je me souviens qu’ado, je faisais du stop pour aller à tous les évènements, je dansais toute la nuit après les compétitions et je trouvais toujours quelqu’un qui avait un canapé sur lequel je pouvais dormir! (Rires.) Je m’arrangeais toujours pour être de retour en cours le lundi matin.
Ton premier grand exploit?
Dans ma vie de tous les jours, je me fixe toujours de nouveaux challenges. Je ne poursuis jamais un objectif fou, trop lointain, mais par contre, j’essaie tous les jours de m’améliorer et de repousser mes limites sportives.
Le meilleur moment que tu as passé sur un snow?
Le plus beau voyage que j’ai fait jusqu’à présent, c’est au Groenland, en bateau à voile au milieu des icebergs, avec des paysages totalement dingues. Quand on descend en snow et qu’on a une vue plongeante sur la mer et le bateau qui nous attend en bas, c’est quelque chose qu’on n’oublie jamais.
Le plus bel endroit pour faire du snow?
L’Autriche! C’est un endroit qui est très chouette car il y a de super grandes stations, des pistes intéressantes et d’autres plus familiales. C’est très typique de ce que l’on peut imaginer quand on pense à la montagne. Et ce qui est vraiment génial, c’est l’après-ski: tout le monde se retrouve dans les bars à la fin de la journée, c’est un moment très convivial, très festif, les gens finissent souvent par danser sur les tables!
Être une femme dans le milieu du sport de haut niveau t’a aidée ou au contraire desservie?
Le sport est un milieu très sexiste donc ce n’est jamais facile pour les femmes de se faire une place. S’il y a bien un truc que je regrette dans ma carrière, c’est d’avoir passé mon temps à me justifier d’être une femme. Ça a finalement été un moteur. Il y a encore quelques années, il y avait des compétitions de snow où les femmes n’avaient pas le droit de participer ou bien des compét’ où le mec gagnait un voyage à Hawaï et la nana, un t-shirt! Je me bats pour offrir de meilleures opportunités aux femmes qui arrivent, c’est ma plus grande fierté. J’ai participé au fait d’imposer la mixité dans les compétitions dans mon sport; c’est passé par des pétitions, des gros coups de gueule dans la presse et aussi par le fait d’être présente aux meetings importants pour apporter un point de vue féminin.
“Un mec est toujours présenté pour ses qualités sportives alors que les femmes sont toujours ramenées à ce à quoi elles ressemblent.”
En tant que femme, as-tu l’impression de devoir bosser davantage pour être reconnue dans ce milieu?
Le snowboard est un sport où les budgets sont tenus par des hommes, les évènements aussi sont organisés par des hommes et tous les sportifs et les sportives dépendent du budget marketing et communication. Quand on sait que 40% des skieurs et des snowboardeurs sont des femmes, on ne peut que constater avec regret que ce n’est pas 40% du budget qui est réinjecté de leur côté. Pour que le sport féminin avance, il faut des soutiens financiers, il faut y mettre les moyens.
Tu te vois souvent affublée des adjectifs “jolie” ou “belle” dans la presse, ça t’agace?
Un mec est toujours présenté pour ses qualités sportives alors que les femmes, elles, sont toujours ramenées à ce à quoi elles ressemblent. On n’est pas mises en valeur pour ce que l’on représente au niveau sportif. Avec la sportive “jolie”, on oublie de dire ce qu’elle représente par rapport au sport et ce n’est clairement pas une bonne chose. Je suis sportive, et je veux être reconnue en tant que telle. Si les médias pouvaient mettre ça davantage en avant, ce serait bien. C’est très français d’ailleurs car, avec la presse internationale, ça ne se passe pas comme ça.
Le plus mauvais moment de ta carrière?
J’avais 25 ans, je faisais hiver sur hiver, et à un moment donné, je ne savais plus pourquoi j’étais là. J’avais perdu l’amour pour ma plus grande passion, c’était vraiment triste. J’ai compris qu’il fallait que je fasse un break, j’ai pris un été pour la première fois et j’ai découvert le surf. Je suis repassée par toutes les étapes de l’apprentissage, j’ai relevé un nouveau challenge sportif, et le fait que ce soit difficile m’a redonné cette rage de vaincre que j’avais perdue. Chaque étape franchie est alors d’autant plus valorisante. C’est de cette façon que j’ai rechargé les batteries: à la fin, j’avais envie de retrouver la neige et ma planche! Aujourd’hui, je conserve cet équilibre entre la montage et la mer, le snow et le surf.
Si tu ne devais citer qu’une seule sportive, ce serait?
Billie Jean King, une tenniswoman des années 60. À l’époque, seuls les hommes participaient aux Grands Chelems, les femmes ne pouvaient concourir qu’en catégorie amateurs. Elles se sont alors regroupées et elles ont dit qu’elles ne joueraient plus tant qu’elles ne seraient pas récompensées. Elle est passée professionnelle dans les années 70. Dans la foulée, elle a accepté un match contre Bobby Riggs, un macho qui critiquait beaucoup le tennis féminin, et elle l’a battu à plates coutures: ce fut le plus grand match de tennis de tous les temps! C’est grâce à ça que les tenniswomen ont été reconnues à leur juste valeur par la suite. Billy Jean King a d’ailleurs créé une association, la Women Sports Foundation, qui récolte entre autres des fonds pour le sport féminin.
Tu te vois où dans 10 ans?
Je n’ai jamais été capable de me projeter aussi loin que ça! Mon sport dépend des conditions météo, j’ai donc cette faculté à m’adapter et je suis incapable de planifier quoi que ce soit.
Tu te souhaites quoi pour demain?
Cet hiver, je me suis éclatée en compét’, ce qui n’est pas le cas habituellement: j’ai réussi à sortir du côté rébarbatif du sport et j’ai abordé chaque compétition comme si ce n’était qu’un run pour tester mes limites. Ça s’est traduit en résultats puisque j’ai gagné plein de fois! Je me souhaite de rester dans cet état d’esprit-là l’hiver prochain.
Propos recueillis par Julia Tissier (à Marseille)
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