Les éditions Cornelius viennent de rééditer en version française Ghost World, la plus belle bande dessinée de Daniel Clowes qui est devenue culte pour des générations d’ados. Portrait de son héroïne, Enid Coleslaw.
Ceux et celles qui ont lu Ghost World se souviennent tous probablement du choc vécu. Que ce soit à sa sortie, en 1997, dans Eightball, le magazine de son auteur Daniel Clowes, ou suite au film éponyme de Terry Zwigoff en 2001 (avec une très jeune Scarlett Johansson au générique), cette bande dessinée a marqué l’histoire de l’underground américain. Peuplée de freaks et sublimée par la ligne claire de Clowes, Ghost World dessine l’histoire d’une Amérique étrange, hantée par des démons et traversée par deux héroïnes anti-cool: Rebecca, la blonde mélancolique, et Enid, la brune aux lunettes carrées.
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Ghost World est devenue culte pour des générations d’adolescent(e)s qui se reconnaissaient dans l’angoisse existentielle de ce dernier été à zoner chez ses parents. Avec son masque de Catwoman acheté dans un sex-shop et son mal-être chronique, l’héroïne de Ghost World, Enid Coleslaw (un anagramme de de Daniel Clowes), est restée particulièrement iconique. À l’occasion de la republication en France de la bande dessinée (aux éditions Cornelius), on vous explique pourquoi Enid Coleslaw est la plus grande anti-héroïne de la BD américaine.
Parce qu’elle déteste tout le monde
Enid et Rebecca viennent de passer leur bac, et elles s’ennuient à mourir dans leur ville de province. Alors elles passent leurs journées dans des dîners à repérer les figures les plus étranges de la ville et à passer en revue les pires défauts de leurs camarades de classe, des “losers d’école d’art” qui passent leurs journées à écouter Sonic Youth, aux premiers de la classe qui tentent d’impressionner leurs congénères avec leurs opinions politiques bidons. Ghost World est un enchaînement de répliques assassines et hilarantes qui reflètent parfaitement une certaine misanthropie adolescente. Les seules personnes qui trouvent grâce aux yeux d’Enid sont les freaks: un couple de satanistes dont elle observe les moindres mouvements et un homme seul qui lui achète des disques pendant une brocante. Mais quand Enid et Rebecca organisent un rendez-vous galant avec un cinquantenaire paumé qui a passé une petite annonce dans le journal, la solitude des autres personnages se retourne contre elles et expose un malaise commun.
Parce qu’elle a inventé le look hispter
Il suffit d’une recherche sur Tumblr ou Pinterest pour se rendre compte que le look d’Enid a inspiré des générations d’ados. Cheveux courts et lunettes carrées, coloration verte et blouson en cuir, masque de Catwoman et mini-robe à carreaux… Enid traverse tous les changements de looks typiques de la sortie de l’adolescence. Avec style.
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Parce qu’elle parle de sexe comme personne
Daniel Clowes dresse aussi un portrait de la sexualité adolescente et de la compétition insidieuse entre Rebecca et Enid. Le soir au téléphone, les deux filles parlent de leur crush commun, Josh, qu’elles font semblant de mépriser, de leurs fantasmes sur leurs anciens profs, de masturbation et comparent leur lose sentimentale. Enid touche au plus près l’angoisse de ne pas être comme les autres et de rater sa sexualité.
Parce qu’elle a peur de vieillir
Sous ses airs de comédie pleine de punchlines sur deux ados moqueuses, Ghost World est surtout un superbe roman d’apprentissage sur le départ du domicile familial. Enid se cherche alors qu’elle s’apprête à quitter sa ville, sa meilleure amie et à enterrer son enfance. En cinq cases, Daniel Clowes montre le moment où Enid retrouve le disque qu’elle se passait en boucle dans son enfance. Recroquevillée, le 45 tours dans les bras, elle vit ce moment rituel de passage à l’âge adulte.
Avec Ghost World, Daniel Clowes a compris comme personne un moment très précis de déchirement juste avant la reconstruction.
Parce qu’elle vit une amitié fusionnelle
Toutes les adolescentes au monde ont probablement pu se reconnaître dans l’amitié à la fois fusionnelle et un peu tordue qui unit les deux héroïnes de Ghost World. Les rivalités amoureuses qui se vivent de manière sourde, les heures passées à parler au téléphone… Et surtout, l’idée de se séparer pour partir à l’université et de laisser la relation se déliter. Enid est obsédée par l’idée de rentrer dans le rang, d’oublier qui elle est. Avec Ghost World, Daniel Clowes a compris comme personne un moment très précis de déchirement juste avant la reconstruction. C’est assez pour devenir culte.
Pauline Le Gall
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