La ritournelle est toujours la même. Lorsqu’une personne est victime de violences conjugales, de harcèlement sexuel, d’agression sexuelle ou de viol, les réactions de l’entourage se ressemblent. Si elle n’a pas porté plainte, on lui demande: “Pourquoi n’as-tu pas quitté le conjoint violent?”, “Pourquoi n’as-tu rien dit pendant des mois ou des années?”, “Pourquoi n’as-tu pas porté plainte?”, etc. Si elle a quitté le domicile conjugal et/ou dénoncé son agresseur, on lui reproche souvent d’avoir attendu pour agir. Pis, parfois elle est aussi accusée de manipulation, de mensonges, de diffamation. Que les agresseurs soient célèbres ou pas, ce processus s’enclenche irrémédiablement. Mais, les scandales mettant en cause des personnalités publiques en disent long sur le sort des victimes présumées et l’impunité de certains agresseurs.
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C’est le scandale qui fascine la presse people cette semaine. Les accusations, en plein divorce, de violences conjugales d’Amber Heard contre son époux Johnny Depp. À l’annonce de leur séparation, certains articles ont insisté sur la courte durée du mariage et sur la potentielle avidité de la jeune épouse, qui viserait une pension alimentaire astronomique -le très courant stéréotype de la “femme vénale”.
Comment dénoncer un conjoint violent, lorsqu’il s’agit à l’extérieur de l’univers familial, d’un être affable et apprécié?
Avec les accusations de violences, l’affrontement médiatique ne fait que commencer. D’un côté, l’ex-épouse, la fille de l’acteur parlent d’un homme “doux” et “aimant”. De l’autre, les témoignages d’Amber Heard “qui craint pour sa vie”, de ses proches et du voisinage. Dans ce cas précis, que les accusations soient ou non prouvées, l’affaire pourrait être transposée dans l’anonymat. Comment dénoncer un conjoint violent, lorsqu’il s’agit à l’extérieur de l’univers familial, d’un être affable et apprécié? Ces difficultés pour briser l’emprise de l’agresseur et la loi du silence sont toujours sous-estimées. Et les victimes sont culpabilisées. Une remarque: ce n’est pas la première fois qu’un acteur est mis en cause pour des violences conjugales. Charlie Sheen, Sean Penn, Chris Brown sont déjà passés par là. Leur carrière n’en a (presque) pas pâti. Au contraire, ils ont été qualifiés par la presse de “bad boys”, comme si c’était une qualité. Idem pour les accusations de viols, qui n’ont, par exemple, jamais entravé la carrière de Woody Allen.
Les accusations se suivent et se ressemblent pour Denis Baupin. S’il a dû démissionner de la vice-présidence de l’Assemblée nationale récemment, il est toujours député. Et pourtant, les témoignages dont de nombreux à visage découvert sont accablants. Des femmes politiques ou des collaboratrices décrivent harcèlement et agressions sexuelles répétées. La défense de l’homme politique et de ses proches? Personne ne savait et tout le monde s’en étonne. Pourtant, la réputation de l’homme politique était connue, notamment chez les journalistes politiques, qui ont dénoncé certains de ses agissements dans une tribune politique il y a maintenant un an.
Que les accusations soient nombreuses, répétées et étalées dans le temps, cela n’y change rien. Certaines personnalités jouissent d’une impunité, de Bill Cosby, qui a récemment reconnu avoir drogué et violé des mineures, à Arnold Schwarzenegger longtemps accusé de harcèlement sexuel, ou dans une moindre mesure, Michel Sapin, qui découvre que claquer la culotte d’une journaliste n’est pas un geste acceptable. Les affaires se succèdent. Et pourtant, les victimes présumées sont toujours remises en question. Quant aux présumés agresseurs, ils ne manquent pas de défenseurs acharnés.
Si la société portait un autre regard sur ces crimes et ces accusations, les victimes n’auraient probablement ni honte, ni peur de dénoncer. Les questions que l’on devrait collectivement se poser ne sont pas “Pourquoi n’a-t-elle rien dit?”, “Pourquoi n’est-elle pas partie?”, “Pourquoi a-t-elle attendu aussi longtemps pour parler ou porter plainte?”, mais plutôt “Pourquoi n’avons-nous rien dit?”, “Pourquoi n’avons-nous rien fait?”, “Pourquoi n’avons-nous rien vu?”.
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