S’il y a bien une vérité que le Saint-Esprit apprend rapidement à ses petites ouailles métisses, c’est que l’identité sera une problématique récurrente tout au long de leur existence. Lieu commun à appuyer: la construction identitaire se fait en grande partie dans la représentation et l’identification. Manque de bol, s’identifier comme métisse est un processus pénible. C’est l’absence de modèle représentatif. C’est se confronter au refus de la complexité, au déni d’identité corrélé par la supériorité d’une “race” sur toutes les autres. S’identifier comme métisse est un processus long. C’est passer de la colère face au refus insidieusement raciste de reconnaître votre métissage au sourire tranquille de l’accord avec soi-même. C’est aimer ses cheveux frisés et revêches. C’est adorer sa peau alternant entre caramel et panda syphilitique au gré des saisons. C’est “fangirler” sur ses taches de rousseur. Or, gaiement fouler le beau chemin de l’acceptation identitaire ne peut se faire sans représentation positive (sur les ravages de la non-représentation/représentation négative, allez donc jeter un coup d’œil sur l’édifiant test de “la poupée noire”).
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Malheureusement, la représentation positive n’a pas exactement fait de la France sa résidence principale. C’est donc grâce à la magie des Internets que j’ai fini par tomber sur Mixed Girl Problems, “communauté” melting-pot de quelques 24 000 abonnés Twitter. Grâce à ce compte, j’ai découvert des filles à la fois comme moi et si différentes, des filles qui ont partagé mes soucis et m’ont permis de réfléchir sur d’autres, des filles d’un humour irradiant qui jamais ne se laissaient aller à la bêtise de choisir un camp. J’ai découvert que je n’avais jamais été -et ne serai jamais plus- seule. J’ai donc sauté le pas et contacté Donnis, sainte administratrice de la bulle Mixed Girl Problems. Sur Instagram et Tumblr, elle poste les photos que ses followeuses lui envoient afin de promouvoir toute la diversité du métissage, et consacre certaines journées à une ethnie particulière. Sur Snapchat, elle répond aux questions –même les plus stupides– par des vidéos pédagogiques et piquantes. Et sur Twitter, elle diffuse mèmes mordants et sentences sarcastiques sur les difficultés auxquelles font face ces “mixies” (de l’avantage du métissage: pouvoir légitimement en foutre plein la gueule à tous les camps). Entretien.
Salut, ô toi grande prêtresse des comptes Mixed Girl Problems. Peux-tu te présenter?
Salut à tous! Je m’appelle Donnis et je vis en ce moment à Atlanta, dans l’État de Géorgie. Ma mère vient des Bermudes, elle est d’origine caribéenne et irlandaise. Mon père vient de New York, comme moi. Il est afro-américain, amérindien et cubain. Ça m’a donné un sacré mélange.
Pourquoi as-tu créé Mixed Girl Problems? Quelles ont été tes premières motivations? Quel est le but de ta démarche?
Je n’ai pas créé Mixed Girl Problems. La fondatrice originelle m’a contactée ainsi que d’autres followers pour savoir si nous voulions reprendre le bébé. J’étais ravie qu’elle me propose, vu que je suivais la page Twitter depuis des années. J’étais honorée qu’elle me donne cette confiance et cette opportunité; après tout, je ne l’avais jamais rencontrée, je n’ai même jamais vu son visage. Elle a toujours voulu rester anonyme. Mon but? Nous rendre plus conscients et attentifs quant au métissage. Que nous puissions rire de nous-mêmes également… Bref, tous ces éléments composant le processus d’acceptation. Je veux créer une chose à laquelle nous pouvons nous rattacher en tant que métisse, en tant qu’être multiculturel. Pas quelque chose que seule une parcelle de ma personne peut appréhender.
Si je peux me permettre, d’où viens-tu? Comment c’était de grandir en tant que métisse?
Originellement, je suis de Long Island, New York, mais j’ai grandi en partie en Virginie. C’est toujours difficile à expliquer, mais je n’ai pas grandi “comme une métisse”, je n’étais pas identifiée comme telle par mon environnement scolaire. Mes camarades m’ont toujours poussée à choisir un camp. J’ai rencontré des enfants qui me disaient: “Dis juste que tu es noire!” Les autres rétorquaient: “Mais tu as la peau tellement claire, il y a forcément du blanc quelque part.” Quand ils finissaient par comprendre que j’étais les deux, très peu m’acceptaient ainsi. J’étais très timide; par exemple, devoir choisir un camp à la cantine entre les enfants noirs et les enfants blancs me causait des crises d’anxiété. D’autres camarades se moquaient de mes taches de rousseur, ou de mes cheveux. Je suis bien contente d’avoir grandi! (Rires.)
Quel conseil donnerais-tu à des individus non métisses lorsqu’ils veulent approcher un métisse sur cette question?
Ça ne devrait pas être la première interrogation, pour être honnête. Je sais que la curiosité est grande, mais certaines personnes sont vraiment refroidies par la question. Certaines personnes ne sont pas gênées, mais c’est généralement trop tard quand tu la poses à la mauvaise personne. Si vous pensez qu’une personne est métisse mais que vous n’arrivez pas à déterminer son métissage, et alors? Keep moving. Personne ne veut être traité comme une créature exotique dans un zoo. Toutes ces questions sur le métissage peuvent être vues comme fatigantes, voire avec un arrière-goût de racisme larvé presque à chaque fois.
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