Trois militantes écologistes, jugées ce mercredi 11 septembre pour avoir décroché des portraits de Macron, se confient sur les raisons de leur combat pour le climat et pour l’égalité.
Pour avoir décroché le portrait présidentiel, en février dernier, Pauline Boyer, Marion Esnault et Emma Chevallier risquent jusqu’à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. Les trois jeunes militantes écologistes ont participé aux premières actions “Décrochons Macron” lancées par le mouvement Action Non Violente-COP21 afin de dénoncer “l’inaction climatique et sociale du gouvernement français”.
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Elles ont comparu avec cinq autres personnes, mercredi 11 septembre, devant la 16ème chambre correctionnelle à Paris. Le procureur a requis 1000 euros d’amende, dont 500 euros avec sursis, envers chaque prévenu·e. En attendant le délibéré du 16 octobre, les trois jeunes femmes ont accepté de nous raconter les raisons de leur engagement et leur parcours de militantes qui conjugue pour chacune d’entre elles écologie et féminisme.
Pauline Boyer, 36 ans, coordinatrice à Alternatiba
“J’ai participé à l’une des premières actions de décrochage de portraits, le 21 février, à la mairie du Vème arrondissement de Paris. Nous étions une dizaine de participant·e·s. Les vigiles nous ont contrôlé·e·s à l’entrée. Nous sommes allé·e·s décrocher le portrait en prenant la pose pour une photo et nous sommes ressorti·e·s. C’était aussi simple que ça! Cela fait quatre ans que je suis engagée chez Alternatiba. Avant, j’étais pharmacienne et je fabriquais des médicaments qui permettent de détecter les cancers. Je n’étais pas satisfaite de mon travail. Le système de l’industrie pharmaceutique ne me convenait pas. J’ai tout quitté pour m’engager avec Alternatiba.
“Je suis militante pour le climat mais aussi militante pour les droits humains et ceux des femmes.”
En octobre 2015, je suis aussi entrée à l’ANV-COP 21. En novembre, juste avant la COP 21 qui se tenait à Paris, nous avons réquisitionné des chaises dans des banques pour dénoncer l’évasion fiscale et le manque de moyens pour la lutte contre le réchauffement climatique. En tout, nous avons récupéré 196 chaises! En avril 2016, j’ai aussi participé au blocage du sommet de Pau organisé par l’industrie pétrolière. Comme le décrochage de portraits de Macron, qui n’est pas à la hauteur des enjeux climatiques, le but de ces actions de désobéissance civile est de bouleverser les consciences et de dénoncer des choses que nous ne devons plus accepter. Je suis militante pour le climat mais aussi militante pour les droits humains et ceux des femmes. Pour moi, ce sont les membres du même système qui alimentent le réchauffement climatique et la domination entre les hommes et les femmes.”
Marion Esnault, 30 ans, photojournaliste
“J’ai participé à deux actions de décrochage le 28 février, l’une à la mairie du IIIème et l’autre à la mairie du IVème arrondissement de Paris. Dans la mairie du IIIème, les agents de sécurité se sont rendu compte que quelque chose se tramait. Il y a eu un petit moment de tension au moment où ils nous ont empêché de sortir. Mais les médiateurs, qui sont présents à chacune de nos actions, ont tout mis en place pour que le cadre non-violent soit respecté.
“L’exploitation jusqu’à la moëlle des énergies fossiles est comparable à l’épuisement des femmes qui sont inconsidérées dans leurs tâches ménagères ou dans le soin qu’elles portent aux enfants.”
Il y a quelques années, je travaillais dans l’organisation d’événements culturels. Des compétences qui m’ont été utiles quand j’ai intégré Alternatiba il y a cinq ans. Dorénavant, je veux que ma vie professionnelle participe à tout mettre en oeuvre pour freiner l’urgence climatique. Dans un mois, je pars vivre au Chili. En ce moment, je travaille sur un projet de photojournalisme baptisé Humans and climate change stories, qui a pour ambition de documenter l’impact du changement climatique sur douze familles pendant dix ans. Tous les trois ans, je vais me rendre dans une famille d’agriculteurs au Pérou, au-dessus de Cuzco. Je pense qu’il est important de donner un visage humain à la lutte contre le changement climatique. La majorité des gens, y compris nos responsables politiques, ne se rendent pas compte qu’il s’agit de sauver les êtres humains et non pas la planète. La planète, elle nous survivra et se portera sûrement mieux sans nous!
Les luttes féministes sont un miroir des luttes écologistes. L’exploitation jusqu’à la moëlle des énergies fossiles est comparable à l’épuisement des femmes qui sont inconsidérées dans leurs tâches ménagères ou dans le soin qu’elles portent aux enfants. Je m’inspire de ce que des militantes comme Starhawk ont pu dire et faire (Ndlr: écrivaine et militante éco féministe américaine). La chance c’est qu’au sein de l’ANV-COP 21, nous laissons la parole aux femmes et elles sont mises sur le devant de la scène.”
Emma Chevallier, 31 ans, autrice-compositrice-interprète
“Je suis d’origine antillaise. Je viens de Grenade, une île des Caraïbes peu connue qui était une colonie britannique. Quand j’étais petite, je prenais mon masque et mon tuba et je voyais des coraux magnifiques avec des poissons de toutes les couleurs ! Aujourd’hui, les coraux sont tout blancs… Cela me fait souffrir de voir ça. Pour moi, c’est inconcevable de se dire que nous ne pourrons pas revenir en arrière…
“Le patriarcat est à l’origine de l’idée de domination qui préside aussi dans le colonialisme et contre l’environnement.”
Dès que que l’on part en action, nous savons que que nous prenons le risque d’être arrêté·e·s. Nous avons été confronté·e·s à une répression assez forte et des moyens démesurés ont été déployés. J’ai été convoquée à la Sûreté territoriale deux semaines après le décrochage et j’ai fait 10 heures de garde à vue. Sans compter que le BLAT ( Ndlr: bureau de la lutte antiterroriste) a été saisi. Malgré cette répression, nous ne sommes pas intimidé·e·s. Fin février, il y avait 17 portraits décrochés, aujourd’hui, nous en sommes à 128. Cela ne nous fait clairement pas peur! Nous allons transformer ces procès en procès de l’inaction de Macron face au climat. Il se donne l’image d’un leader du climat alors qu’il ne fait pas grand-chose. Nous voulons mettre la lumière là-dessus. Le patriarcat est à l’origine de l’idée de domination qui préside aussi dans le colonialisme et contre l’environnement. La prédation envers les ressources, la biodiversité et envers certaines populations ont la même source. Pour moi, écologie et féminisme ont un lien évident.”
Propos recueillis par Juliette Marie
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