Paloma Colombe est une artiste engagée, qui sera à l’affiche du premier festival du Bureau d’Accueil et d’Accompagnement des Migrants (BAAM) ce week-end à Aubervilliers.
Il fallait bien choisir un titre donc on s’est inspirées de l’actu de Paloma Colombe, qui mixera samedi 7 septembre au premier festival du Bureau d’Accueil et d’Accompagnement des Migrants (BAAM). Mais la jeune femme de 29 ans se définit comme une artiste multicasquettes, aussi bien réalisatrice de documentaires que DJ ou artiste sonore. Et son engagement est lui aussi multiple, ou plutôt intersectionnel: pour Paloma Colombe, il va de soi que la lutte antiraciste se conjugue à la lutte antisexiste et à la préservation de notre environnement.
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Emblématique de sa génération, ou du moins de sa frange militante, cette Franco-algérienne a tout de suite accepté de participer bénévolement au festival BAAM qui se tiendra aux Docks de Paris et dont les bénéfices seront reversés à l’association afin de financer les besoins matériels pour l’accompagnement juridique des exilés, les cours de français, les mises à l’abri d’urgence ou l’organisation de futures actions. “J’ai beaucoup d’admiration pour ce que fait Manon Ahanda et j’aime l’idée que ce soit une femme qui ait monté cette association”, explique Paloma Colombe, qui fait partie des rares noms féminins d’un line up prestigieux où figurent notamment Nekfeu, Oxmo Puccino ou encore Youssoupha. Interview express.
Pourquoi est-ce important pour toi de participer à ce festival?
Ce combat-là est essentiel à mes yeux, depuis longtemps. À 18 ans déjà, j’étais bénévole pour La Cimade, soutenir les réfugiés est une cause qui m’est chère. J’aime beaucoup la démarche du BAAM et de Manon Ahanda, qui nous rappelle que les migrants ont des noms. Je trouve son discours très juste et je suis contente qu’elle obtienne de la visibilité grâce à ce festival. En tant qu’artiste, donner un coup de main à ce genre d’initiatives, ce n’est pas grand chose et c’est ce que je peux faire. Donc évidemment, je le fais.
“Je ne vois pas comment on peut vivre à notre époque et être détaché·e de ce qui se passe dans le monde.”
Dirais-tu que tu es une artiste engagée?
Oui, en tant qu’artiste mais en tant que simple auditrice aussi. Quand j’écoute de la musique, j’ai envie que les textes portent des valeurs, sinon je m’ennuie vite. En fait, je ne vois pas comment on peut vivre à notre époque et être détaché·e de ce qui se passe dans le monde. Il faut faire quelque chose face à ces challenges et ces difficultés qui s’accumulent. Je crois qu’on peut toutes et tous agir, et sensibiliser, c’est déjà agir.
Y a-t-il une cause qui t’est plus chère que d’autres?
Elles sont toutes liées à mes yeux. Plus j’avance sur ce chemin, plus je me rends compte à quel point la colonisation et la condition des femmes sont des systèmes d’oppression qui se rejoignent dans un système patriarcal. Ces derniers temps, je me passionne pour l’écoféminisme qui est à la croisée de tous ces combats. La société est fondamentalement violente, pour asservir, on a besoin de diviser et je trouve que l’écoféminisme répond à tout ça.
© Emna Jaidane
Tu n’es pas seulement plurielle dans tes engagements, tu l’es aussi concernant les supports sur lesquels tu choisis de travailler…
Oui, je me suis toujours sentie oppressée à l’idée de me cantonner à une seule discipline, et mélanger les médiums, ça me parle. Dans mon podcast féministe Ecoute-la, je mélange le documentaire et la musique. C’est à l’image de mon parcours puisque j’ai commencé par faire des études dans le docu, puis à bosser dans une boîte de production avant de me mettre à mixer. Lors de mon année d’échange à San Francisco, j’ai traîné avec plein de DJ, c’est comme ça que j’ai découvert ce monde et que j’ai décidé de me lancer à mon retour. Je n’y avais jamais pensé avant. Je puise dans mes racines algériennes pour proposer de la panafrican electro, où les inspirations viennent aussi bien du Maghreb que du Brésil ou de l’Afrique subsaharienne.
Quels sont les liens qui t’unissent à l’Algérie?
Je suis née d’un père français et d’une mère algérienne et j’ai mis du temps avant d’aller là-bas pour la première fois. C’était il y a une dizaine d’années, je voyageais avec ma mère, qui n’y était pas retournée depuis 35 ans. On est parties toutes les deux à Alger en bateau depuis Marseille, et une fois sur place, on a retrouvé l’appartement où elle avait vécu, abandonné depuis, et qui était donc resté en l’état. C’était un voyage assez dingue, je suis tombée amoureuse de l’Algérie où je vais maintenant très souvent, ma mère est retombée amoureuse de son pays, et on a le projet d’y emmener ma grand-mère. Aujourd’hui, j’y passe beaucoup de temps, j’y ai des amis, j’ai mixé l’année dernière au festival Phonetics.
“Je crois en la sororité.”
Pour en revenir au festival BAAM, es-tu surprise de voir aussi peu de femmes dans le line up?
Malheureusement non. Je sais très bien comment ça se passe, on contacte ceux qu’on connaît, qui à leur tour contactent leur potes. À la fois par flemme et par manque de créativité, on se retrouve avec des line ups presque exclusivement masculins. Et en plus, je me retrouve tout en bas de la liste, sous des projets très récents alors que je fais ça depuis des années.
Comment féminiser le milieu de la musique, qui reste très sexiste?
Il faut arrêter de faire au plus simple en faisant toujours travailler les potes, sortir des sentiers battus, se renseigner, car des femmes, il y en a plein. Il faut avoir de l’audace et ne pas considérer que booker un homme est une évidence, et que booker une femme est risqué. C’est lent, mais ça commence à changer, grâce à des femmes qui mettent en avant d’autres femmes. Je crois en la sororité, et d’ailleurs, je me suis promis que sur le tournage du film que je prépare en ce moment, l’équipe serait entièrement féminine.
Propos recueillis par Myriam Levain
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