Livia Vilaplana est la cofondatrice de HappySkills, une société de formation née de sa passion pour le théâtre.
Quand elle évoque sa première vie professionnelle, Livia Vilaplana avoue ressentir un grand soulagement de l’avoir quittée. Cette ancienne avocate du milieu des affaires, devenue entrepreneure l’année dernière, avait en effet coché toutes les cases de la parfaite étudiante en droit devenue membre des barreaux de Paris et de New York, puis juriste chez un gros courtier en assurance américain de la Défense.
Toutes ces années, elle n’avait pourtant jamais perdu de vue sa passion de toujours pour le théâtre, et avait commencé à étudier la psychanalyse en suivant deux diplômes universitaires. Un beau jour de novembre 2017, elle a trouvé comment concilier ses trajectoires professionnelle et personnelle en sortant d’un déjeuner avec celui qui allait devenir son associé, Jonathan Azuelos. Ils sont alors inscrits au même cours de théâtre depuis des années et ont tous les deux envie de changement: ils consultent une de leur connaissance qui fait du coaching via le théâtre et ont instantanément l’idée de se lancer à leur tour. “J’ai compris à ce déjeuner qu’il y avait l’afectio societatis, indispensable pour monter une boîte, explique la jeune femme qui n’a visiblement pas tout oublié du jargon de juriste. L’afectio societatis, c’est la volonté de s’associer avec quelqu’un pour créer une société, c’est un élément aussi central que la rédaction des statuts quand on lance une start-up.”
En quelques mois, ils négocient tous les deux un départ de leurs jobs respectifs et leur prof de théâtre Blue Belhomme rejoint l’équipe: le trio fondateur de HappySkills est né. Interview express.
HappySkills, c’est quoi?
C’est une société de formation et de conseil pour les entreprises et les écoles, spécialisée dans le développement des compétences relationnelles et managériales. Notre spécificité, c’est qu’on utilise les techniques d’improvisation théâtrale et la boîte à outils des comédiens pour travailler sur la voix, la gestuelle, la posture, pour faire prendre conscience du corps et de tout ce que l’on dégage. On a mis au point plusieurs formations, dont une que je veux particulièrement développer et qui concerne les relations hommes-femmes au travail. Elle est destinée autant aux salariés masculins que féminins, car l’objectif est de faire découvrir les biais inconscients qu’on reproduit tous et toutes, et qui pénalisent insidieusement les femmes dans la vie en entreprise. Je suis partie de mon expérience, car j’ai moi-même vécu souvent ce moment où on fait un tour de table et on présente les collaborateurs masculins par leur nom et prénom, et moi seulement par mon prénom. Ou encore ces rendez-vous où le client s’adresse à mon collègue homme, même plus junior que moi, parce que dans sa tête, c’est forcément lui le chef. C’est très important que les hommes aussi prennent conscience de ces réflexes pour que, collectivement, on puisse s’en débarrasser. Je suis surprise de constater que beaucoup d’hommes considèrent encore qu’ils n’ont pas besoin de ce type de formation, il y a encore une vraie réticence à aller vers ces sujets, même après la vague #MeToo.
“Il y a un côté artistique dans l’entrepreneuriat.”
Le jour où tu t’es lancée?
Ça faisait longtemps que j’avais envie de monter ma boîte pour gagner en indépendance. Le déclic est venu le jour où mon boss, avec qui j’avais une relation privilégiée, est parti. Je me suis dit que c’était le moment de quitter ce milieu des affaires dans lequel je n’avais plus envie d’évoluer, surtout que je n’avais jamais cessé de penser au théâtre -mais je m’étais détournée de mon désir par convention. Et puis, après avoir démarré ma carrière en libéral, mes quelques années en entreprise m’ont confrontée à son côté infantilisant, trop scolaire et politique pour moi. Je voulais en sortir, et après ce fameux déjeuner, j’avais trouvé comment.
Le conseil que tu donnerais à quelqu’un qui veut se lancer?
Avoir une idée qui nous plaît authentiquement et qui nous anime profondément. C’est ce qui permet de se lancer, de sacrifier ses week-ends et son confort: il y a un côté artistique dans l’entrepreneuriat. C’est important de bien se connaître pour savoir ce qui est plus important entre l’autonomie et la liberté d’un côté, et la sécurité de l’autre.
Tu te vois où dans trois ans?
Je voudrais qu’on soit devenus une référence dans le champ de la formation, notamment sur la question des relations hommes-femmes. Et j’espère que dans trois ans, on aura complété notre offre actuelle par une offre digitale avec des mooks et de la formation en ligne continue.
Propos recueillis par Myriam Levain