Nos bandes dessinées préférées du moment, à lire avant la rentrée.
Qu’est-ce qui vous tente cet été? Peu importe votre réponse, on a ce qu’il vous faut. Que vous ayez envie de ne pas manquer une miette de la Coupe du monde féminine de football (Saison des roses), d’une histoire d’amour au soleil (Le silence des étoiles; Pour l’amour de Dieu, Marie!), d’envoyer balader l’injonction pesante du beach body (Cher Corps) ou de visiter New York comme vous ne l’aviez jamais envisagée (Les Entrailles de New York), notre sélection BD vous promet un programme aussi passionnant que varié. On embarque!
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Cher corps, de Léa Bordier (éditions Delcourt)
Ça raconte quoi: Cher corps est l’adaptation en bande dessinée de la chaîne YouTube de Léa Bordier dans laquelle elle donne la paroles à des femmes qui racontent leur rapport à leur corps. Chaque histoire est illustrée par une artiste différente (Mirion Malle, Marie Boiseau, Lucile Gomez…).
Pourquoi on la lit: Cher corps est une vraie mine d’or à mettre entre les mains de toutes les femmes. Elle permettra à chacune de trouver un témoignage pour l’aider à se sentir moins seule. Léa Bordier a pris soin de sélectionner des histoires très différentes qui traitent avec beaucoup d’empathie aussi bien d’anorexie que de racisme, de non-binarité, de validisme, de grossophobie, de viol… Certains témoignages sont particulièrement émouvants comme celui de Sophie, victime du Bataclan, illustré par Karensac ou celui d’Emma, victime de viol, dessiné avec beaucoup de sensbilité par Mirion Malle. On en sort avec l’impression que, même si toutes les femmes semblent avoir un problème avec leurs corps, ce sentiment n’a rien d’une fatalité.
Les Entrailles de New York, de Julia Wertz (L’Agrume)
Ça raconte quoi: Une visite guidée de New York comme vous ne l’avez jamais vue racontée par le biais de ses figures oubliées, de ses façades changeantes, de ses sous-sols, de son métro, de son architecture et de ses librairies.
Pourquoi on la lit: On connaissait Julia Wertz en reine de l’autobiographie trash et sans concessions. Par le passé, elle a raconté son addiction à l’alcool, son enfance, son rapport au sexe. Dans Les Entrailles de New York, elle utilise son immense talent de conteuse attentive au moindre détail pour proposer un anti-guide touristique génial de la fascinante ville américaine. La dessinatrice y a elle-même vécu plusieurs années avant d’être expulsée de son appartement, poussée dehors par la gentrification et l’augmentation des loyers. Son regard sur la métropole est à la fois nostalgique et lucide. Elle y raconte notamment l’histoire des femmes qui ont marqué la ville (la journaliste Nelly Bly; Madame Restell, qui pratiquait des avortements…) et elle s’attarde sur tout ce qui semble trivial et qui est pourtant passionnant comme l’histoire des food trucks ou le plan de l’ancien appartement de Judy Garland. Au-delà des superbes planches en noir et blanc pleines de détails, elle dresse aussi une réflexion précieuse sur l’histoire du capitalisme, de l’industrialisation et sur l’inévitable gentrification des grandes villes occidentales.
Le Silence des étoiles, de Sanäa K (éditions Marabulles)
Ça raconte quoi: Alors qu’elle s’était promis de ne jamais tomber amoureuse, Sanäa se lance à corps perdu dans une relation avec Ismaël. Du jour au lendemain, ce dernier coupe les ponts sans la moindre explication. Une longue période de reconstruction commence pour la jeune femme.
Pourquoi on la lit: Sanäa K est devenue une star chez les millennials, d’abord par le biais de son blog, puis de son compte Instagram qui compte plus de 135 000 abonné·e·s. L’illustratrice cultive un certain mystère: elle refuse les interviews, ne montre jamais ses peintures, refuse de dévoiler son nom… Pourtant, dans Le Silence des étoiles elle raconte en son nom et à la première personne une rupture amoureuse particulièrement douloureuse. Au-delà de cette histoire d’amour et d’amitié entre jeunes parisiennes, ce qui séduit dans Le Silence des étoiles reste son talent d’illustratrice qui transparaît de chaque page, avec de grandes planches contemplatives et poétiques, où elle aime s’attarder sur les petits détails du quotidien. Des ruptures à la remise en question des boulots alimentaires qu’elle hésite à accepter, Sanäa K capture parfaitement les problèmes de la génération qui l’adore.
Pour l’amour de Dieu, Marie!, de Jade Sarson (éditions Cambourakis)
Ça raconte quoi: La jeune Marie grandit dans une famille catholique pratiquante dans les années 60. Pansexuelle, elle croit profondément au pouvoir du sexe et de la liberté. En grandissant, elle va essayer de réconcilier son éducation et sa personnalité…
Pourquoi on la lit: Jade Sarson dresse le portrait émouvant et drôle d’une femme qui cherche à tout prix à aimer son prochain, malgré les injonctions conservatrices de sa famille et de son éducation. Sa bande dessinée est découpée en fonction des partenaires dont Marie tombe amoureuse, mais le récit est bel et bien centré sur elle et sur sa personnalité solaire et attachante. Sarson réussit notamment à dresser un portrait très inhabituel de la maternité et d’une relation mère/fille complexe et loin des clichés. Son trait, virtuose, est particulièrement beau sur les scènes de sexe, qui donnent toujours la priorité au désir et au plaisir féminin. Un female gaze particulièrement bien venu.
*Traduit de l’anglais par Géraldine Chognard
Maléfiques, de Nine Antico (L’Association)
Ça raconte quoi: Maléfiques est une collection de strips racontant les conversations quotidiennes d’une poignée de femmes autour de sujets qui vont du porno à la grossesse en passant par Woody Allen, la charge mentale ou la sorcellerie…
Pourquoi on la lit: Nine Antico est l’une des autrices de BD les plus passionnantes de ces dernières années. Avec Maléfiques, dont les premières planches sont d’abord parues sur l’application La Matinale du Monde, elle explore le genre du strip. Des courtes BD d’une page qui lui permettent d’exploiter pleinement son génial sens de la repartie et son humour corrosif. Maléfiques enchaîne des réflexions partagées par une poignée de femmes, dessinées avec du poil aux jambes et les seins à l’air, à huis clos dans leur salon. Elles se moquent d’un fait de société (de Woody Allen aux faits divers du moment), arrosent leurs plantes avec le sang de leurs cups, regardent des films porno et réfléchissent à l’évolution de leur corps. Le résultat est un condensé parfait de préoccupations féminines et féministes avec juste ce qu’il faut d’ironie et de mauvais esprit pour nous les faire voir sous un nouvel angle.
Saison des roses, de Chloé Wary (éditions Flblb)
Ça raconte quoi: L’équipe de foot féminine des Roses de Rosigny est soudée et motivée. Malgré leur détermination, la directrice du club décide de leur retirer la possibilité de participer au championnat pour favoriser l’équipe masculine. Les jeunes filles vont alors tout faire pour prendre la place qu’elles méritent.
Pourquoi on la lit: Si vous aimez le foot, Saison des roses va vous émerveiller et les dessins au feutre de Chloé Wary vont vous faire vivre comme si vous y étiez le rythme haletant des matchs. Chaque case est infusée de l’amour de la jeune illustratrice de 23 ans pour ce sport qu’elle a elle-même pratiqué. Si vous n’aimez pas le foot: achetez-la quand même! La passion de la capitaine d’équipe Barbara permet à Chloé Wary de tisser un récit très émouvant sur l’adolescence, les premières histoires d’amour, le désir, les kebabs de la victoire avec les copines, la vie en banlieue parisienne… La force de Saison des roses réside dans son merveilleux message de sororité et d’empowerment. La rage des footballeuses d’être reconnues comme les égales de leurs homologues masculins transparaît dans chaque case. En fermant la dernière page, on n’a qu’une envie: se poser devant la coupe du monde féminine de football, qui commence le 7 juin.
Pauline Le Gall
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