Championnats de kart, flyers, recours à des agences de com, affichage… l’Eglise tente de dépoussiérer son image pour recruter ou se financer. Florilège.
« Je suis un homme parmi d’autres. J’ai entendu et répondu à l’appel du Christ. J’aime la vie. Je suis prêtre! » Timothée, cheveux au vent, veste négligemment jetée sur l’épaule. Cool attitude et… col romain. La campagne de communication lancée hier jusqu’au 5 mai est pour le moins offensive.
Encarts publicitaires dans Le Pèlerin, Le Monde et Le Figaro, brochure expliquant le métier de prêtre, « Cart-Com », distribuées dans des cafés, restaurants, et cinémas. « Jesus is my boss » dit le badge du futur prêtre. Sacrément tendance tout ça. Sans compter un groupe Facebook et un site Internet, etpourquoipasmoi.org. Décidément, l’Eglise vient de prendre un coup de jeune.
[attachment id=298]Le but, susciter des vocations et enrayer la pénurie des prêtres. « On voulait interroger, interloquer le public, explique Frédéric Fonfroide de Lafon, le directeur de Bayard service, filiale de Bayard spécialisée dans l’accompagnement des communautés chrétiennes qui a élaboré le projet. Faire comprendre aux gens aussi que le prêtre n’est pas quelqu’un dans un autre monde, mais que c’est un homme qui vit dans son époque. Et pour l’instant les retours sont très positifs. C’est fait avec beaucoup d’humour. Du coup, tout le monde en parle. » Coût de cette campagne de « revalorisation » : entre 200 000 et 250 000 euros.
« Faire de la pub pour l’Eglise, c’est très difficile car on ne vend ni un produit ni une marque mais une proposition. » D’autant que cette initiative tombe mal. En plein scandales pédophiles. « La campagne était programmée avant l’effervescence médiatique autour des prêtres pédophiles. »
Seul bémol, hier, France 3 se lançait à la recherche du séduisant Père Timothée, censé officier dans le diocèse de Langres. En vain. La boîte de com confesse l’embauche de mannequins pour la publicité. « Quand on voit une pub avec un banquier qui chante à la télé, on sait très bien que le gars n’est pas banquier, là c’est pareil. »
Le denier du cult(issime)
Une campagne nationale, c’est une première. Mais face à l’érosion des dons due au vieillissement des fidèles, certains diocèses débordent d’inventivité pour frapper fort les esprits (saints). Et visiblement, là aussi, audace et second degré ne font pas partie des péchés.
En mars dernier, le diocèse de Nancy se payait une campagne pour le moins dans l’air du temps. Le slogan : « En 2010, Jesus Crise. Donnez, que diable! » Tout ça en 4×3 dans les rues de la ville.
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A la même période, le diocèse de Rennes lançait une série d’affiches flashy. Sauf qu’elles disait, « L’Eglise est riche » avec un astérisque qui ménage le suspense : « de sens, d’amour, de bénévolat, d’espérance… Mais elle a besoin de vous. » Utiliser les codes de la consommation pour parler de l’Eglise, sacrilège ? Pour toucher les jeunes, elle ne lésine pas sur les moyens en tout cas : 650 000 euros pour financer cette campagne réalisée par l’agence Euro-RSCG.
Flyers et championnat de kart
La « Padre cup », ça ne vous dit rien ? Voilà comment l’événement est décrit sur son site : « Ils sont jeunes. Bac plus huit minimum. Ils sont célibataires. Ils sont pros. Ils n’ont peur de rien. Surtout pas que le Ciel leur tombe sur la tête… Ils avaient trouvé leur voie, ils ont aujourd’hui choisi une piste ! »
Il s’agit en fait d’une course de karting réservée aux prêtres et organisée depuis trois ans à Trappes. On a voulu « une initiative décalée pour montrer que dans l’Eglise, il n’y a pas que des négationnistes et des pédophiles ! » plaisante le Père Pierre Amar, co-organisateur de l’événement.
Un projet soutenu par la Conférence des Evêques de France. Et par les paroissiens. « Il a juste fallu bien expliquer qu’il ne s’agissait pas seulement d’une private joke entre prêtres, qu’il y avait aussi une dimension caritative. » Chaque tour de piste rapporte de l’argent qui sera reversé à trois associations.
« Et comme l’Eglise n’est pas très douée pour la communication, on fait appel à des pros pour nous coacher ! » Une boîte de com classique pour le coup. Mais certaines agences ont fait de la communication religieuse leur spécialité. Via Magnignificat à Perpignan, Exode 3 basée à Laval ou encore BD consultant à Grenoble. « Aujourd’hui, on ne peut pas faire abstraction de supports pro. »
Tout en noir et col romain au cou, le Père Amar brandit une série de « flyers » qu’il a lui-même fait réaliser. L’un annonce « Catéchisme pour les nuls ». Un autre incite les étudiants à « prendre de la hauteur » et à venir discuter autour d’un « apéritif dinatoire topo débat ». « Une paroisse, c’est une petite boîte. » Et pour compléter la panoplie, le prêtre tient aussi un blog ultramoderne (padreblog.fr) avec trois autres jeunes collègues.
Moyenne d’âge des « soixante-dix prêtres qui ont le volant aussi facile que l’encensoir » : 37 ans. Des prêtres qui manient le second degré. Un peu too much? « Je suis prêtre, ok, lance Pierre Amar. Mais je ne me prends pas au sérieux. Je suis un homme. » La semaine dernière, il est allé voir Green Zone au cinéma avec des jeunes de la paroisse. « Ce qu’ils veulent savoir, c’est si je suis bien dans mes pompes, si je vis normalement, et surtout si je partage les joies et les soucis de ce monde. Prêtre, what else ? » Conclut-il. Peut-être le prochain slogan de l’Eglise.