Ce jeudi 31 janvier, Envoyé Spécial sur France 2 diffuse un reportage sur la GPA en France. L’émission d’Élise Lucet plonge dans un monde souterrain et illégal, celui des Françaises qui proposent sur Internet de porter l’enfant d’un couple qui ne peut en avoir. On vous donne trois bonnes raisons de regarder cette enquête.
Alors qu’une révision des lois de bioéthique, plusieurs fois reportée, est attendue à l’été prochain, le recours à une mère porteuse continue à diviser la société française. D’un côté, les pouvoirs publics réaffirment l’interdiction de la gestation pour autrui (GPA), en raison du risque de “marchandisation du corps humain”. Elle est passible de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. Sa légalisation n’est pas au programme du futur débat à l’Assemblée nationale. De l’autre côté, l’opinion française semble glisser doucement vers plus de souplesse au sujet des mères porteuses. Un sondage BVA pour L’Obs affirmait en mars dernier que 55% des Français se disent d’accord avec la GPA. Ces derniers temps, le cas de jumelles nées d’une mère porteuse à l’étranger et bataillant pour la reconnaissance de leur identité a défrayé la chronique.
Mais qu’en est-il des mères porteuses françaises? “Quand on a tout essayé pour avoir un enfant, quel que soit le moyen, on y va.” Marie et Jérôme, parents d’un fils, étaient prêts à tout pour avoir un second enfant, quitte à rentrer dans l’illégalité. Après l’ablation de l’utérus de Marie et face aux méandres administratifs de l’adoption, pour laquelle ils ne sont pas prioritaires, le couple s’est tourné vers la GPA. Sur Internet, ils sont entrés en contact avec une Française prête à porter leur bébé. Le projet a finalement échoué à cause de problèmes de santé de la mère porteuse. C’est sur ce témoignage que s’ouvre l’enquête d’Envoyé Spécial consacrée à la GPA en France, diffusée ce jeudi 31 janvier et intitulée Bébé sur Internet: le marché clandestin. On vous donne trois bonnes raisons de regarder ce reportage signé Matthieu Boisseau, Emmanuel Bach, Rémi Bonnefoy et Benoît Sauvage.
Pour découvrir un univers sous les radars médiatique et politique
Envoyé Spécial nous met face à une réalité méconnue: bien qu’illégal, il existe en France un marché pour les mères porteuses. En l’échange de plusieurs milliers d’euros, en moyenne 20 000 euros selon les journalistes, des Françaises offrent de porter l’enfant de couples hétérosexuels ou homosexuels qui ne peuvent en avoir. Comment expliquer le silence autour de cette pratique? “On n’a aucune idée de l’ampleur de ce phénomène en terme de chiffres, précise le réalisateur Matthieu Boisseau. Il n’y a aucune donnée officielle, mais je pense que ça reste des cas rares.”
Clandestine, la GPA en France reste forcément confidentielle: “Les gens qui s’engagent dans des parcours comme celui-ci informent très peu de personnes autour d’eux”, poursuit le journaliste. C’est donc sur Internet que se déploie ce marché souterrain. En quelques clics, sont accessibles sur des forums comme Doctissimo ou Auféminin des centaines d’annonces pour trouver la “fée” idéale, le surnom des mères porteuses, rédigées avec précision et sans ambiguïté. Ce qui frappe avant tout dans le reportage, c’est bien ce décalage entre le tabou public lié à l’illégalité et la facilité d’accès au sujet en ligne.
Teaser de l’émission Envoyé Spécial consacrée à la GPA
Pour entendre des témoignages rares
Outre Marie et Jérôme, le reportage va à la rencontre de différentes personnes -quasiment toutes anonymes- engagées d’une manière ou d’une autre dans une GPA en France. On entend ainsi le témoignage fort d’une femme, mère porteuse à deux reprises, pour qui cet acte “généreux” entre dans la droite ligne de son féminisme: “Pourquoi on n’aurait pas le droit d’être enceinte pour donner cet enfant à des personnes qui veulent donner de l’amour?”, défend-t-elle. D’autres discours de potentielles mères porteuses ont été récoltés en caméra cachée. “Si on se présentait toujours en tant que journaliste, on risquait d’avoir une vision édulcorée de la réalité. De ne pas savoir ce qui se dit vraiment pendant les rendez-vous (Ndlr: entre couple demandeur et mère potentielle)”, justifie Matthieu Boisseau. Ces séquences donnent à voir la difficulté à juger la sincérité de la démarche de ces femmes, entre intérêt financier et acte altruiste. Par la multiplicité des témoignages, le sujet touche du doigt la complexité du débat éthique autour de la GPA.
Extrait de l’émission Envoyé Spécial consacrée à la GPA
Pour le ton du reportage: sans complaisance ni sensationnalisme
Loin du style tapageur d’un Enquête Exclusive, le travail d’Envoyé Spécial reste fidèle à une démarche journalistique sans parti pris. Il donne la parole à des pro-GPA, notamment un gynécologue et des avocats qui s’engagent à visage découvert. Mais les journalistes n’occultent pas non plus les dangers d’une pratique hors-la-loi. Par exemple l’histoire d’Alexandre et Anthony, victimes d’une arnaque. La mère porteuse a confié le fils biologique d’Alexandre à un autre couple, hétérosexuel, à la naissance du bébé. Les deux hommes ont porté l’affaire devant les tribunaux, qui a estimé que l’enfant (âgé de 6 ans aujourd’hui) devait rester dans la famille qui l’ont élevé. Ils se sont pourvus en Cassation.
Dans le débat toujours brûlant de la GPA, cette enquête télévisée réussit à sortir de la seule thématique de “marchandisation du corps” -sans éluder la question financière- et risque bien de faire parler d’elle, tant du côté des pro que des anti-mères porteuses.
Elise Koutnouyan