Skate Kitchen suit une bande de skateuses à travers les rues de New York, lors d’un été où le temps semble s’étirer. Pourquoi on a aimé le long-métrage de Crystal Moselle, qui sort en salles mercredi 30 janvier.
Elles s’appellent Camille, Kurt, Indigo ou Janay, vivent à New York et traversent leur adolescence sur des planches à roulettes. Ce crew de filles stylé et inclusif, où hétéros, lesbiennes, noires et blanches tapent des ollies ensemble dans les skate park de Big Apple, la réalisatrice Crystal Moselle en a fait le sujet de Skate Kitchen, un premier long-métrage aérien, lumineux et fondamentalement féministe. On vous dit pourquoi il faut aller le voir.
Un vrai crew de skateuses à l’honneur
Si Camille, Kurt, Indigo ou Janay sont des noms de personnages fictifs, avec des vies et des parcours scénarisés, The Skate Kitchen est un crew de skateuses bien réel. C’est dans le métro new-yorkais que la réalisatrice Crystal Moselle a déniché ses actrices qui, de fait, n’en sont pas. Si toutes n’ont pas la même aisance devant la caméra, ce qui crée parfois des déséquilibres dans le jeu, elles sont entièrement dans leur élément lors des scènes de skate. Ces dernières sont nombreuses et particulièrement réussies, et l’on prend un plaisir quasi inédit à regarder ces corps féminins actifs, exposés aux blessures, sublimés par la caméra de la réalisatrice sans jamais être sexualisés. Finalement, ces filles sont mises à l’honneur pour ce qu’elles savent faire de mieux: grimper sur une planche et oublier leur genre.
Des situations qui sonnent juste, pour un film initiatique moderne qui propose de nouvelles représentations.
Un film qui explose tous les scores au Bechdel test
Certes, on peut déplorer que l’intrigue principale du film tourne autour de la relation naissante entre Camille et Devon, skateur romantique qui roule avec son appareil photo en bandoulière, incarné par Jaden Smith. Mais son dénouement -on ne vous spoile pas-, vient finalement renforcer le propos résolument féministe du film. Par ailleurs, Skate Kitchen explose tous les scores du Bechdel test: il y a beaucoup plus de deux femmes dans l’œuvre, il y en a au moins cinq. Elles parlent ensemble non pas une seule fois, mais tout au long du film. En dehors d’une ou deux scènes, qui traitent de l’histoire entre Camille et Devon, elles parlent de tout sauf de mecs: de skate, beaucoup, mais aussi de leurs règles, de la forme de leur vulve ou de leurs préférences sexuelles. Des situations qui sonnent juste, pour un film initiatique moderne qui propose de nouvelles représentations, jusque dans les relations parents-enfants qu’il met en scène.
© Makadam Distribution
Une réalisatrice qui réussit son passage à la fiction
Malgré un nom de famille qui évoque instantanément l’industrie sidérurgique française, Crystal Moselle est une cinéaste américaine basée à New York. Primée à Sundance pour le mémorable The Wolfpack, documentaire sorti en 2015 qui suivait six frères ayant grandi enfermés dans un appartement new-yorkais, ne connaissant le monde extérieur qu’à travers les films, Crystal Moselle réalise ici son premier long-métrage de fiction. Si son sens du style lui a ouvert les portes de la pub, notamment pour H&M ou Miu Miu (elle avait d’ailleurs développé That One Day, un court film publicitaire avec le crew de Skate Kitchen pour cette dernière marque), son œil de documentariste lui permet d’être au plus près de ses personnages. Elle en capture toute la vérité avec sa caméra toujours en mouvement, qui semble filmer à l’instinct. Un mélange singulier de lustre branché et d’énergie brute.
Faustine Kopiejwski