La guerre d’Algérie au cinéma, ça dérange toujours. Dernier exemple en date : Hors la loi, le film de Rachid Bouchareb. En partenariat avec Rue89.
[attachment id=298]La guerre d’Algérie fut longtemps la « guerre sans nom ». Cinquante ans plus tard, on se demande parfois si ce n’est pas encore une guerre qu’on cherche à ne pas trop montrer.
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Rachid Bouchareb, qui avait marqué le Festival de Cannes en 2006 avec « Indigènes », revient en sélection officielle cette année avec « Hors la loi ». Ce film consacré à la guerre d’Algérie démarre avec le massacre de Sétif, le 8 mai 1945.
« Anachronismes grossiers »
Avant même qu’il ne soit vu, le dernier long métrage de Rachid Bouchareb hérisse l’aile droite de la droite. Pour dénoncer le film, Lionel Luca, député UMP des Alpes-Maritimes, a commencé par saisir le Premier ministre, qui l’a renvoyé vers le secrétaire d’Etat à la Défense, Hubert Falco.
Son but : vérifier la rigueur du travail de Rachid Bouchareb. Falco saisit ses services qui épluchent le scénario du film. Verdict plutôt sévère puisque le service historique du ministère de la Défense (SHD) relève des « anachronismes grossiers » dans une note interne officielle reproduite par l’hebdomadaire d’extrême droite Minute.
L’administration est rarement sollicitée pour vérifier la vraisemblance historique d’un film. Mais « L’Armée du crime », dernier Robert Guédiguian sur le groupe Manouchian, ou « La Rafle » de Roselyne Bosch, avaient par exemple déjà essuyé quelques critiques de ce cru ces derniers mois.
En réalité, la critique historique apparaît secondaire chez Lionel Luca, qui dénonce « un film anti-français ». Le député ne l’a pourtant pas vu. Il a simplement entendu le réalisateur en interview. Un peu juste, peut-être, pour s’enflammer ? Lionel Luca répond à Rue89
« Je trouve formidable, dans ce pays, cette façon de toujours déconsidérer celui qui dérange ! »
« Anti-français », Rachid Bouchareb ? Le cinéaste est né à Paris de parents algériens, en 1953. Soit un an avant le début du conflit, qui s’achèvera en 1962.
Quand on demande au député des Alpes-Maritimes quels autres films lui sembleraient également « anti-français », il n’en voit « aucun » :
« Monsieur Bouchareb est le seul à produire ce type de choses. Or, raviver les plaies du passé est vraiment irresponsable aujourd’hui. Surtout quand on prétend, comme Monsieur Bouchareb, détenir la vérité. Ce n’est pas le Commandeur des croyants et je ne suis pas l’Evangile. Chacun a sa vérité.
Il n’y a pas de films algériens sur les harkis, que je sache. Peut-être qu’on pourra supporter en France les films qui réhabilitent les porteurs de valise du FLN, ce que prétend être “Hors la loi”, quand ce sera le cas. »
Les films sur la guerre d’Algérie dérangent
En réalité, c’est une vieille lune de la droite dure qu’agite ici Lionel Luca avec « l’anti-France » pour discréditer un film sur la guerre d’Algérie. D’autres films avaient fait les frais de telles attaques et été censurés… il y a quarante ans.
C’est le cas par exemple du « Petit soldat », deuxième film de Jean-Luc Godard. Le tournage remonte à 1960 mais il avait fallu attendre près de trois ans pour que le gouvernement lève la censure.
Louis Terrenoire
« Les paroles prêtées à une protagoniste du film et par lesquelles l’action de la France et en Algérie est présentée comme dépourvue d’idéal, alors que la cause de la rébellion est défendue et exaltée, constituent à elles seules, dans les circonstances actuelles, un motif d’interdiction. »
« Le Petit soldat » est loin d’être un cas isolé. « La Bataille d’Alger », de Gillo Pontecorvo, avait ainsi été présenté en 1966 puis interdit jusqu’en 1971 en France [Trente ans plus tard, c’est à Donald Rumsfeld, secrétaire d’Etat américain à la Défense, et aux haut-gradés du Pentagone qu’il était projeté pour ses enseignements sur la contre-guérilla urbaine].
A l’époque, on reprochait au film d’évoquer la torture. Le colonel Roger Trinquier, proche du général Massu, jugeait pourtant que ce film était loin d’être monolithique et caricatural. Dans ces archives de l’INA, il arguait tout de même au passage que des scènes de torture pouvaient « vexer » et « blesser les Français ». (Voir la vidéo)
Sur le Net, des sites proches de l’extrême droite appellent ces jours-ci à « pourrir » le Festival de Cannes. Début des festivités sur la Croisette : le 12 mai.
► La bande-annonce de « Hors la loi » n’est pas encore sortie. Elle sera rajoutée quand elle sera disponible.
Photo : Rachid Bouchareb (deuxième en haut en partant de la droite) et les acteurs du film « Indigènes » sur les marches du Festival de Cannes en mai 2006 (Eric Gaillard/Reuters)
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