Créé avec et pour le Ballet de l’Opéra de Paris en plein confinement, Brise-Lames de Damien Jalet bénéficie d’une captation qui lui restitue toute sa perfection troublante.
La vague est devenue l’un des motifs les plus travaillés ces derniers temps en danse. Quoi de plus beau, en effet, que ces corps pris dans une vague de mouvements sans cesse répétés ? Entre le rituel et l’organique, cette gestuelle puise son énergie dans le grand large. Il faut néanmoins un peu plus que de la maîtrise pour parvenir à donner une force visuelle à cette idée piégeuse.
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La vague se fait alors brise-lames, comme dans cette pièce éponyme de Damien Jalet, créée durant le second confinement au Palais Garnier. On avait assisté aux répétitions, à l’automne dernier, de Brise-Lames, avec son lot de solistes masqué·es et ce tâtonnement des premiers pas. Commande du Ballet de l’Opéra de Paris avec dix danseur·euses investi·es, Brise-Lames est désormais un film de danse.
Capter autre chose que l’air du temps confiné
Jalet avait refusé que sa création soit intégrée au programme Ballet de l’Opéra – Créer aujourd’hui, diffusé en direct sur Facebook, une première pour l’Opéra. “Pas envie que le public regarde cela sur un téléphone”, nous avoua alors le chorégraphe. On comprend pourquoi. Brise-Lames, cette fois-ci filmé par France Télévisions, bénéficie d’une captation en forme de recréation de la pièce. Des lumières au son – musique live de Koki Nakano –, des angles de vue au montage, tout ici fait sens.
Ce n’est pas pour rien que Jalet a récemment travaillé avec Paul Thomas Anderson et Thom Yorke sur Anima. Son regard sur le corps en mouvement s’est à l’évidence nourri de ces échanges. Brise-lames en témoigne. L’ouverture est magistrale, visages et bras comme pris dans un clair-obscur dévorant. Puis la vague prend forme, dans un ressac perpétuel.
https://www.youtube.com/watch?v=jFpww9rkCoo
En création dans la vénérable maison parisienne, Damien Jalet a capté autre chose que l’air du temps confiné. A ses yeux, l’institution devenait comme “perméable” au monde entre grèves – et court spectacle sur le parvis de Garnier ! – et montée en puissance des réseaux sociaux. Brise-Lames n’est pas un spectacle narratif à proprement parler. Même si la dernière image est propre à interprétations multiples avec cette masse de danseur·euses à la dérive.
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Pour le chorégraphe, la vague est à la fois superbe et menaçante. Le fait qu’elle ne cesse jamais ajoute encore à son mystère. Quant au drame des réfugié·es en mer, il est d’une certaine manière le sous-texte de la pièce. Sans jamais insister, Damien Jalet, ici en complicité avec JR à la scénographie, ne lâche rien. Brise-Lames est d’une perfection troublante. Mais c’est également l’une de ces chorégraphies qui persistent. Bien après le baisser de rideau, la vision de cette humanité dansante vous accompagne. A l’automne, cette soirée contemporaine de l’Opéra de Paris aura réuni, aux côtés de Damien Jalet, Tess Voelker, Sidi Larbi Cherkaoui et Mehdi Kerkouche. On devrait les retrouver sur l’écran – enfin réuni·es.
Brise-Lames de Damien Jalet, une commande du Ballet de l’Opéra de Paris. Sur France 5 le 29 janvier à 20 h 55
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