Les journalistes Jean-Michel Décugis, Marc Leplongeon et la scénariste Pauline Guéna publient une enquête solide entre analyse et témoignages sur ces groupuscules qui passent à l’acte.
Il ne faut pas croire que l’attaque du Capitole, le 6 janvier dernier, par l’extrême droite pro-Trump est un phénomène proprement américain. La tentative d’assaut du Reichstag en Allemagne, le 29 août 2020, par trois cents militant·es d’ultradroite lui fait tristement écho.
Et la France n’est pas en reste : depuis quelques années, des groupuscules qui cultivent la haine de l’immigration et de la République sont à l’offensive sur le terrain des idées, tandis que leurs militant·es n’hésitent plus à passer à l’action, tentant par tous les moyens de provoquer des affrontements intercommunautaires.
Plusieurs attentats d’extrême droite ont été récemment déjoués, tantôt contre des responsables politiques (l’opération baptisée “OAS” de Logan Nisin contre Christophe Castaner et Jean-Luc Mélenchon en 2017), tantôt contre des immigré·es (le projet d’attentat du groupe Action des forces opérationnelles – AFO – en 2018).
Les “néopopulistes” sont particulièrement surveillé·es : “C’est un péril, une menace sous-évaluée par les pouvoirs publics”
C’est cet état proche de l’explosion que documentent rigoureusement les journalistes Jean-Michel Décugis (Le Parisien), Marc Leplongeon (Le Point) et la scénariste et romancière Pauline Guéna dans La Poudrière. “La mèche n’est pas encore allumée, mais la poudre est prête”, affirment-il·elles.
Leurs sources du côté policier sont formelles : numériquement faible (environ 3 000 personnes), l’ultradroite n’en demeure pas moins dangereuse. Selon un haut responsable du renseignement français, les “néopopulistes” sont particulièrement surveillé·es : “C’est un péril, une menace sous-évaluée par les pouvoirs publics.”
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“Des citoyens qui ne savent plus contre qui diriger leur rancœur”
Les auteur·trices ont rencontré plusieurs membres de cette nébuleuse qui flirte parfois avec la clandestinité, comme l’ancien leader du Groupe union défense (Gud) Logan Djian, 31 ans, fiché S, réfugié à Rome pour échapper aux poursuites de la justice française, lecteur de Présent, Rivarol, Minute, et qui “apprécie les analyses de Pascal Praud” (sic) ; ou encore Frédéric (prénom modifié), la trentaine, propriétaire, un métier stable, interpellé en 2013 pour avoir projeté d’attaquer une mosquée à l’arme à feu. A ces éternels fafs s’ajoutent désormais de nouveaux profils qui témoignent de l’emprise de cette sphère au-delà de son public habituel.
Il·elles ont en commun d’être des adeptes du survivalisme et d’être persuadé·es qu’une guerre interethnique est inévitable
Ce sont ces quelque trois cents “ultra-jaunes” (des Gilets jaunes adeptes de la violence et qui se mêlent aux Black Blocs) dénombré·es par le renseignement depuis fin 2018 : “Des citoyens qui ne savent plus que penser, qui croire, contre qui diriger leur rancœur, et comment l’exprimer”, écrivent les auteur·trices, qui ont rencontré l’un d’eux·elles. Il·elles ont en commun d’être des adeptes du survivalisme et d’être persuadé·es qu’une guerre interethnique est inévitable.
Au sein de l’AFO, qui comptait beaucoup d’anciens militaires, gendarmes et policiers dans ses rangs, on proposait ainsi des stages pour s’exercer à l’arbalète et apprendre à fabriquer du napalm et autres explosifs maison… Aussi, quand le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin emprunte au lexique de l’extrême droite le mot “ensauvagement”, on ne peut que s’inquiéter : jouer avec le feu au-dessus d’une poudrière n’est guère recommandé.
“La Poudrière” (Grasset), 240 p., 19 €
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