Le dessinateur Blutch et son frère Robber opèrent un retour à leur enfance et rendent la série Tif et Tondu plus adulte que jamais.
Il y a à peine trois ans, le dessinateur et fan de jazz Blutch imaginait un album de reprises, l’équivalent graphique de la réinterprétation de standards par John Coltrane ou Miles Davis. Avec Variations, il rendait hommage, via des planches rejouées, à ses aînés de bande dessinée et aussi à ses lectures de jeunesse. En parallèle, il était déjà occupé à redonner vie à Tif et Tondu, personnages un poil à part parmi les créatures franco-belges de l’ère classique.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Détectives comme le Gil Jourdan de Maurice Tillieux (qui scénarisa certains de leurs albums), ils semblaient vivre dans un monde plus réaliste et inquiétant, comme le rappelle la récente intégrale de leurs aventures parues à l’origine entre 1964 et 1965.
Eviter le pastiche et le second degré
C’est la même ligne, celle du polar mêlé de fantastique, qu’ont choisie Blutch et son frère Robber pour Mais où est Kiki ?. En adoptant comme cadre le Paris un peu sale des années 1980, ils ont toutefois pris leurs distances avec l’imagerie élégante et design impulsée par le dessinateur Will, celui qui a imposé la série et l’a portée sur ses épaules le plus longtemps.
Ils ont également transformé Tif et Tondu en écrivains à la Boileau-Narcejac tout en s’inspirant du feuilleton télé Amicalement vôtre. “Je les ai construits en écho à Wilde et Sinclair, l’un est en costume-cravate, l’autre plus en blouson”, prévenait ainsi Blutch l’année dernière à Strasbourg au moment de dévoiler l’exposition Hors-La-Loi.
Le scénario de Robber permet au trait toujours en mouvement de son frère
Conscient d’enfiler des chaussures qui n’étaient pas à lui, le dessinateur exigeant a voulu éviter le pastiche et le second degré. On sent d’ailleurs que son frère et lui paient ici un tribut sincère au sujet de leurs émois d’enfant en ressuscitant celle qui a rendu la série originale moins asexuée, la comtesse Amélie dite Kiki.
Après une séquence de cambriolage virtuose qui culmine avec la découverte de tableaux signés Picasso ou Matisse (et une case d’anthologie), Kiki disparaît, mais pas de notre vue. Alors que Tif et Tondu cherchent des pistes pour la retrouver, on assiste à ses premiers pas dans la cage dorée où on l’a enfermée.
Dosant habilement suspense et humour, tout en contenant son lot de surprises et d’invraisemblable, le scénario de Robber permet au trait toujours en mouvement de son frère de s’exprimer au fil d’un album tout public qui ne renonce pas à ses ambitions érudites.
Mais où est Kiki ? – Une aventure de Tif et Tondu de Blutch & Robber (Dupuis), 80 p., 16,50 €
Tif et Tondu – L’Intégrale 1964-1965 de Will & Rosy (Dupuis), 264 p., 35 €
{"type":"Banniere-Basse"}