L’ode à l’électricité de l’ancien guitariste de Codeine, aussi prolixe que surdoué.
La discographie de Chris Brokaw est une forêt de projets et de genres musicaux d’une profusion touffue : Codeine, Come, Dirtmusic ou un compagnonnage avec The Lemonheads n’en forment qu’un échantillon. Le nouveau disque solo du stakhanoviste américain met les pendules à l’heure en neuf plages qui ne s’embarrassent pas de détours, sans tourner le dos aux chemins ondoyants. Puritan, album expansif, s’élance avec les cavalcades électriques du morceau éponyme sur lesquelles, même doublée, la voix doit rendre les armes.
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La magnifique Depending fait redescendre le ton avec gravité, les basses y sont aussi lourdes que le constat : “Shangri-La a pris fin dans la disgrâce et l’ordinaire.” Comme pour éluder cette morne agonie des utopies, la suite (I’m the Only One for You) drague nos cœurs doucereux grâce aux chœurs liquoreux de Claudia Groom. Ce titre, avec l’acoustique The Bragging Rights (sur lequel officie sa comparse de Come Thalia Zedek) offre une bouffée de sérénité avant les assauts qui vont surgir.
Des ingrédients venus des décennies saturées
Sous un visage pop d’abord avec I Can’t Sleep qui, pied au plancher, nous fait débarquer le cœur léger du côté des choses sérieuses. Notamment The Heart of Human Trafficking, dont les sept minutes bourdonnantes – passant comme un train sur des rails rouillés qu’on ne s’attendait pas à emprunter à nouveau – sont une sorte de chant du cygne de la guitare électrique. L’instrument y est une bête sauvage qui ne veut pas mourir, domptée par Brokaw mais reprenant sans cesse le dessus. Impossible de surenchérir ?
“Puritan” délivre un plaisir électrique et brut, anachronique et urgent
Pas pour le héraut amplifié qui assène des Periscope Kids plus cinglants qu’un Built to Spill épaulé par Thurston Moore. C’est sur ce titre que la friction des ingrédients venus des décennies saturées (le glam 70’s et le grunge 90’s, mélange en son temps réussi par le R.E.M. de Monster) touche à l’extase.
Comme un réveil salutaire, aux effets cousins des moments forts de Codeine (Frigid Stars, 1990), Puritan délivre un plaisir électrique et brut, anachronique et urgent. Qui ne s’achève qu’une fois ses watts exténués, revisitant en bout de course The Night Has No Eyes du Karl Hendricks Trio. Finir un disque aussi turbulemment personnel par une reprise, c’est une marque de la singulière classe de cet artisan acharné, qui vient de signer sans crier gare son tonitruant chef-d’œuvre.
Puritan 12XU
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